GRAVE CRISE SOCIALE ET POLITIQUE AU PEROU :
CHUTE DE CASTILLO, EMEUTES ET NOUVELLE PHASE DE TRANSITION
Mariella Villasante Cervello
[Anthropologue (EHESS), chercheure associée à l'Institut Riva-Aguero-PUCP, Pérou]
Depuis 2016, le Pérou traverse une période de tensions sociales et politiques associées à deux facteurs : d'abord, l'État a oublié les séquelles de la longue période de guerre interne entre 1980 et 2000 ; d'autre part, la polarisation de l'ordre politique qui oppose les partisans de la droite et de l'extrême droite aux forces du centre et de gauche. Ce processus a conduit à des affrontements constants entre le pouvoir exécutif et le Congrès, qui ont atteint leur apogée sous la brève présidence de Pedro Castillo depuis juillet 2021. Pendant son mandat, le plus désastreux de l'histoire péruvienne depuis le régime de Fujimori, le pays est devenu ingouvernable, et le pouvoir présidentiel s'est considérablement affaibli avec l'obstruction systématique, le clientélisme et la corruption du Congrès. Mais la corruption trouvait aussi sa place au cœur même du pouvoir exécutif, au point que la Procureure de la Nation, Patricia Benavides, a ouvert huit enquêtes pour corruption et détournement des biens étatiques à l'encontre de l'ex-président Castillo. Sa famille et plusieurs proches et amis sont également impliqués.
Le 7 décembre, Castillo tenta un coup d'État [autogolpe] solitaire sans aucun soutien, ni politique, ni militaire. De manière surréaliste, il s'enfuit dès la fin de son annonce à la télévision où il prétendait instaurer l'état d'urgence et la dissolution du Congrès, pour chercher l'asile politique à l'ambassade du Mexique. Il fut finalement arrêté en chemin par ses propres équipes de protection agissant sur l'ordre du Congrès qui venait de voter sa destitution...
Á la suite de ce tragique imbroglio, une vague de contestations violentes et d'émeutes éclata notamment dans les régions du sud, là où les classes défavorisées avaient voté massivement pour Castillo dans l'espoir de changements sociaux et d'une meilleure prise en compte de leurs revendications. Á ces manifestants se sont mêlés des groupes d'extrême gauche, y compris des militants Sentier Lumineux, et des casseurs ordinaires, avec une escalade de violence qui a conduit le nouveau gouvernement de Dina Boluarte [ex vice-présidente] à instaurer l'état d'urgence et à faire appel aux Forces armées. Il s'agit là d'une procédure ordinaire en Amérique latine, où les appareils étatiques et les gouvernements sont faibles et doivent administrer les pays avec le soutien constant des forces armées.
Le Pérou s'est retrouvé une nouvelle fois au bord du précipice, mais la solidité du pouvoir judiciaire a sans doute permis d'éviter le pire : l'ancien président reste en prison, tandis que les enquêtes sur les malversations du premier ministre [Aníbal Torres], de sa successeure Betsy Chavez, et de certains ministres se poursuivent. Dina Boluarte a été investie à la présidence de la République le 7 décembre. Enfin, avec l'accord inattendu d'un Congrès le plus souvent porté vers l'obstruction systématique, la présidente a annoncé la tenue de nouvelles élections pour avril 2024.
Le nœud du conflit social et politique se situe autour de la déclaration de l'état d'urgence, de l'intervention des forces armées jugée excessive, des exigences de dissolution du Congrès et de la demande de démission de la présidente Boluarte. La polarisation des forces qui se déclarent de « gauche » et de « droite » n'a jamais été aussi forte… au moins depuis la fin de la guerre interne en novembre 2000. On observe aussi que les réactions des groupes « progressistes », surtout des intellectuels de Lima, sont semblables à celles du début de la guerre en 1980 : déni des responsabilités des groupes ultra violents au sein des manifestations, accusations absurdes contre les forces armées et le gouvernement. Enfin les sondages montrent une réalité contrastée : 40% se déclarent en faveur du coup d'État de Castillo, alors que seulement 60% le condamnent...
Chronique d'un suicide politique annoncé
Les désordres, les émeutes et la polarisation politique étaient bien présents durant la campagne présidentielle de 2021. Depuis lors, les affrontements entre les partisans de Castillo et la droite traditionnelle ou l'extrême droite fujimoriste n'ont pas cessé car celles-ci considéraient que Castillo allait instaurer un régime « communiste » dictatorial comme au Venezuela ou au Nicaragua. Le mandat de Castillo a été désastreux, tout a été quasiment paralysé par l'incompétence des ministres et des fonctionnaires corrompus. On peut parler ici d'une « organisation criminelle » (détournement de fonds et accaparement de marchés publics), suivant les termes mêmes de la Procureure de la nation, Patricia Benavides, qui a ouvert huit enquêtes à ce sujet.
Cette situation prolongée durant 17 mois a provoqué une augmentation notable de la frustration sociale des classes pauvres du pays, déjà rudement frappées par les effets de la pandémie de Covid-19, par la sécheresse et par la crise économique mondiale, conséquence de la guerre de Poutine contre l'Ukraine. Il faut bien comprendre que ces classes pauvres ont voté massivement pour Castillo et son parti de gauche radicale, Perú Libre, qui a remporté 37 sièges au Congrès, et elles exigent aujourd'hui sa dissolution. [Le second parti de gauche, Juntos por el Perú a 5 sièges ; les groupes de droite ont un total de 80 sièges (Fuerza Popular 24, Alianza para el progreso 15, Acción popular 16, Renovación popular 13, Avanza país 7, Podemos 5 sièges) et les partis de centre, Somos Perú5 et Partido morado 3 ont 8 sièges. Au total 130 sièges].
