Je n’ai pas beaucoup écrit cette année, parce que cela fait partie des années -2 qui m’ont usée physiquement et psychologiquement (comme 1992, 2002 et 2012). Du coup, mon univers musical s’en est trouvé très réduit. J’ai quand même fait des sessions musicales intéressantes, notamment avec mes collègues chéris. Mais qui dit année douloureuse dit repli musical, et force est de constater que 2022 ne m’a pas enrichie sur ce point. L’approche de la quarantaine, peut-être.
Le format blog également joue pour beaucoup sur mon manque de motivation aussi. J’écris d’autres projets sur d’autres plateformes, et même, je trouve Instagram plus pratique et plus instantané pour partager mes humeurs musicales. Car l’approche de la quarantaine et l’écoute massive de radio Nostalgie ne m’empêche pas de (re)découvrir des pépites, à l’image d’Elvis Costello, dont le 32e album, The Boy Named If, vient de nous être gracieusement offert par ma sœur à Noël. J’avoue que son répertoire m’attire de réputation, mais que je n’ai jamais eu la curiosité d’y jeter une oreille. Bilan : c’est très agréable, mais ce que je trouve dommage, c’est l’absence de mélodie earworm qui te marque une identité artistique.
En rédigeant cet article, le Mari se demandait ce qu’il avait retenu lui-même de 2022. Et nous en tirons la même conclusion : nous avons plus été hypés par les rééditions de vieux albums ou par la sortie d’albums d’artistes connus que par la nouvelle scène qui, de toute façon, ne nous correspond plus. Je veux bien, Dua Lipa, Kendji Girac, Olivia Rodrigo, Lomepal, même OrelSan, etc., c’est bien gentil, mais je n’accroche plus. A vrai dire, je n’en suis plus au stade où un.e artiste est capable de me soulever d’enthousiasme comme ça a été possible par le passé.
Il est temps maintenant de faire ce petit bilan de cette année.
Laissez-moi, je vais vous ralentir
Je crois que ma grosse trend de 2022, comme un avatar du temps qui a passé et qui me fait me traîner comme une vachette qui porte son premier veau, c’est le slowed + reverb. Je sais que cette tendance date d’au moins de 2017 et que ça a été très populaire sur TikTok en 2020 et 2021. Même le Mari, quand je lui ai fait écouter What Is Love ? de Haddaway slowed + reverb, m’a balancé : On faisait ça pour rigoler il y a vingt ans sur nos ordis pour rigoler, quel est l’intérêt ? Sauf que, pour moi, l’intérêt est double :
- Je vois ça comme un bon curseur de recréation et de réappropriation artistique de morceaux qui paraissent datés ou hors contexte. Les morceaux qui m’intéressent
- Cela peut s’avérer un bon outil d’analyse de la construction mélodique et de la production. C’est comme ça que j’ai repéré, par exemple, une dissonance mélodique dans le refrain de Rasputin de Boney M (le choral en accord majeur et l’orchestration qui finit sur le même accord, mais en mineur, chose à laquelle on ne fait pas forcément attention dans la version originale), des pains ? des maladresses intentionnelles ? dans l’orchestration de Gimme Gimme Gimme d’ABBA ou encore ce que donnerait la voix de Britney Spears si elle chantait réellement avec son timbre de voix qu’on pourrait qualifier de naturel.
Mais attention ! Une version trop « ralentie » d’une chanson donne l’aspect bizarroïde qu’on ne veut pas avoir avec cette trend. Je dirais que le bon curseur, c’est de baisser à un ton ou trois demi-tons grand maximum. En-dessous, les voix sont déformées. Je remarque également que cette version me touche quasi-exclusivement sur des sons dancefloor. Comme si ma tendance à aimer les boîtes de nuit dans ma jeunesse devait s’adapter à ma mobilité qui s’amoindrit.
Voici les quelques pépites qui m’ont fait vibrer cette année.
Haddaway – What Is Love?
L’une de mes premières découvertes du mouvement, je trouve justement que cette version est parfaite.
Rihanna feat. Calvin Harris – We Found Love
La version originale a été en rotation lourde du début de l’année 2021, il était donc logique que j’entame 2022 avec cette pure version.
Jennifer Lopez feat. Pitbull – On The Floor
Autant la version de 2014 me casse les nerfs, autant je trouve cette version parfaite.
