L’exercice consistant à faire des prédictions graphiques en début d’année s’apparente souvent à une sorte d’approximation. Les grandes tendances évoluent trop peu d’une année à l’autre et fatalement ce qui était annoncé pour une année reste vrai pour la suivante. Il est aussi très difficile d’être exhaustif et de balayer plusieurs domaines du graphisme (UX, print, web, réseaux sociaux, animation, typo, vidéo…). De plus, on voit fréquemment des posts traduisant localement des sites anglo-saxons or les prévisions devraient être nuancées selon les différentes régions du monde. Bref selon votre métier, votre secteur d’activités et votre région, vous devrez faire la part des choses et ne pas tout accepter comme une seule et grande vérité.
En ce qui me concerne, je suis Directeur Artistique Senior chez WAT Paris et administrateur de ce blog de veille graphique depuis 2007, un poste privilégié pour observer les tendances graphiques, plus particulièrement sur l’Europe et l’Amérique du Nord. En 15 ans, j’ai reçu plusieurs dizaines de milliers de books et ai contribué à la promotion de plusieurs artistes émergents.
Des tendances graphiques vraiment nouvelles ?
Bien que tout évolue très vite, une tendance nécessite quelques années pour émerger puis être démocratisée. Or le temps n’existe pas dans le cadre d’une argumentation, vous devez illustrer vos propos et ne pouvez pas dire « vous verrez ». En effet, ce que vous montrez est plus important que ce que vous dites. Ainsi lorsqu’il est question de tendances 2023, inévitablement on s’appuie au mieux sur des travaux réalisés en 2022 ou 2021, on devrait alors parler d’actualité et pas de prédiction.
Ce que vous montrez est plus important que ce que vous dites
Sir David Ogilvy
Ce qui fait qu’une tendance graphique vous intéresse, puis que vous souhaitez la défendre, c’est que votre métier vous place en observateur privilégié. Votre position d’expert vous permet de reconnaître les tendances qui peuvent vous permettre de vous démarquer de celles qui sont déjà obsolètes car utilisées partout, ou bien trop précoces et difficiles à faire accepter. En bref, votre esprit critique importe plus que celui de quiconque au stade de la proposition. Votre responsabilité ensuite consiste à la mettre en œuvre puis la défendre avec des critères subjectifs (ça me plaît, c’est esthétique, ça évoque des choses intéressantes) autant qu’objectifs (ça fonctionne, c’est compréhensible, c’est impactant). Enfin, s’approprier une tendance c’est déjà la légitimer, elle existe parce que vous l’utilisez, puis parce que d’autres s’en emparent également.
Voilà pourquoi il me semble plus intéressant de choisir un petit nombre de tendances et d’expliquer d’où elles viennent ou bien quelles sont leurs spécificités afin de leur attribuer du sens et de l’épaisseur, vous pourrez ainsi les résumer en quelques mots, il en restera bien quelque chose.
La forte augmentation des ressources technologiques et numériques nouvellement disponibles a rendu l’art généré par l’IA et les outils digitaux globalement plus accessibles et les promesses d’améliorer la productivité sont énormes mais il persiste aussi des incertitudes et des controverses. En revanche il est certain que la relation entre les personnes et les marques est toujours et encore remise en question. Il y a sur la durée de grandes difficultés à lier, à innover, à proposer des personnalités convaincantes, à favoriser la narration, l’humanité, l’authenticité et l’originalité. D’un point de vue graphique cela se traduit par la recherche d’émotions rassurantes et de réalisations originales et de qualité. Bref lorsqu’il est question d’image, on fait appel à des pros !
Il est possible de remédier à cela à travers des codes familiers, confortables, issus du passé. Le « fait main » et l’artisanat d’art y sont valorisés, les artistes y trouvent leur place et sont défendus, le talent fait la différence : Le graphisme vintage n’a pas dit son dernier mot !
Il y a comme une malédiction à toujours puiser dans le passé notamment pour parler de l’avenir, mais c’est une malédiction consentie tant elle s’accompagne de plaisirs nostalgiques ou d’évocations insouciantes et savoureuses du « bon vieux temps ».
Les bitmap fonts, raster fonts ou pixel fonts
Souvent associées aux premiers jeux vidéos, aux années 90 et particulièrement basiques dans leur conception, les « pixel fonts » ont longtemps été jugées ringardes, voire insupportables aux yeux des graphistes. On les voit revenir dans la presse, sur le web, les réseaux, bref partout ! On les choisi pour parler de crypto-monnaies, de NFT, de Metaverse ou plus simplement de digital, d’innovation.
Pourquoi ce retour en grâce ?