En prévision d'une troisième tentative du Congrès pour le destituer (un Congrès dont on ne saurait trop répéter l'inanité, le clientélisme et l'obstruction), Castillo a choisi une sorte de suicide politique en lisant à la télévision, les mains tremblantes, un texte absurde dans lequel il annonçait la dissolution du Congrès, l'installation d'un « gouvernement d'urgence nationale », la suspension du pouvoir judiciaire et du Tribunal Constitutionnel, tout en instaurant l'état d'urgence dans le pays, avec couvre-feu au niveau national.
Qui soutenait ce coup d'État surréaliste ? Personne d'importance. Il semble que quatre de ses ministres aient été présents dans la salle où il lisait sa déclaration, notamment la première ministre à peine nommée, Betsy Chávez, et l'ancien premier ministre, Aníbal Torres, dont les déclarations pro-nazi avaient défrayé la chronique. Réalisant après-coup l'énormité de son acte, Castillo décida de quitter précipitamment le Palais du gouvernement avec sa famille pour aller demander « l'asile politique » à l'ambassade du Mexique.
Presque au même moment, le Congrès votait sa destitution pour « incapacité morale » par 101 voix sur 130. Capturé par la police — et par ses propres gardes du corps — durant son trajet vers l'ambassade du Mexique, il fut conduit à la Préfecture de Lima en compagnie de l'ancien premier ministre Torres. Refusant de répondre à la Procureure de la Nation, il a profité de sa comparution devant le juge César San Martín [qui a présidé aussi la cour ayant condamné Alberto Fujimori], quelques jours après, pour lancer un appel « au peuple péruvien » à manifester pour sa libération.
Le jeudi 15 décembre, il a été finalement condamné par la Cour Suprême présidée par César San Martín à une peine de 18 mois de « prison préventive » ; son appel a été rejeté et sa peine confirmée le 29 décembre. La Procureure considère qu'il risque 10 ans de prison. En outre, la Cour Suprême a décidé que Aníbal Torres ne peut pas sortir du pays pendant 18 mois car il est accusé d'avoir été complice de l'ex-président dans sa tentative de coup d'État.
Castillo a ainsi rejoint la même prison spéciale que Fujimori - à Barbadillo (Ate, Lima) - où devraient également arriver après leurs jugements les présidents Alejandro Toledo [en cours d'extradition des États-Unis] et Ollanta Humala [son jugement est imminent]. Kuczynski purge une peine de prison à domicile en raison de ses problèmes de santé. Bref, si le désordre politique est une constante invariable de l'État péruvien depuis sa création, la justice péruvienne se montre suffisamment forte pour pouvoir condamner tous les présidents qui se sont succédé depuis près de 30 ans...
Fort heureusement, l'ordre constitutionnel a été respecté et, après l'arrestation de Castillo, le président du Congrès a nommé la vice-présidente élue Dina Boluarte (première) présidente du pays. Le 10 décembre, elle a nommé un nouveau gouvernement composé de personnalités exemplaires, technocrates, sans adhésions politiques ; il a été légèrement remanié le 21 décembre. Le premier ministre Pedro Angulo a été remplacé par l'ex ministre de la Défense Luis Otárola ; le nouveau ministre de l'éducation est Oscar Becerra et la nouvelle ministre de la Culture est Leslie Urteaga.
Cependant, l'arrestation de Castillo a provoqué une vague de protestations sociales exigeant son retour au pouvoir, la dissolution du Congrès et de nouvelles élections. Ces manifestations ont rapidement dégénéré en insurrection violente, avec des destructions des biens de l'État (commissariats, préfectures, mairies), des attaques contre les aéroports, les ponts, ainsi que des blocages des routes [Panamericana, Carretera central], et des attaques contre des entreprises, ainsi que des pillages et des incendies de toute sorte.
Cette situation d'extrême violence alimentée par des groupes d'extrémistes de gauche et de casseurs a conduit le gouvernement à déclarer l'état d'urgence sur le territoire national et le couvre-feu dans les provinces le plus touchées par la vague de violence. Tentons d'analyser cette situation.
Les causes qui contribuent à l'explosion de violence
La vague de manifestations initiée le 7 décembre relève de plusieurs facteurs concomitants.
• Il y a d'abord une grande colère des classes populaires qui ont cru aux promesses de Castillo d'un avenir meilleur, plus équitable et plus juste pour eux-mêmes, les éternels laissés pour compte de l'État péruvien. Précisons que 51% de la population se trouve en situation d'insécurité alimentaire, dont 20% en situation d'insécurité extrême (FAO Perú) ; et selon la Banque Mondiale 16,6 millions de Péruviens [sur un total de 33 millions] n'ont pas d'accès régulier à l'alimentation (Noticias ONU du 17 novembre 2022). Pour sa part, l'Institut national de statistique estimait qu'en 2021 la pauvreté affectait 26% des Péruviens, mais cet indice atteignait 40% dans les départements d'Ayacucho, Huancavelica, Puno [le sud] et Cajamarca, Huánuco, Loreto et Pasco (INEI mai 2022).
