ChatGPT et l'avenir de la créativité

Publié le 08 janvier 2023 par Patriceb @cestpasmonidee
Depuis sa mise en ligne fin novembre, l'agent virtuel intelligent ChatGPT fascine les foules avec sa faculté d'entretenir une conversation raisonnée sur toutes sortes de thématiques. Cependant, nonobstant l'indéniable prouesse technique, je m'interroge sur l'influence de ce genre d'outils sur la capacité d'innovation et la créativité humaines.
Le premier facteur à considérer dans une telle réflexion est un rappel, évident mais hélas souvent perdu de vue : le service concocté par OpenAI n'est aucunement doué d'autonomie de pensée, d'esprit d'initiative ou autre inventivité. Ses compétences lui permettent seulement, d'une part, d'interpréter les questions et remarques exprimées par l'utilisateur et, d'autre part, de formuler des réponses et répliques cohérentes assemblées à partir de la connaissance préalablement injectée lors de son entraînement.
Comme le démontrent les velléités de Microsoft (qui en est cofondateur et bailleur de fonds) de l'exploiter dans le but de concurrencer le quasi monopole de Google, ChatGPT n'est en réalité qu'un moteur de recherche sous stéroïde, tout juste capable de restituer des informations existantes, éventuellement en les combinant, et nullement de produire le moindre concept original. L'observation peut d'ailleurs être généralisée à toutes les techniques d'intelligence artificielle disponibles aujourd'hui ou dans un avenir proche.
Or, une fois admis que cette génération émergente d'algorithmes est loin d'être prête à élaborer spontanément de nouvelles idées, il faut ensuite s'attarder sur les multiples conséquences indirectes – dont certaines sont déjà visibles (et parfois relativement inquiétantes) – qu'elle est susceptible d'engendrer sur le mode de fonctionnement intellectuel des femmes et des hommes de notre époque, en particulier, pour rester dans le domaine qui nous intéresse ici, au niveau des processus d'innovation.

Car si la créativité reste l'apanage de l'être humain pour les – probablement longues – années qui viennent, il s'agit de continuer à donner à ce dernier les moyens de la développer, l'entretenir et l'exercer (sauf à décider de s'en passer, ce qui, dans la situation actuelle de la planète, ne devrait pas être une option). Naturellement, l'éducation joue un rôle essentiel dans ce registre : c'est d'abord à l'école que chaque individu doit apprendre à stimuler et renforcer son aptitude à l'analyse critique et l'invention.
Mais, pour ce faire, une culture générale et spécialisée, riche et diversifiée, constitue un prérequis indispensable, car les idées neuves naissent généralement des croisements et des chocs entre celles qui les ont précédées. Malheureusement, les outils informatiques modernes, dont ChatGPT représente maintenant le point culminant, induisent un certain dédain vis-à-vis de ces enseignements : à quoi bon s'encombrer la tête de données qui, de toutes manières, sont toujours à portée de clavier ou de téléphone ?
Alors que les dystopies classiques, de I, Robot à Matrix (au cinéma), envisagent la prise de pouvoir par les robots devenus, d'une certaine manière, plus intelligents que l'homme, il se pourrait que l'évolution à laquelle nous assistons désormais prenne une tournure inverse : l'adoption de machines plutôt bêtes (en dépit de leur caractérisation par l'IA) risque de réduire les dispositions intellectuelles des personnes qui se satisfont de leur utilisation et perdent alors le désir autant que la faculté de dépasser leurs limites.