On etait des loups

de Sandrine Collette

Roman - 190 pages

Editions JC Lattès - août 2022

Prix Renaudot des Lycéens - 2022

Prix Jean Giono - 2022

Liam est un solitaire, un misanthrope, une homme un peu sauvage. Il a décidé de vivre dans ce coin loin de tout, dans cette nature brute, froide, dure, loin des moyens de communications modernes, se déplaçant avec ses gros, ses chevaux. Sa vie, c'est la chasse, les nuits et les jours à bivouaquer pour traquer les animaux, et c'est Ava aussi, sa femme. Elle s'occupe du petit quasiment seule, elle l'a voulu ce petit, Aru, lui il trouve ça inutile, un enfant. Inutile, encombrant, énervant. Mais il a accepté, sans renoncer à sa liberté. Dernièrement, il a entendu un loup chanter, il doit partir à sa recherche pour l'effrayer et délimiter son territoire. A son retour, un détail inhabituel et inquiétant : Aru ne court pas à sa rencontre. Aru est invisible. Et sa femme gît au sol, griffée et ensanglantée, inanimée. Morte. Sur Aru.

Plonger dans ce roman inquiétant, c'est être avalé par le souffle de l'auteure, ses phrases précipitées ignorant souvent la ponctuation, ses descriptions donnant une large place à la nature puissante. Je l'ai dévoré en quelques heures. Sandrine Collette qui ne voyage pas, campe des décors panoramiques impressionnants, tellement présents qu'ils constituent un personnage, alors que les lieux ne sont jamais nommés.

Extrait :

"C’est là que c’est bizarre chaque fois ça me fait quelque chose dans le ventre et c’est de l’émotion que je n’arrive pas à retenir, de l’émotion de voir qu’il m’attend et qu’il n’attend que moi et sur son visage le bonheur qu’il y a je ne peux pas l’expliquer c’est immense – mais c’est aussi une sorte de pitié effrayante quand je le regarde cavaler pour me rejoindre, il est tellement petit tellement faible ça me fait peur ça me fait de la tristesse à me broyer, je me dis qu’il sera tout le temps petit et fragile et pourtant je le sais que ce n’est pas vrai seulement je voudrais le protéger pour toujours."

Ce père n'en est d'abord pas un, ou pas complètement. Il est dévasté par la perte de sa femme, et envahi par la colère contre l'ours, contre le monde, submergé par la haine. La hargne le saisit dès qu'il voit son fils survivant, osant penser que sa mort à lui, ce petit inutile, aurait été nettement préférable que de le priver d'Ava. Un enfant, ça se refait. Alors, il n'est pas encore père, mais il est colère et furie, et par différents moyens souhaite se libérer de ce poids, de cet enfant. C'est ensuite une histoire de cheminement entre père et fils, cheminement physique à travers routes, forêts et lac, et cheminement de silences, de douleur, de honte, cheminement vers un lien indéfectible et l'expérience d'une vie qui rend plus petit que soi utile.

Le roman noir prend aux tripes, ce personnage principal fait déborder intérieurement son dégoût absolu, mais la vie demeure. Roman d'apprentissage de la paternité. Magistral.

L'adaptation du roman en film serait prévu, par le réalisateur François Busnel...

"Sandrine Collette et ses sources" - FranceInter

L'avis de Charlotte - Charlotte Parlotte