• La grande frustration des classes populaires encore appauvries depuis la pandémie semble cependant très politisée et s'exprime par la volonté de détruire les biens de l'État et des « entreprises des riches ». Ces groupes présentent des demandes largement incohérentes et hors contexte dans la conjoncture actuelle : ils dénoncent, pèle mêle, la « traîtrise de Dina Boluarte » et exigent sa démission, mais aussi la dissolution du Congrès « rempli de corrompus » [qu'ils ont pourtant en partie élus et qui sont en majorité originaires des provinces], de nouvelles élections générales immédiates, et l'installation d'une nouvelle Assemblée nationale chargée d'élaborer une nouvelle Constitution.
De fait, la colère sociale est manipulée à des fins de politique politicienne par les partisans de Castillo, le grand responsable de la crise actuelle, et par les groupes d'extrême gauche « marxiste-léniniste » dirigé par Vladimir Cerrón, Perú Libre ; mais aussi par un groupe proche des anciens subversifs de Sendero Luminoso [maoïstes] le MOVADEF [Movimiento por l'amnistia y los derechos fundamentales] ; et par un troisième groupe extrémiste, le syndicat de maîtres d'écoles fondé par Castillo, el FENATE [Federación nacional de trabajadores en la educación del Perú, opposé au syndicat historique SUTEP]. Les congressistes de Perú Libre Guido Bellido [ex-Premier ministre de Castillo] et Guillermo Bermejo, soutiennent publiquement « l'insurrection populaire » et lancent des appels à poursuivre le mouvement pour exiger la libération de Castillo, la dissolution du Congrès, des nouvelles élections et une nouvelle Constitution.
Enfin, un dirigeant d'Arequipa, Felipe Domínguez, a diffusé des propositions insolites pour créer une « República del Sur » comprenant les départements de Puno, Cusco et Arequipa. Le ministère Public l'a mis en examen pour atteinte à la souveraineté nationale. Ce type de posture séparatiste, exposée dans le passé, confirme le fait que la nation péruvienne reste très faible (La República du 1er janvier 2023).
• D'autres secteurs ont participé à la vague de violence contre l'État pour des raisons subordonnées : les miniers illégaux qui veulent en découdre avec les forces de l'ordre qui les arrêtent régulièrement [attaque d'un commissariat à Andahuaylas le 18 décembre] ; les narcotrafiquants de la Vallée des fleuves Apurímac, Ene et Mantaro [VRAEM] qui prétendent conserver leurs territoires en dehors du contrôle de l'État et, enfin, les groupes de vandales dévastateurs sans but politique qui participent aux révoltes pour piller, détruire et attaquer les forces de l'ordre. Une manière bien connue de se « défouler » en temps de crise généralisée.
Une analyse distanciée
Comment comprendre à la fois les manifestations sociales légitimes et pacifiques, et les explosions d'extrême violence qui sont le fait de groupes qui se déclarent défenseurs d'un ex-président responsable d'une tentative de coup d'État et qui est accusé de corruption ?
• Le discours autoritaire de forte polarisation exprimé par Castillo et ses affidés pendant 17 mois de gouvernement chaotique a fonctionné comme un repère idéologique central dans les secteurs pauvres urbains et ruraux du pays qui aspiraient à l'amélioration de leurs conditions de vie misérables « tout de suite ». De fait, comme le remarque Grisha Vera (Connectas, 20 novembre 2022) l'adhésion des couches pauvres aux politiciens autoritaires, de gauche ou de droite, est bien connue en Amérique latine où l'on voit s'affirmer le retour de la vieille tradition des caudillos qui promettent une « transformation » immédiate de la funeste distribution de la richesse. Une transformation que le régime démocratique serait incapable d'offrir. Dans ce cadre, il est intéressant de constater que selon le Barómetro de las Américas, en 2019, 57,7% des Latino-américains soutenaient la démocratie ; mais entre 23% et 65%, selon les pays, tolèrent l'autoritarisme et les coups d'État dans les cas de corruption ou de délinquance. Ces résultats sont inquiétants et confirment la tendance aux solutions extrêmes dans le sous-continent : la gauche radicale qui dans certains pays est devenue autoritaire, et l'ultra droite qui a l'autoritarisme comme porte-drapeau.
• Quelles sont les réactions et les positions face à la crise de gouvernement ? Suivant le clivage « Gauche moderne et radicale vs Droite traditionnelle et extrême », tel qu'on peut l'observer au Pérou [la gauche et la droite sont « conservateurs » sur des sujets d'évolution sociale comme l'homosexualité et l'IVG et elles rejettent les « étrangers »], les congressistes de droite et d'extrême droite ont largement contribué à la polarisation de la vie politique. La chute de Castillo, son suicide politique, a agi comme catalyseur des oppositions politiques, provoquant l'explosion sociale que l'on connaît. De leur côté, tous ceux qui se positionnent à gauche dénoncent le gouvernement de Boluarte, exigent le retrait de l'état d'urgence et des militaires.
Les intellectuels de gauche de tout bord, y compris les journalistes « alternatifs » [i.e. Glatzer Tuesta, Jaime Chincha, Marco Sifuentes, parmi d'autres] concentrent leurs attaques contre le gouvernement de Boluarte et contre les « militaires », sans dénoncer les violences des extrémistes qui attaquent les biens de l'État, des particuliers et les forces de l'ordre. C'est une réaction qui rappelle les premières années de la guerre interne, entre 1980-1985, lorsque la gauche dénonçait les militaires sans rien dire des attentats et des crimes des senderistes [voir le Rapport final de la Commission de la Vérité et la Réconciliation, T. III]. Pour leur part, les groupes de la gauche radicale alimentent classiquement la violence contre l'État, et l'on peut signaler que des dirigeants et de nombreux militants du Sentier Lumineux qui ont purgé des peines de prison ont été identifiés par la Police.
