Mathilde s'en va-t-en mer… de L.-J. Wagner.

Par A Bride Abattue @abrideabattue
J'écrivais en août 2020 combien j’avais hâte de découvrir quelle nouvelle intrigue L.-J Wagner allait nous tricoter après Gangrène.
Deux ans plus tard, voici donc son second roman. Cette fois, on change d'âge. Son héroïne (encore une femme) a l'âge de Pierrette Dupoyet, cette grande comédienne que j’ai découverte (trop tard, je le confesse) au Festival d’Avignon cet été.Si je la cite c’est qu’elle est triplement légitime. Outre l’âge du personnage principal, elle a conçu un spectacle exceptionnel sur le combat à mener contre les violences conjugales (qui est un des thèmes traités dans le roman) et elle a prêté sa voix à la bande-annonce du livre.Mathilde s'en va-t-en mer... est annoncé comme un roman feelgood autour des amours entre seniors, ce qui est tout à fait cela comme point de départ pour raconter une reconstruction hors du commun. L’auteur confesse y avoir mis une pointe d'emprise masculine, mais je dirais que tous les personnages masculins ne sont pas dans une optique de domination.
Mathilde, 72 ans, vient de perdre son mari, Hector. Pour se changer les idées, elle décide de s'offrir une croisière un peu particulière consacrée au troisième âge, "Les Séniors de l'Anneau", à destination de Los Angeles... Chaque participant doit se déguiser en personnage de littérature de fantasy. Cela tombe bien, Mathilde est une grande admiratrice de la saga magique "Ally Foster".Tandis qu'elle retombe en adolescence, s'amuse et se fait pour la première fois des amis, sa fille Manon découvre dans la maison de son enfance, un curieux document : un journal dans lequel sa mère lui raconte les cinq décennies plutôt houleuses qu'elle a passées auprès de son père. Et pendant que Mathilde se libère de son passé, Manon s'engouffre dans le sien. Mère et fille pourront-elles enfin se comprendre et se retrouver ?
Il est question de résilience et d’émancipation, l’une étant liée à l’autre, toutes deux étant les bases d’une reconstruction. Mais aussi de transmission.L’analyse de l’emprise est très bien vue, et il est agréable de la découvrir sous un angle différent de ce qu’on a pu déjà voir dans les romans ou les films traitant de la perversion narcissique. Le parallèle avec le monde de la fantasy apporte une immense bouffée d’oxygène et il n’est pas indispensable d’avoir avalé toute la saga Harry Potter pour suivre le déroulé des aventures de Mathilde. On applaudit à sa libération aussi bien physique que psychologique. On espère la happy-end qu’elle mérite mais rien n’est sûr, même dans le monde de la fiction.J’ai apprécié les clins d’œil aux autres écrits de L.-J. Wagner (p. 312-313). J’ai juste regretté que les étapes de la croisière, et particulièrement celle qui a été faite à Puerto Vallarta au Mexique n’aient pas davantage été détaillées. Il faut dire que cette ville, que j’ai visitée il y a deux ans était fort bien choisie puisqu’elle a abrité les amours tumultueuses de Richard Burton et de Liz Taylor (dont j’ai photographiée la superbe maison ci-dessous) : En alternant les épisodes d’un présent frivole et distrayant avec des flash-backs terribles, l’auteur apporte de la légèreté à une histoire qui est à peine imaginable. Le lecteur entrera petit à petit dans le mécanisme et comprendra comment on peut supporter l’insupportable pendant des années, quel que soit le milieu social dans lequel on évolue, ce qui est d’ailleurs vrai aussi pour des hommes.Ce qui est également très bien conçu par l’auteur c’est l’articulation entre le rôle qu’on endosse, soit par obligation, soit par jeu, et la réalité des relations. Les masques qu’on porte dans la vraie vie ne sont-ils pas plus faux que ceux qu’on choisit pour s’amuser, comme on le fait parfois sur les réseaux sociaux. Ce roman est une plongée dans la recherche de la vérité de chacun. Ce serait un sujet et un cadre parfaits pour une série Netflix.Comme quoi le monde de l’auto-édition recèle des pépites. Vous pouvez commander l’ouvrage ici.Mathilde s'en va-t-en mer… de L.-J. Wagner, illustration de couverture de Sarah Belmas