The Last Post est une nouvelle série de six épisodes qui a été diffusée du premier octobre au 5 novembre sur les ondes de BBC One en Angleterre. L’action se déroule en 1965 en Arabie du Sud dans la région d’Aden alors que sur place, un contingent de la Royal Military Police (RMP) tente d’en finir avec un groupe terroriste mené d’une main de maître par leur chef Kadir Hakim (Aymen Hamdouchi). Les hommes ont beau essayer de stopper l’hémorragie, la situation semble néanmoins désespérée. Par chance, ils peuvent s’appuyer sur les épaules de leurs épouses qui vivent à leurs côtés. Création de Peter Moffat (The Night Of, entre autres), The Last Post a beau se dérouler dans les années soixante, cette série hautement contemplative aurait tout de même une ou deux leçons de réalisme à transmettre à ses acolytes américaines. Dans ce combat perdu d’avance, on est à même de découvrir les souffrances et toute l’humanité dont font preuve ces femmes et ces soldats auxquels on s’attache presque au premier regard.
Le dernier bastion
La série commence et le capitaine Joe Martin (Jeremy Neumark Jones) vient tout juste d’arriver à l’aéroport chercher sa femme Honor (Jessie Buckley) qui pour la première fois pose le pied sur ce sable brûlant. Aussitôt installée aux logements des militaires, Alison la prend sous son aile. Épouse du lieutenant Ed Brathwaite (Stephen Campbell Moore), ce dernier étant agent secret, elle a une aventure avec un autre soldat qui périra bientôt au combat, la laissant enceinte. Parmi les personnages supplémentaires, mentionnons le major Harry Markham (Ben Miles) qui chapeaute tout le groupe. Sa femme ayant récemment accouché, c’est cependant son fils aîné George (Toby Woolf) qui est littéralement la cible des terroristes. Du côté des missions, la vengeance de ceux-ci est impitoyable, comme le constate la journaliste américaine Martha Franklin (Essie Davis) qui a en sa possession des archives vidéos et photographiques que la RMP ne voudrait pas voir diffuser.
Il n’aura fallu qu’une seule série anglaise pour mettre knock-out toutes ses équivalentes américaines (Valor (The CW), The Brave (NBC), Seal Team (CBS)) diffusées plus tôt cette année, comme en témoignent plusieurs points de comparaison. C’est d’abord la jeunesse des soldats. Du côté américain, c’est synonyme de fougue et de prouesses physiques. Chez les Anglais, ça les rend davantage vulnérables comme pour les personnages de Tony (Tom Glynn-Carney) et Paul (Louis Greatorex), deux recrues qui dès les premiers épisodes voient leurs coéquipiers réduits en cendre en l’espace d’une seconde à peine. Deuxième point de comparaison : les missions. Aux États-Unis, elles sont constamment renouvelées chaque semaine et comportent toujours une bonne dose d’adrénaline. The Last Post emprunte le chemin inverse sans qu’on ne baille une seule fois. Les soldats ont les pieds pris dans un bourbier dont ils ne peuvent se dépêtrer. Il leur est pratiquement impossible de prévoir les attaques alors que des mines ou des bombes explosent à tout hasard. Durant le second épisode, ils retrouvent la tête d’un de leur coéquipier et ami sur une pique. Évidemment, il faut un volontaire pour l’enlever et la transporter jusqu’à la morgue. On a beau ne pas nous avoir montré la décapitation, ce trajet en direction de l’hôpital est loin de nous laisser indifférents. En somme, on est dans une guerre d’usure et on ne peut qu’éprouver de l’empathie à leur égard.
Ce qui nous amène justement à la notion de point de vue puisque dans The Last Post, il est question à la fois de terrorisme et de colonialisme. Objectivement, aucun des deux « régimes » n’est sain. Reste qu’ici, on s’intéresse peu à la population locale, à l’image des séries américaines. La différence avec celle de BBC est qu’on prend le temps de se remettre en question et de ne pas limiter la division entre le noir et le blanc, comme en témoigne cette discussion entre Ed et Harry : (H) « None of us should apologize for what we’ve given to those parts of the world lucky enough to have us. Once the roads and the schools and the hospitals are built, we leave. The British Empire is benevolent » (E) « What’s the longest conversation you’ve had with anyone in Aden who was born here? Have you ever had the curiosity or the courtesy or the imagination to ask anyone if they agree with you? They hate you, sir, and everything you stand for. »
La famille au combat
Il est intéressant de constater que The Last Post donne une importance égale dans le scénario aux femmes de militaires. Celles-ci sont installées avec leurs maris dans une sorte de camp entouré de clôtures. On comprend assez vite que ce n’est pas seulement l’Arabie du Sud qui est prisonnière de l’Empire britannique, mais aussi les soldats de la couronne qui dès qu’ils sortent de leur périmètre s’exposent à tous les dangers. Dans l’épisode #2 par exemple, on a Honor et Alison qui décident d’aller dans un club pour prendre du soleil et un bain de mer. Cette « péripétie » occupe près de la moitié du scénario et malgré tout, il ne se passe à peu près rien : elles parlent et elles nagent. Pourtant, on n’a absolument rien à envier à cet amorphisme. Tenues à l’écart, on réalise cependant à quel point leur présence est capitale, ne serait que pour l’équilibre qu’elles procurent à leurs époux.
En même temps, on a Alison qui boit constamment depuis la mort de son amant. Elle n’est manifestement pas heureuse et mis à part Honor, on la regarde de haut; on la juge. Reste son mari qui seul ne semble pas embarrassé par sa conduite. Dans un premier temps, on se dit qu’il doit tellement lui en vouloir puisqu’il est au courant de sa relation extraconjugale qu’il la laisse sciemment se détruire. Puis, les diffusions passent et on réalise que d’une certaine manière, il est fier d’elle : fière qu’elle exprime haut et fort son dégoût pour la situation dans laquelle ils se trouvent tous les deux.
Le premier épisode de The Last Post a attiré 5,79 millions de téléspectateurs, se classant au 9e rang des programmes les plus regardés de la chaîne dans la semaine du 25 septembre au 1er octobre. C’est encore mieux que le lancement de la policière Strike un mois et demi plus tôt. En quatre semaines, la nouveauté de BBC One a cependant perdu un million de son auditoire, mais s’est stabilisée à 4,76, ce qui demeure encore très honorable.
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