Enfin, les groupes du centre et de la droite [classes moyennes et élites] craignent cette violence des « pauvres » et ils approuvent les mesures prises par la présidente Boluarte pour protéger les institutions du pays. Pour autant, lors des débats consacrés à l'avancement de la date des prochaines élections présidentielles [19-21 décembre], les congressistes de droite se sont divisés entre ceux qui cherchaient à ralentir le processus pour conserver leurs prébendes et ceux qui voyaient là une mesure de bon sens politique au vu de la situation explosive du pays. Par ailleurs, tous les congressistes de Perú Libre [qui sont passés de 37 à 14] se sont opposés à toute modification de la date des élections.
• Certains intellectuels de la gauche modérée ou moderne ont dénoncé la « chute de l'ordre démocratique » au Pérou. Ainsi par exemple, l'historienne Cecilia Méndez [Le Monde du 19 décembre], professeure aux États-Unis, analyste brillante du conflit armé et du passé péruviens, propose une analyse paradoxalement douteuse de la crise actuelle.
Contre la vérité des faits, elle soutient d'abord que « la grande majorité des protestations ne sont pas violentes. Mais la réponse des forces armées et policières ne peut pas être disproportionnée. Et s'ils agissent ainsi, c'est qu'ils ont reçu l'ordre de le faire. » Certes la violence policière est évidemment condamnable, mais celle des émeutiers armés ne l'est pas moins. Et il est difficile de qualifier autrement les centaines de « protestataires » armés de bâtons, de pierres, de dynamite et de cocktails molotov qui ont pris d'assaut les aéroports d'Ayacucho, de Cusco et d'Arequipa.
Si Cecilia Méndez considère avec raison que les « mobilisations massives » réclament l'abandon historique de l'État, elle oublie de préciser que Castillo - « président des changements » - a menti de façon éhontée, préoccupé surtout d'enrichissement personnel [une douzaine d'enquêtes de corruption sont en cours à son encontre et à celle de sa famille], déterminé à se présenter comme « victime » des élites qui le détestent parce qu'il est « pauvre et d'origine rurale » [il n'est pas quechua]. Il n'est pas douteux que les élites et les classes moyennes péruviennes [toujours passées sous silence] rejettent les « provinciaux-indiens », mais par ses agissements inconsidérés, Castillo a donné des gages aux plus réactionnaires, démontrant par ses turpitudes — largement dénoncées et documentées depuis son élection — qu'il n'était pas le « défenseur du peuple », mais un politicien corrompu dépourvu des compétences requises pour gouverner. Rappelons que sa côte de popularité était inférieure à 20% à la veille de son coup d'État. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les « provinciaux d'origine indigène » sont majoritaires à Lima, et que les soldats et policiers sont eux aussi majoritairement des « provinciaux », tout comme les congressistes, ce qui rajoute à la complexité du débat sur ce que j'ai appelé une hiérarchie des métis urbains et ruraux.
On doit compter aussi sur cette idée générale de secteurs intellectuels qui considère que les protestations ont comme toile de fond le « racisme des élites » rejetant les mobilisations des « couches populaires ». Des voix semblables avancent que les « protestataires » morts ne gênent pas plus les élites que le gouvernement ou les militaires car ils sont « provinciaux » ; autrement dit la mort des « indiens », des « laissés-pour-compte » n'importe pas. Ce qui pouvait être vrai au cours de la guerre interne, est devenu complétement faux aujourd'hui. Les autorités civiles et militaires en place, les églises, les syndicats, les citoyens ordinaires, tous ont condamné les morts « inutiles » qu'on a dû déplorer au cours des affrontements entre extrémistes et militaires, notamment dans les batailles pour la prise des aéroports.
Cecilia Méndez établit enfin une comparaison entre la situation actuelle et le début de la guerre interne de 1980-2000 : d'après elle, « quand un pouvoir civil a dû affronter une situation subversive, il a délégué le pouvoir aux militaires. La démocratie a systématiquement abdiqué son rôle de gouvernance civile et c'est ce qui est en train de se passer avec Dina Boluarte. Décréter l'état d'urgence dans tout le pays équivaut à être en dictature, je ne vois pas comment on peut l'appeler autrement. Le système démocratique s'est effondré. » En réalité il n'y a rien de comparable entre aujourd'hui et la situation de décembre 1982, lorsque le président Belaunde plaça tous les territoires en état d'urgence [Ayacucho, Huancavelica, Apurímac] sous le commandement des Forces armées après deux ans de violences, d'attentats et un millier de morts, incapable de contenir la violence armée de Sentier Lumineux contre l'État et la société [Informe final CVR 2003, Villasante 2016, 2018].
Aujourd'hui, il n'y a pas de soulèvement armé dirigé par un groupe subversif, mais une vague de manifestations pacifiques émaillée de révoltes violentes et parfois insurrectionnelles. Dans ces situations, en tenant compte de l'ampleur des dégâts et du danger pour la sécurité des populations concernées, le gouvernent de Dina Boluarte a pris la seule décision sensée pour rétablir la paix sociale.