Prenons l’exemple d’un article sur l’avenir des cryptomonnaies, quelque soit le ton utilisé (expert ou pédagogique) on peut s’appuyer sur un registre graphique connu – le pixel – pour immédiatement évoquer le digital. Le contrat ainsi établi avec le lecteur consiste à le guider dans sa lecture à l’aide de repères graphiques familiers, le texte étant supposé apporter l’information nouvelle, inattendue ou plus « futuriste ». Une fois encore on montre ce qui existe, on explique ce qui n’existe pas. De nombreux graphistes ont compris ce besoin et se sont amusés à dessiner des pixel fonts plus actuelles : elles sont sophistiquées, incluent de nombreuses variations (gras, italique…) et deviennent très séduisantes.
Lab-Day 2022 © NoA Ignite Low Def Font 2022 © Daniel Brokstad Voxel typeface 2022 © Fine Great Studio Crypto Witch Club (Instagram) Tweag brand identity © Brand BrothersLes illustrations façon cartoons
Tous les styles de comics ou cartoons sont les bienvenues en 2023, depuis le début du XXe siècle jusqu’aux années 60, comics et cartoons sont inspirants. Parmi les différents styles de dessin animés le « rubber hose » fut le premier, son nom (littéralement « tuyau en caoutchouc ») vient du fait que les personnages avaient des membres dessinés comme des tubes noirs souples, sans articulation. Rapidement remplacé dans les années 30 par Walt Disney et ses dessins plus détaillés, le « rubber hose » a néanmoins beaucoup marqué l’imaginaire collectif. Depuis quelques années il inspire à nouveau les artistes que ce soit pour des vidéos musicales, des t-shirts pour skateurs ou des illustrations de presse.
Ce style très prononcé, très vintage, associé à des codes plus contemporains peut donner des résultats singuliers et plutôt cool.
© Yeye Welle / Sugen / Walter Haskey / Ovcharkart © Akira Yonekawa JAY-Z – The Story of O.J.Les stickers holographiques
Plusieurs tendances semblent se rejoindre pour un revival seventies : les dégradés de couleurs vives et la présentation de logo et autres symboles sous formes de stickers. Qu’il s’agisse de réels auto-collants vintages ou de stickers digitaux destinés aux stories des réseaux sociaux, ils sont une occasion ludique d’animer une image, de personnaliser un support ou de véhiculer un message. Pendant longtemps les stickers ont été des images accessibles et originales pour personnaliser nos objets (casque, ordi, vélo…) et chacun a conservé cette envie de sortir du lot très accessible, une sorte de sur-mesure démocratique avec un petit côté rebel : badges ou stickers, même combat.
Aujourd’hui les stickers sont digitaux, animés, réalistes ou abstraits. Mais leur équivalent physique revient aussi en force, avec un seul mot d’ordre : le plaisir. Il est nécessaire pour avoir de l’impact de privilégier des images sur mesure avec des couleurs singulières. Les stickers holographiques ont ainsi un fort pouvoir de séduction, il s’agit de procurer un plaisir impactant et mémorable. Offrir une émotion c’est toujours créer un souvenir.
© Dotstudio / MoonAndBlossomShop / WritingLoveShop © Kate IoannidouLes typographies déformées
Depuis plusieurs années, les lettres étirées et la typographie déformée inondent les médias… et bien cela est toujours d’actualité en 2023, avec des dessins de police traditionnelles aux déformations qui semblent sans limite.
Gauthier Designers © Studio Dumbar / Antoine Pichon © ddbworldwide / Pentagram design / PizzaTypefacesLa révolution des outils
2022 a été marqué par l’apparition de nouveaux outils – ou l’amélioration d’outils existants – marquant un tournant dans l’ère du graphisme, de l’organisation, de la collaboration et aussi de la création de contenus. L’AI s’est imposée comme une nouveauté accessible éveillant toutes les curiosités. De multiples applis ou plug-ins permettent de gagner un temps devenu précieux, pour des budgets plus accessibles qu’auparavant. Il semble évident que 2023 nous apportera son lot de nouveautés…
Après le collaboratif de Figma ou Notion, c’est au tour d’Apple de proposer avec son dernier système d’exploitation, l’application « Freeform », un outil collaboratif d’agrégation de contenus, intuitif et plus puissant que le déjà très bon « Milanote ».
Côté AI, beaucoup de créations ou de mise au point, que l’on soit pour ou contre, il faut admettre que ses outils débarquent en force… avec des polémiques (notamment sur le copyright) mais aussi quelques espoirs…
À suivre : ChatGPT (chat conversationnel pour effectuer des recherches, rédiger des contenus, corriger du code…), Whisper (reconnaissance vocale), OpenAI Codex (traduit le langage en code), GitHub Copilot (traduit le langage en code), InstructGPT (génère du texte en suivant des instructions), Text-to-product (conception de produits à partir de texte), AI slides (différents outils de création de présentation), DALL.e 2 (création d’images à partir de texte), Midjourney (création d’images à partir de texte), Stable Diffusion (création d’images à partir de texte), Runway videos (outil de retouche vidéo), Email AI, AI chrome extensions, Replit Ghostwriter, No-code AI app builders
Merci d’avoir parcouru ces listes jusqu’au bout si vous avez une remarque, une question, merci de laisser un commentaire…
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