Britney Spears – Gimme More
Quand je dis que la tendance slowed + reverb fait ressortir le timbre de voix supposément naturel de Britney Spears, je parle spécifiquement qu’elle « gomme » les intonations les plus pétasses qu’on n’impose pas seulement à cette chanteuse, mais à toute chanteuse pop américaine. Sérieusement, il faut en finir avec cette tendance à « rajeunir » vocalement les égéries Disney et à leur faire chanter à 30 ans comme si elles en avaient encore 14.
Boney M – Rasputin
M’enfin là, ça fait Santa Esmeralda ! Et en plus, on se fait chier !
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Summer of City Pop
La tendance slowed + reverb appartient à la grosse tendance vaporwave de 2017 et je remercie Chien Fou pour l’illustration.
La suite logique est que je m’intéresse à la city pop et ses avatars occidentaux. Chien Fou encore m’a fait découvrir Mariya Takeuchi, mais ma connaissance de la city pop se limite essentiellement aux opening de manga des années 1980, quand beaucoup d’otakus poussent le vice jusqu’à chanter les plus grands tubes japonais des années 1980 en karaoké. Je n’en suis pas encore à ce stade, mais étant donné que mon été 2022 a été doux-amer, je me suis penchée sur les sons de l’époque, et pas forcément du Japon.
Mariya Takeuchi – Miracle Love
Voici une chanson dont, il y a dix ans, je me serais gaussée pour son excès de sentimentalisme. La preuve que je me suis ouverte à une certaine forme de variété, pourvu qu’elle intègre un référent culturel différent du mien. La même chanson avec des paroles françaises et chantée par Louane n’aurait pas eu le même effet sur ma sensibilité. Comme beaucoup de petits branleurs, il a suffi que ce soit chanté en japonais pour que je m’extasie.
Jan Hammer – Crockett’s Theme
La preuve que ma nostalgie des années 1980 ne s’est pas limitée à l’italo-disco cette année, ce morceau de Jan Hammer tourne en boucle dans mes oreilles depuis le mois de juillet. Assez lancinant pour accompagner ma mélancolie, assez basique pour ne pas déborder sur mes sentiments, je pourrais dire que ce morceau tiré de la série Deux flics à Miami (que j’adorais à l’époque) est définitivement mon morceau qui résumerait 2022.
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Événements musicaux
Malgré tout, j’ai réussi à me dégager dans cette année émotionnellement chargée des petits impromptus musicaux. Ils furent rares – et je pense qu’ils le seront de plus en plus –, mais appréciables.
Concerts
Cette année, pas de session Vieilles Charrues avec mes cousines ni même Gims à la Fête du Blé, mais deux concerts prévus dès Noël 2021 pour faire plaisir au Mari
29 mars – Lloyd Cole – Le Bataclan
Le Mari concert Lost Weekend comme un de ses morceaux préférés, et, à la lumière d’un best of, se mit à considérer sa carrière de manière positive. C’est pourquoi quand il fallut faire des cadeaux pour Noël 2021 et que je vis son passage en France, je sautai sur l’occasion.
Ce fut un concert acoustique en guitare-voix assez agréable, mais on sent le poids du one hit wonder obligé de faire son principal tube de manière contractuelle pour plaire à un public de quinquagénaires nostalgiques. Limite, je me suis endormie devant le concert. C’est dommage.
19 avril – Sparks – Le Casino de Paris
Après une année 2021 où, clairement, nous avons craqué notre slip en termes de fanboyism sur le groupe, je me suis dit que, si nous avons l’occasion de les voir, autant le faire (d’autant que les gars ont 74 et 77 ans). Et, sans blaguer, ce fut l’un des meilleurs concerts de ma vie. Les frères Mael ont su balayer leurs cinquante ans de carrière avec brio, en chantant leurs tubes évidents, mais aussi les petites pépites les plus obscures. Vivre un concert de Sparks, quand on est un tantinet sensible comme nous, est un rêve éveillé.
Ce rêve éveille s’est poursuivi le lendemain quand, Gare du Nord, au moment de prendre le train pour aller continuer leur tournée à Bruxelles, les frères Mael se sont mis au piano pour interpréter This Town Ain’t Big Enough For The Both Of Us et ont posté ceci sur les réseaux. Moi qui travaille à genre deux arrêts de RER, je me suis extasiée devant ce moment impromptu.