D'un point de vue plus général, un sondage récent éclaire la manière dont est pensée la démocratie au Pérou : suivant ce sondage d'IPSOS, 40% de la population approuve la tentative de coup d'État. Il y a là une tentation forte et ancienne de plébisciter les gouvernements autoritaires, même non démocratiques. Pour donner un seul exemple : 70% des Péruviens approuvèrent le coup d'État de Fujimori en 1992. Qu'est-ce à dire ? Comme le reste de l'Amérique latine, le Pérou perçoit la démocratie comme une utopie et pas comme une réalité politique. Ainsi seuls 57,7% des Latino-américains soutiennent le régime démocratique (Barómetro de las Américas 2019).
Les données pour le Pérou sont éloquentes : 49,3% de Péruviens soutiennent la démocratie et 52,6% tolèrent l'autoritarisme et les coups d'État [en seconde position après la Jamaïque, dont 65% de la population tolère l'autoritarisme]. La polarisation est claire. Certes, nous disposons de tous les attributs des gouvernements démocratiques (des élections, un parlement, des députés, des partis politiques, la liberté d'expression), mais ceux-ci ne s'appuient sur aucun fondement solide, sans égalité sociale ni valeurs républicaines de solidarité et de protection des femmes, des enfants, des pauvres et des minorités, y compris les migrants vénézuéliens [plus d'un million au Pérou]. L'idée même de Nation est peu comparable à celle des vieilles démocraties, avec un peuple fragmenté, composé de séries d'oppositions en conflit constant (blancs/indiens/métis, ruraux/citadins, riches/pauvres), et sans valeurs républicaines unificatrices.
Dans ces conditions, s'il est légitime de défendre les causes d'égalité sociale et les droits humains, et d'utiliser une rhétorique propre aux vieux États démocratiques, il ne faut pas se bercer de mots ; mieux vaut se résigner à admettre que le Pérou est aussi une démocratie de façade dans un pays profondément inégalitaire et hiérarchique dans lequel le classement des « races » reste toujours d'actualité.
Le cas péruvien dans le contexte latino-américain
Examinons brièvement les fondements et le contexte de la crise péruvienne actuelle. On doit d'abord reconnaître que cette vague de protestations se situe dans le cadre d'une évolution sociale et politique observée en Amérique latine depuis 2012, et surtout 2019. Comme l'indique Olivier Dabène (2020), les formes d'expression du politique se sont transformées et expriment une avancée de la liberté démocratique qui tente de pallier le manque de représentativité des « partis », notamment au sein des Congrès. De grandes manifestations pacifiques ont eu lieu dans plusieurs pays latino-américains pour des revendications diverses, d'abord politiques : élections truquées (Honduras 2017, Bolivie 2019) ; dirigeants corrompus (Guatemala 2015), ou jugés incompétents (Brésil 2016), dérive autoritaire au Venezuela (2017) ; pour des raisons économiques : pouvoir d'achat menacé (Brésil 2013, Équateur 2019, Chili 2019, Colombie 2019) ; pour des raisons sociétales : violences contre les étudiants (Mexique 2014) et violences contre les femmes (Argentine 2015, Chili 2019, Pérou 2019).
D'après Dabène, ces manifestations partagent quelques caractéristiques, et plusieurs revendications entrent en résonance. Depuis 2012, l'occupation des rues donne lieu à des scènes de violence inédites depuis une quarantaine d'années. Elle est souvent le fait de provocations des groupes radicalisés, mais surtout le produit d'une militarisation des tâches policières qui donne des motifs supplémentaires de manifester. Enfin, les manifestants sont souvent très jeunes. Si les protestations expriment la « frustration des classes moyennes » et « pauvres » pourrait-on rajouter, Dabène a raison de signaler que les demandes d'en finir avec le mépris de classe, de race et de genre qui caractérise les sociétés latino-américaines sont très présentes dans les manifestations contemporaines : « le sentiment d'injustice se focalise sur l'accès à l'éducation et la santé qui seul doit permettre d'offrir des opportunités de progrès durable aux jeunes générations. »
La vague actuelle de protestations sociales au Pérou tient à des causes politiques et économiques évidentes. Mais celles-ci se doublent de revendications en faveur d'une véritable modification des caractéristiques d'un ancien régime marqué par des hiérarchies sociales instituées par la naissance, qui est de toute actualité dans notre continent. Les secteurs ruraux notamment exigent la fin des discriminations de « race » [une catégorie sociale actuelle aux Amériques], de classe et leur exclusion historique des biens de la modernité (la santé et l'éducation), seuls moyens de mobilité sociale dans le monde post-moderne. Or, si une partie importante de la population exprime ces revendications dans des marches pacifiques, une fraction non négligeable perpètre des violences qui se situent aux marges de la loi dans un pays « démocratique ».
Les implications internationales de la crise péruvienne
La chute de Castillo a impliqué une polarisation inédite des gouvernements en Amérique latine, entre ceux qui choisissent de le défendre aveuglement, et ceux qui reconnaissent le bien-fondé de son arrestation pour sa tentative de coup d'État et soutiennent le gouvernement de transition de Dina Boluarte.
