Comme chaque année à la même époque, sans grande originalité, Anne Boden, fondatrice et directrice générale de Starling Bank, s'adonne à la coutume du billet de bilan et perspectives. En 2023, elle profite de l'exercice pour exprimer sa passion pour le changement… en expliquant pourquoi il constitue un moteur essentiel de la néo-banque.
Le choix de cette thématique est loin d'être innocent puisque, après à peine huit ans d'existence, Starling Bank se trouve aujourd'hui à une période charnière de son histoire. Grâce à sa croissance ininterrompue, elle est en effet désormais en passe de quitter le statut de startup pour entrer, quoique encore timidement, dans le club très privé des institutions financières reconnues. Or une telle transition présente toujours un risque d'assagissement et de perte de vue des valeurs initiales de transformation.
C'est que ses derniers indicateurs – opérationnels, il n'est pas question ici de données artificielles – sont éminemment flatteurs : 3,4 millions de clients, dont 520 000 PME qui représentent une part de marché de presque 9% au Royaume-Uni, un bénéfice avant impôts quadruplé, à hauteur de 250 millions de livres (annualisées, à fin décembre), qui lui permet de revendiquer une rentabilité robuste, des effectifs en augmentation sensible, comptant 2 300 personnes, auxquelles s'ajouteront bientôt 1 000 recrues…
Voilà de quoi faire pâlir d'envie les innombrables jeunes pousses de la FinTech ayant outrageusement exploité l'appétit des investisseurs dans une conjoncture exceptionnelle d'argent quasiment gratuit pour atteindre des valorisations extravagantes et impossibles à justifier à long terme, qui conduisent à d'amères désillusions depuis quelques mois. À l'opposé des paillettes déployées par ces étoiles filantes, Starling Bank et Anne Boden défendent leur solide stratégie d'évolution permanente vers un meilleur service.
Car si tous les disrupteurs entament leur parcours de création d'activité avec l'objectif de bouleverser les conventions et de réinventer le monde, beaucoup oublient que cette mission doit se prolonger au-delà des premiers produits développés. Non seulement ceux-ci ne sont ni parfaits ni complets et leur amélioration et leur enrichissement continus, notamment grâce à l'écoute des clients, sont critiques, mais, en outre, interrompre la remise en cause constante est le plus sûr moyen de finir comme les dinosaures.
Le principe est d'autant plus vrai dans le contexte actuel de mouvement perpétuel accéléré. Quand, par exemple, la crise sanitaire à peine terminée, la guerre en Ukraine et l'augmentation brutale du coût de la vie induisent de nouvelles attentes ou quand la prise de conscience généralisée des enjeux climatiques engendre des questionnements sur les approches de la finance traditionnelle, les mutations internes antérieures ressemblent à de modestes soubresauts en regard de ce qu'il faut préparer pour l'avenir.
Nombreux sont ceux qui, à la place d'Anne Boden, considèrerait être parvenu au but en matière d'excellence et mettrait l'innovation en pause afin de se concentrer sur l'efficacité opérationnelle. Cependant, pour rebondir sur un slogan bien connu (en France), la banque d'un monde qui change doit impérativement changer elle-même, s'adapter toujours plus vite et rester au contact direct des besoins de ses clients. Et celles qui ne bougent pas sont des vestiges du passé, irrémédiablement voués à disparaître.