Après le superbe parcours accompli cette semaine par Linda Nosková au tournoi d'Adélaïde, j'ai parcouru, comme je le fais souvent, la presse sportive internationale pour lire les articles qui lui étaient consacrés ainsi que les réactions des internautes. Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant que les médias et le public français ne savaient absolument rien de la joueuse tchèque avant son épopée australe. Par exemple, dans un article paru sur le site officiel du journal L'Équipe, le rédacteur qualifiait la jeune championne de dix-huit ans (qui venait alors d'éliminer la numéro deux mondiale Ons Jabeur), je cite, de "très anonyme au classement", tandis que dans les commentaires accompagnant le dit article, on pouvait lire des réactions lunaires, dont une que j'ai trouvé particulièrement idiote de la part d'un internaute déclarant que Nosková était, je cite de nouveau, "une fille d'Europe de l'est sortant de nulle part", tandis que dans d'autres articles, les mots "surprise" ou "sensation" sont revenus plusieurs fois.
Ce concert d'inepties et d'approximations, auquel vient se mêler une ignorance hélas propre à la presse spécialisée de notre pays, m'oblige ici à intervenir afin de rétablir certaines vérités sur la tchèque. D'abord, Linda Nosková est tout sauf une inconnue. Elle n'a pas encore quinze ans lorsqu'elle gagne le 16 juin 2019 son premier tournoi sur le circuit Juniors, à Bytom, en Pologne. 2019 est d'ailleurs un excellent cru pour elle puisqu'elle remporte par la suite deux autres tournois de second grade. Toujours avant ses quinze ans, elle se frotte déjà au niveau supérieur sur le circuit ITF Dames en atteignant deux demi-finales dans des tournois dotés de 15 000 dollars. Sa montée en puissance se confirme l'année suivante lorsqu'elle arrive jusqu'en quarts de finales de Roland Garros Juniors où la joueuse philippine Alexandra Eala stoppe son élan. C'est véritablement en 2021, sa grande année, que son talent éclate à la face du monde. Elle prend une décision courageuse et importante en délaissant le circuit Juniors pour continuer de fourbir ses armes sur le World Tennis Tour. Au cœur de l'hiver, elle dispute sa première finale sur le circuit ITF au tournoi de Sharm ElSheikh qu'elle perd deux manches à une. On la retrouve ensuite au début du printemps où elle signe un chef-d'œuvre de toute beauté en gagnant deux fois consécutivement le tournoi 15 000 dollars de Bratislava, battant notamment des joueuses connues comme Jesika Maleckova, Tereza Smitkova et Rebecca Sramkova. Mais, cette performance n'est que peu de choses comparée à ce qu'elle parvient à réaliser en juin, lors d'une de ses rares incursions sur le circuit des jeunes : sa victoire à Roland Garros Juniors à l'issue d'un parcours magistral conclu par un succès en finale contre la russe Erika Andreeva. Nosková sait alors qu'elle vient de franchir un cap dans sa jeune carrière. L'été qui suit, elle gagne deux autres tournois ITF à Prerov (60 000 dollars) et Milovice (25 000 dollars). Elle est alors aux portes du top 300 à la WTA et finit l'année quinzième au classement Juniors après être montée jusqu'à la cinquième place. La native de Vsetin (ville située à l'est de Brno) franchit un nouveau cap en 2022. L'année de ses dix-sept ans, le public français la découvre à l'Open de Seine-et-Marne, à Croissy-Beaubourg, où elle s'impose dans un tableau compact, en battant notamment la tête de série numéro une Chloé Pacquet, avant de décrocher la récompense suprême contre Léolia Jeanjean. Elle fut le bourreau des françaises dans ce tournoi doté de 60 000 dollars. Pratiquement dans la foulée, elle fait ses grands débuts au plus haut niveau à Roland Garros en parvenant à passer trois tours de qualifications avant de résister au premier tour à Emma Raducanu contre qui elle s'incline deux sets à un. Elle devient par la même occasion la plus jeune qualifiée au Grand Chelem parisien depuis treize ans et une certaine Michelle Larcher de Brito. La machine est lancée. Forte de cette expérience, elle termine le mois de mai par une demi-finale au tournoi WTA 125 de Makarska, avec au passage une victoire en deux petits sets sur l'expérimentée joueuse bulgare Victoriya Tomova. En juillet, elle signe un nouveau coup de maître sur le World Tennis Tour en remportant le tournoi 100 000 dollars de Versmold où elle ridiculise en finale une joueuse pourtant pas née de la dernière pluie, la belge Ysaline Bonaventure, 6/1 6/3. Le même mois, elle revient sur le circuit WTA pour y disputer son premier tournoi WTA 250, à Prague, dont elle atteint le dernier carré après des succès sur Alizé Cornet et Nao Hibino, juste avant d'intégrer le top 100 pour la première fois. À l'US Open, elle répète sa performance de Roland Garros en franchissant victorieusement les qualifications. Au premier tour du tableau principal, elle prend un set à sa compatriote Marie Bouzkova, sa bête noire, qui l'avait déjà battue en demi-finales à Prague. On la retrouve fin septembre au tournoi WTA 250 de Tallinn où, après être sortie des qualifications (victoires sur Lesley Kerkhove et Heather Watson), elle bat Diane Parry au premier tour avant de chuter contre la brésilienne Beatriz Haddad Maia. On connait la suite...
Le parcours de Linda Nosková au tournoi d'Adélaïde n'a donc rien d'une surprise ou d'un feu de paille quand on regarde tout ce qu'elle a déjà accompli jusqu'à maintenant à seulement dix-huit ans. La tchèque ne vient pas de nulle part, comme le déclarent à tort certains (et n'est pas une "fille d'Europe de l'est", la République Tchèque faisant partie de l'Europe Centrale). Il est fort probable qu'elle ne soit qu'au commencement d'une aventure qui pourrait l'amener encore plus haut dans un futur proche, tout comme il est probable que vous ne soyez pas encore prêts à ce que la République Tchèque nous prépare avec toutes les jeunes joueuses qui arrivent.