Au lendemain de la tentative de coup d'État, les présidents de gauche de Colombie, d'Argentine, du Mexique et de Bolivie — y compris le « président de l'ombre » Evo Morales — apportèrent leur soutien à Castillo en passant sous silence sa tentative de coup d'État. López Obrador alla plus loin en arguant qu'il avait été « destitué illégalement ». Les analystes considèrent qu'il existe des liens idéologiques entre ces présidents, mais qu'ils ne s'intéressent pas à l'intégration régionale, qu'ils n'ont ni les mêmes stratégies ni les mêmes objectifs, et qu'ils sont confrontés à des contextes nationaux si particuliers qu'ils finissent par les séparer (Mauricio Saénz, 15 décembre, Connectas). En outre, Evo Morales s'active à agiter les populations des départements de Puno, les appelant à l'insurrection pour réinstaller Castillo. Un cas d'ingérence inédit qui a soulevé des mises en garde très sèches, sans le nommer, de la présidente Boluarte lors de la conférence tenue à Cusco le 30 décembre 2022. Les différences entre les gouvernements de gauche de la région ont été mises en évidence à la chute de Castillo. Le Chili a adopté une position ambivalente : d'un côté le président de gauche Boric a reconnu la présidente Boluarte, de l'autre sa ministre des Affaires étrangères a estimé que Castillo « n'a pas voulu faire un coup d'État ». Comprenne qui pourra. Le président élu du Brésil Lula da Silva a adopté une position équilibrée, déclarant qu'il regrettait qu'un président élu ait un destin pareil, tout en reconnaissant la constitutionnalité du processus de transmission du pouvoir.
La position du président du Mexique, López Obrador, est la plus extravagante. Non seulement il a offert « l'asile politique » à Castillo, à son épouse et à leurs deux enfants, mais il a déclaré que « tous les Péruviens qui sont persécutés sont les bienvenus au Mexique ». Les autorités péruviennes ont réagi vivement à ces déclarations, et dans la foulée, la présidence a expulsé l'ambassadeur mexicain Pablo Monroy en lui donnant 72 heures pour quitter le Pérou, ce qui fut fait le 22 décembre 2022.
Pour autant, en vertu de l'Accord Interaméricain de Caracas de 1954, destiné à protéger la vie des présidents et des politiciens persécutés, le Pérou a accepté d'accorder un sauf-conduit à son épouse et ses deux enfants, qui ont rejoint le Mexique le 21 décembre. Cela étant, la présidente du Pouvoir judiciaire Elvia Barrios a précisé le même jour [entretien avec Fernando del Rincón, CNN] que les investigations à l'encontre de Lilia Paredes pour sa participation dans l'organisation criminelle de son époux Pedro Castillo se poursuivaient. Si elle est jugée coupable, alors la justice péruvienne demandera son extradition à la justice mexicaine.
Synthèse et réflexions finales
• Le mouvement de protestations sociales au Pérou qui a suivi la chute de Castillo montre à l'évidence qu'une partie non négligeable des Péruviens pauvres, citadins et ruraux considèrent qu'ils ont la liberté d'exprimer leur mécontentement dans les rues et dans les campagnes. Il s'agit d'une évolution positive des mouvements sociaux observée en Amérique latine depuis 2012, mais surtout à partir de 2019. Cependant, ces manifestations pacifiques ont vite été débordées par la violence de certains manifestants, majoritairement jeunes, dans les départements du sud du pays, les plus pauvres, les plus délaissés et les plus fervents adhérents de l'ex-président Castillo. Ces régions sont également celles qui ont concentré l'essentiel de l'insurrection armée durant la guerre interne des années 1980-2000. Rien d'étonnant alors de constater que les anciens militants de Sentier Lumineux, groupe subversif responsable de 54% des morts [70 000 selon la CVR, 2003] sont aussi présents parmi les groupes radicalisés d'extrême gauche. Cette situation surréaliste s'explique par le fait qu'aucun gouvernement n'a été capable de suivre les recommandations de la CVR : restructurer l'État, l'assainir de la corruption, et diffuser le Rapport final dans les écoles et dans la société en général pour supprimer les idéologies extrémistes et instaurer les valeurs républicaines.
Les scènes de pillages, incendies et destructions qui ont eu lieu dans les villes comme Lima, Arequipa, Huamanga et Ica étaient tout à fait comparables aux vagues de violence du mouvement des Gilets jaunes en France, mais très éloignées des attentats de Sentier Lumineux qui excluaient les mobilisations sociales.
• Dès son accession au pouvoir, la présidente Dina Boluarte, a montré sa détermination à résoudre la crise et les violences sociales en nommant un gouvernement composé de technocrates compétents ; en annonçant la tenue des élections dès que possible ; et en multipliant les conférences de presse, ainsi que les annonces dans les chaines de télévision nationale pour rassurer les citoyens et propager son message de retour à l'État de droit et à la paix sociale. Elle a dénoncé aussi le machisme ordinaire dont elle fait l'objet et, pour lutter contre cette forme de violence, elle a nommé neuf femmes ministres dans son gouvernement, fait inédit dans notre histoire républicaine.
Le nouveau gouvernement dirigé par le premier ministre Luis Otárola est composé de neuf femmes et neuf hommes : Ana Gervasi est ministre des Relations extérieures ; Jorge Chavez est ministre de la Défense ; Alex Contreras est ministre de l'Économie ; Victor Rojas est ministre de l'Intérieur ; José Tello est ministre de la Justice ; Oscar Becerra est ministre de l'Éducation ; Rosa Gutierrez est ministre de la Santé ; Nelly Paredes est ministre de l'Agriculture ; Paola Lazarte est ministre des Transports ; Sandra Belaunde est ministre de la Production ; Hania Pérez de Cuellar [fille de Javier Pérez de Cuellar] est ministre du Logement ; Eduardo García est ministre du Travail ; Oscar Vera est ministre de l'Énergie et des mines ; Grecia Rojas est ministre de la Femme et des populations vulnérables ; Alvina Ruiz est ministre de l'Écologie ; Leslie Urteaga est ministre de la Culture ; et Julio Demartini est ministre du Développement.