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Galettes
Notre discographie conjugale s’est très peu nourrie de disques produits ou sortis en 2022 – mis à part le Costello bien sûr. La plupart de mes chroniques d’albums se trouvent d’ailleurs sur Instagram avec #RadioBadine. On retiendra donc cette année :
- Alanis Morrissette (même si c’est sorti en 2020)
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- Johnny Marr
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- Martin Courtney
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Miscellanées
Au gré de mes pérégrinations personnelles, voici les morceaux qui ont fait mon année 2022.
Eurovision, ton univers impitoyable
Durant une année où le pays gagnant avait évidemment une dimension politique et où je n’ai pas compris la deuxième place prise par le Royaume Uni – sérieusement, tant le gars que la chanson n’avaient aucun charisme, arrêtez vos conneries –, les gagnants dans les charts après le concours n’ont pas été ceux qu’on croit. En effet, en présentant Rosa Linn, l’Arménie ne s’est classée qu’à la vingtième place du concours. Et pourtant, Snap est une des sensations européennes de l’automne 2022. Je comprends bien que, depuis l’an dernier, Maneskin fait une carrière très honorable, mais force est de constater que le concours Eurovision 2022 n’a clairement pas vu venir la tendance.
Le son dancefloor
Ce son, découvert un vendredi soir de désœuvrement de janvier 2022 devant MTV Hits, m’a redonné espoir en la production à destination des boîtes de nuit. Certes, ça ressemble à certains sons anglais produits vers 1996-1997, mais peut me chaut, quitte à être nostalgique, autant saluer les initiatives de qualité.
Le tube de l’été
Je ne m’intéresse pas beaucoup à la production contemporaine, mais s’il y a une chose que je sais, c’est que DJ Snake est partout, surtout là où on ne l’attend pas. Mais, contrairement à David Guetta, il ne se contente pas d’intoxiquer les productions américaines diverses. Il a décidé, cet été, de sortir un son à rebours de ce qu’il produisait depuis quelques années, à savoir un retour aux sources et à l’Algérie de ses parents. Résultat : comme à l’accoutumée, c’est ultra efficace.
Le morceau pansement
Vu que la vie m’a beaucoup blessée cette année, il m’a fallu un morceau pour soigner tout cela. Encore une fois, c’est le Mari qui a eu la solution en achetant Blood On The Tracks de Bob Dylan. Un album de divorce bordélique, mais qui contient cette merveille que j’invoquais quand la situation devenait trop lourde. Car à force de m’autohypnotiser à base de Gopala Krishna de George Harrison, certaines situations m’échappaient. C’est pourquoi j’ai privilégié la voix de Bob Dylan pour affronter les difficultés de la fin d’année.
L’outtake miraculeuse
Quand j’ai écouté cette outtake de 1980 pour la première fois à la radio, je n’ai pas cru à une orchestration d’époque, mais à une prise voix réorchestrée postérieurement. Après analyse, c’est bien une orchestration d’époque, juste nettoyée numériquement par son fils Raphaël. Pourquoi cette chanson n’est pas sortie à l’époque ? L’héritier invoque une divergence artistique par rapport au son qu’il voulait sortir à l’époque. Cette explication est plausible au regard de ce qu’il sortait à l’époque, mais le Mari et moi avons une autre explication au regard de notre analyse de la carrière personnelle du chanteur. Le Mari a en effet remarqué que la chanson était très belle, mais trop mélancolique par rapport à ce que Michel Berger chantait à l’époque (il faut attendre Chanter pour ceux qui sont loin de chez eux en 1985 pour vraiment sentir un Michel Berger qui s’autorise à être vraiment mélancolique). Notre explication est qu’il a voulu exorciser par cette chanson le diagnostic posé sur sa fille Pauline, née en 1978 et décédée à 19 ans de la mucoviscidose. Cette chanson ayant une résonnance trop intime, Michel Berger a décidé de ne pas intégrer cette chanson dans son répertoire. Il faut donc remercier Raphaël Hamburger d’avoir attendu que les choses se soient apaisées pour sortir cette chanson simple, mais lourde de sens.
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Je vous souhaite une joyeuse année 2023 et à bientôt pour de nouvelles aventures musicales.