Lorsque celui-ci paraît chez une (relativement) petite maison d'édition strasbourgeoise, nommée 2024, plutôt que Dargaud ou Dupuis, les habituelles, on se demande bien ce qui va en ressortir... Et voilà un bel album libre comme le vent, libre comme un Blutch tel qu'on l'aime.
"Traversant Bruxelles-City d’un pas hésitant, ignorant les conseils d’un
vieux sage, B cherche A. Garçonne, venue en calèche, sourde aux
avertissements d’une comparse de voyage, A cherche B.
A l’Hôtel Métropolis, A se cacherait sous le doux nom d’Incartade.
B, enchaîné à un poteau, capturé par des Indiens de cinéma, ne peut que la voir s’échapper à l’horizon.
Leur quête se poursuit jusqu’à ce qu’ils se retrouvent..."
Voyage en Absurdie, embarquement immédiat !
Lire Blutch, c’est laisser ses certitudes de côté, c’est accepter de rentrer dans un jardin aux plantes géantes, comme celles du jardin fantastique de Raymond Poivet et déambuler dans un film où rien n’est joué. L’auteur lui-même fait référence à Fellini et Roma, et on pourra évoquer aussi Mort à Venise de Visconti, ou bien les ambiances fantastiques du Drôle de paroissien de JP Mocky.
Ce qui amuse et rassure en même temps, ce sont les clins d’oeil voire les sparadraps (façon capitaine Haddock) laissé par Blutch dans ses récits, tels ses allusions aux westerns et au cinéma, encore, comme ces invitations de sauvages dans un parc transformé en grand ouest et ce Cowboy de pacotille, vite cloué au pilori (au poteau de tortue), pour un jeu sexuel au grand final.
Du mouvement, du relief, toujours !
L'Aventure, c'est l'Aventure !
La Mer à boire se déroule comme une course, et dés le début, on s‘essouffle pour grimper sur les hauteurs d’une Bruxelles imaginaire, ressemblant davantage à un rocher de Monaco, ou Manara dans toute la splendeur d’un Jour de colère resurgissent par le biais de son héros Giuseppe Bergman sans cesse cherchant l’aventure aux coin de la rue.
Histoire de couple certes, mais encore hommage au médium bande dessinée, qui permet tout, où l’on ose tout. On aime jamais autant Blutch que lorsqu’il nous perd avec lui dans ses évocations sentimentales perturbées. D'ailleurs, depuis Vitesse moderne, publié dans la collection Air libre, avait-on vu autant de liberté chez lui ? Une mer à boire, qui passe bien comme digestif finalement. Un grand cru.
FG
La mer à boire, par Blutch
Éditions 2024 (25 €) - ISBN : 978-2-383870-34-0