Plusieurs ministres se sont déplacés dans les régions affectées pour établir des « mesas de diálogo » [tables de dialogue] avec les organisations et les syndicats, recueillant leurs plaintes et leurs demandes ; chose jamais faite par le gouvernement de Castillo qui se contentait d'organiser des « Consejos descentralizados » qui n'étaient rien d'autre que des meetings de campagne. Enfin, après avoir constaté que des préfets et sous-préfets pro-Castillo participaient à l'organisation des violences antiétatiques, le gouvernement a décidé de tous les renvoyer et d'en nommer d'autres. Des marches pour la paix ont eu lieu dans les principales villes, avec le soutien des autorités, de l'église qui reste importante au Pérou, et des forces de l'ordre.
• Pour stopper les violences, le gouvernement de transition a adopté des mesures de reprise du contrôle de la paix sociale déjà instaurées plusieurs fois dans notre histoire républicaine. L'état d'urgence a été décrété pour 30 jours le 15 décembre, une quinzaine de provinces ont été mises sous couvre-feu et les forces armées ont été déployées dans tous les territoires concernés par les violences urbaines et rurales, notamment pour protéger les aéroports attaqués et pour débloquer les routes, y compris celles allant vers la Bolivie, le Chili et l'Équateur. Pendant plusieurs jours de milliers de personnes sont restées bloquées sur place, des centaines de touristes ont été coincés à Cusco et ailleurs, des malades n'ont pas pu arriver aux hôpitaux, trois enfants sont décédés sur la route. Autant de dommages collatéraux après deux semaines de violences insurrectionnelles. Les dommages matériels et sur l'économie sont très importants, en particulier pour le tourisme qui a perdu 70% de ses activités depuis le début des violences sociales à l'origine de la réponse musclée des forces de l'ordre.
• Le déploiement des forces armées a été dénoncé par tous les groupes de la gauche « moderne » et « radicale », mais une enquête récente d'IPSOS publiée le 21 décembre [RPP du 21 décembre] montre que 80% des Péruviens approuvent la présence des forces armées et de la police pour contrôler les manifestations violentes et mettre hors d'état de nuire les agitateurs de tout bord.
La même enquête IPSOS signale que 70% des Péruviens ne comptent pas sortir manifester, et que 43% n'ont aucune intention de participer à la politique nationale. Seuls 11% souhaitent poursuivre la mobilisation dans les marches et dans des activités violentes, notamment la prise de routes et des installations de l'État.
• Le retour à la normale s'est amorcé également dans le cadre institutionnel : le 21 décembre le Congrès a approuvé (par 93 voix sur 130) la tenue d'élections anticipées en avril 2024, ce qui permettra d'instaurer des réformes au système électoral actuel, de débattre de la réduction du mandat présidentiel (de 5 ans à 4 ans), du renouvellement du Congrès au mi-mandat, et d'envisager le retour aux deux chambres de sénateurs et députés. Les 14 congressistes du parti de l'ex-président Castillo Perú Libre, [23 ont quitté le parti], ont voté contre, arguant du fait que leur demande d'une nouvelle Constitution, précédée par la convocation d'une Assemblée constituante, n'avait pas été considérée.
• La situation politique et sociale semble sur la voie de l'apaisement au Pérou, à rebours de certains analystes mal informés qui évoquaient un « embrasement » généralisé [i.e. Lissel Quiroz, France Culture du 19 décembre]. Cependant, tout au long de l'année 2023, on peut s'attendre à la poursuite des mouvements sociaux : si l'espoir suscité par l'élection de Castillo a été douché, les revendications qui l'ont porté au pouvoir demeurent. Une nouvelle « grève nationale » a été annoncée pour le jeudi 4 janvier. Pour plupart de ces revendications tiennent à l'amélioration de conditions de vie misérables, à l'éducation pour les enfants, à la fin des injustices liées aux hiérarchies sociales racialisées, et à la dignité retrouvée pour des millions de Péruviens. Bref, le minimum vital pour tout pays civilisé et démocratique...
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Pour en savoir plus :
. Barómetro de las Américas, 2018-2019, El pulso de la democracia, https://www.vanderbilt.edu/lapop/ab2018/2018-19_AmericasBarometer_Regional_Report_Spanish_W_03.27.20.pdf
. Dabène Olivier, 2020, La vague de contestation en Amérique latine, Sciences Po, CERI, https://www.sciencespo.fr/ceri/fr/content/la-vague-de-contestation-en-amerique-latine.html
. Informe Final de la CVR, 2003, Tomo III, Cap. 2.4. Los partidos de izquierda, [https://www.cverdad.org.pe/ifinal/pdf/TOMO%20III/Cap.%202%20Los%20actores%20polIticos/2.4.%>https://www.cverdad.org.pe/ifinal/pdf/
. Informe Final de la CVR, 2003, Tomo IX, Cap. 2., Recomendaciones, [https://www.cverdad.org.pe/ifinal/pdf/T>https://www.cverdad.org.pe/ifinal/pdf/
. Villasante Mariella, 2016, Violence politique au Pérou. Sentier Lumineux contre l'État et la société, Paris, L'Harmattan.
