Un homme est mort qui n’avait pour défense
Que ses bras ouverts à la vie
Un homme est mort qui n’avait d’autre route
Que celle où l’on hait les fusils
Un homme est mort qui continue la lutte
Contre la mort contre l’oubli
Car tout ce qu’il voulait
Nous le voulions aussi
Nous le voulons aujourd’hui
Que le bonheur soit la lumière
Au fond des yeux au fond du cœur
Et la justice sur la terre
Il y a des mots qui font vivre
Et ce sont des mots innocents
Le mot chaleur le mot confiance
Amour justice et le mot liberté
Le mot enfant et le mot gentillesse
Et certains noms de fleurs et certains noms de fruits
Le mot courage et le mot découvrir
Et le mot frère et le mot camarade
Et certains noms de pays de villages
Et certains noms de femmes et d’amis
Ajoutons-y Péri
Péri est mort pour ce qui nous fait vivre
Tutoyons-le sa poitrine est trouée
Mais grâce à lui nous nous connaissons mieux
Tutoyons-nous son espoir est vivant.
Paul ELUARD, Au rendez-vous allemand, Éditions de Minuit, 1945
Pour ce premier rendez-vous poétique avec Marilyne, qui vous propose de lire Jacques Prévert, j’ai choisi ce poème de Paul Eluard. Poème de la Résistance (Gabriel Peri était un journaliste apprécié des résistants et fusillé par les Allemands en 1941), il est toujours d’actualité.
Et bien sûr, le bonheur et les mots des deuxième et troisième strophes, je les prends à mon compte pour vous souhaiter une belle année 2023.
En contrepoint, une lithographie de Max Ernst, Un chant d’amour, 1958.