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Cameroun : La musique traditionnelle et les sonorités modernes par Manfred Essome

Publié le 30 décembre 2022 par Tonton @supprimez

Le journaliste et critique musical décrypte ce mouvement qui lie la musique dite traditionnelle et les sonorités modernes, qualifiées d’ « urbaines ».

Lorsque vous écoutez le titre « Shabasiko » (dévoilé en Octobre 2021) du compositeur camerounais PhillBill, vous ressentez immédiatement le mixage de l’assiko et des arrangements modernes, automatisées. Cette chanson a d’ailleurs été un carton, au point de donner une seconde vie à l’assiko, qui est une musique et à la fois une danse traditionnelle. Mise en lumière par des ténors comme Jean Bikoko Aladin, Viviane Étienne, Samson Chaud gars, entre les années 1950 et fin 1990, il s’agit d’abord d’une musique rituelle, dite de guérison avant de passer par un mouvement l’ayant rendu populaire. L’assiko par exemple, est jouée par des guitares et des percussions traditionnelles (de nos jours le rythme de bouteilles vides est entrechoqué ou disparaît).

Puis à certains moments dans des clips, les danseurs posent sur leurs têtes des bouteilles, tout en continuant leurs mouvements, s’accroupissant et se livrant à des acrobaties. L’assiko se danse vêtu d’un pagne et souvent pieds nus. Les mouvements favorisent une souple rotation des reins: C’est ce principe qui est présent dans le vidéogramme officiel du titre « Shabasiko ».
En conséquence, il s’agit avant tout pour les artistes de faire un « Back to basics » afin de donner une couleur singulière à notre musique. De telle sorte qu’aux premières secondes d’écoute, un mélomane sache reconnaître s’il s’agit d’un morceau camerounais ou non.

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L’équation du Branting

Contemporain comme concept de vente d’un pays, le « branding nation » est devenu très prisé en termes de musique. En marge du drapeau, du vestimentaire, des couleurs, des décors, les sonorités en elles-mêmes ne sont pas en reste. Il est sans doute l’une des deuxièmes raisons pour laquelle les artistes en sont friands. « Chacun sa chance » de la chanteuse Krys M, en est une parfaite illustration: Du Ben Skin couplé à l’Afropop qui donne une image authentique de notre richesse immatérielle. Dans le clip, elle fait mention des Lions Indomptables (Choupo-Moting), élément ancré dans l’imagerie mondiale comme une nation de foot. Mais c’est surtout ce mariage de registre, et ce à travers la danse & vestimentaire que l’on lui reconnaît un talent absolument esquis ! Il faut savoir que le Benskin est Issu du Mangambeu, un rythme & danse traditionnelle originaires du département du NDE dans la région de l’Ouest-Cameroun et exécuté pour animer des festivités. Les danseurs évoluent la plupart du temps courbés vers l’avant en trépignant avec agilité. De plus, le groupe Kouchouam Mbada a contribué à populariser ce genre dans les années 1980 à 1990. Plusieurs autres artistes ont participé à sa popularité comme André-Marie Tala, Marole Tchamba, Michael Kiessou, Keng Godefroy, Kounga Kamdem, Wank’s, Périgord entre autres.

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Locko et Rinyu

On pourrait en dire autant sur le Makossa, qui est semblable au soukouss, avec plus de basses et de cuivres. Il est issu d’une danse traditionnelle sawa, l’Ambas-Bay, avec des influences significatives. Locko notamment sur « Bloqué » (Extrait de son album « ERA » paru le 17 Décembre 2021) fait un mélange en ce sens: de l’ Essewè, du Makossa, noyés dans de la pop, et le résultat est complètement bluffant ! « Controller » de la jeune talent Rinyu, se trouve dans le même créneau musical: Les accords de la guitare, et le syncrétisme en arrangement permet facilement de distinguer les couleurs dites « Makossa Love » (retrouvés chez Petit-Pays entre 1993 & 2004) et des inductions afrobeats. Cette habitude nouvelle des artistes permet notamment de mieux séduire leurs fans base, être da l’ère du temps, et apporter une dose de nostalgie et d’hommages bien que les exigences techniques sois différentes selon les époques.

Influences

Ce style musical urbain qu’est le makossa fait partie des cinq rythmes principaux au Cameroun avec le Bikutsi, le mangambeu, Benskin et l’ assiko. En effet, d’autres rythmes ont eu un très grand impact sur ce registre: le Merengue de la République Dominicaine et le High-Life du Ghana et du Nigeria et même le Jazz. Les groupes tels que les Negro-Style, Black Styl (avec Nkotti François de Regretté Mémoire) Uvocot Jazz (Union des voix côtières), Rythmic Band et Los Calvinos avec à leur tête, Lobé Rameau, Mouelle Guillaume, Ebanda Manfred, Nellé Eyoum ont apporté cette touche de neo-makossa. Manu Dibango la légende, a conduit à lui donner un second souffle en 1972, avec son tube éternel « Soul Makossa » (Du Jazz+Blues+Makossa).

TagsShabasiko

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