. Villasante Mariella, 2018, Chronique de la guerre interne au Pérou 1980-2000, Paris, L'Harmattan.
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. Mai 2022, Perú, Pobreza monetaria en 2021, INEI, https://www.inei.gob.pe/media/MenuRecursivo/boletines/pobreza-monetaria-2021-cies-10-05-2022.pdf
. 17 novembre 2022, La crisis alimentaria avanza en el Perú, más de la mitad de la población carece de comida sifuciente, Noticias ONU, https://news.un.org/es/story/2022/11/1516972
. 20 novembre 2022, Grisha Vera, La ultraderecha reacciona [Conferencia política de acción conservadora], Connectas, https://www.connectas.org/analisis/ultraderecha-autoritarismo-latinoamerica/
. 14 décembre 2022, Rosa María Palacios, Sin guión, Protesta, vandalismo y el caso Castillo, https://www.youtube.com/watch ?v=pCc-zqNs_Cc
. 15 décembre 2022, Rosa María Palacios, Sin guión, Estado de emergencia y dia clave, https://www.youtube.com/watch ?v=ChDtKT4dT3s
. 15 décembre 2022, Mauricio Saénz, El caso castillo : un doble rasero, Connectas, https://www.connectas.org/analisis/latinoamerica-izquierda-ola-rosa/
. 16 décembre 2022, Frictions entre le Pérou et ses voisins de gauche qui soutiennent Pedro Castillo, RFI, https://www.rfi.fr/fr/amériques/20221216-frictions-entre-le-pérou-et-ses-voisins-de-gauche-qui-soutiennent-pedro-castillo
. 17 décembre 2022, Conferencia de Dina Boluarte y ministros de Estado en el marco del estado de emergencia, Diario El Comercio, https://www.youtube.com/watch ?v=7WOkLytWvYI
. 17 décembre 2022, Amanda Chaparro, Le Monde, Au Pérou, une répression sanglante contre les manifestants, Le Monde, https://www.lemonde.fr/international/article/2022/12/17/au-perou-repression-sanglante-contre-les-manifestants_6154852_3210.html
. 18 décembre 2022, Policía intervino locales de Nuevo Peru y de la Confederación campesina del Perú, TV Noticias, https://www.youtube.com/watch ?v=IPM31_ofxAo
. 18 décembre 2022, La conexion internacional en la crisis peruana, Panorama, Panamericana Televisión, https://www.youtube.com/watch ?v=6AQywF8UvZ8
. 18 décembre 2022, Protestas, caos y vandalismo, Punto Final, Latina Noticias, https://www.youtube.com/watch ?v=9JLlzy3gYaA
. 18 décembre 2022, Atacan comisaria con explosivos en Andahuaylas : reportan varios policias heridos, El Dominical de Panamericana, https://www.youtube.com/watch ?v=5x-50haT00E
. 19 décembre 2022, Pourquoi le Pérou s'embrasse-t-il ? France culture, Entretien à Lissel Quiroz, https://www.youtube.com/watch ?v=6hqr_h7eOcQ&t;=19s
. 19 décembre 2022, Los rostros de la violencia, Panorama, Panamericana Televisión, https://www.youtube.com/watch ?v=xQDeadBUVy8
. 19 décembre 2022, 11 días de violencia : más de 20 fallecidos en Perú a causa de los enfrentamientos, Panorama, https://www.youtube.com/watch ?v=t_-Av6nG5DQ
. 19 décembre 2022, Dina Boluarte : « Yo no me considero una traidora », Cuarto Poder, América Noticias [Premier entretien à la télévision privée], https://www.youtube.com/watch ?v=8s9RZdjHIzc
. 19 décembre 2022, Alfredo Torres : la narrativa construida es que Pedro Castillo fue víctima del Congreso, RPP Noticias, https://rpp.pe/politica/gobierno/alfredo-torres-la-narrativa-construida-para-el-sector-rural-es-que-pedro-castillo-fue-victima-del-congreso-noticia-1454544
. 19 décembre 2022, Amanda Chaparro, Le Monde, Cecilia Méndez : « Au Pérou le système démocratique s'est effondré », https://www.lemonde.fr/international/article/2022/12/19/au-perou-le-systeme-democratique-s-est-effondre_6155085_3210.html
. 21 décembre 2022, Fernando Del Rincón sobre Lilia Paredes, CNN en español, https://www.youtube.com/watch ?v=EUu4WRaVqlY
. 21 décembre 2022, Rosa María Palacios, Sin guión, Adelanto de elecciones y Perú vs. México, https://www.youtube.com/watch ?v=R2KRuaU0J6c
. 21 décembre 2022, IPSOS : 70% de ciudadanos afirma que no participará en las mobilizaciones en los siguientes días, RPP Noticias, https://rpp.pe/peru/actualidad/ipsos-70-de-ciudadanos-afirma-que-no-participara-en-movilizaciones-en-los-siguientes-dias-noticia-1455068
. 21 décembre 2022, Jaime Chincha, Entrevista al Ministro de Justicia José tello Alfaro sobre lo ocurrido en protestas, https://www.youtube.com/watch ?v=z7PO4U02XxM
. 30 décembre 2022, Conferencia del gobierno de la presidenta Boluarte organisée par la Confederación nacional de radio y televisión en Cusco, TV Perú, https://www.youtube.com/watch ?v=dfW_zAvXKkI