Il souffrait d’une maladie dégénérative
D. est devenu poète officiel –
Poète du Parlement était son titre exact
L’État lui allouait chaque année
Un salaire qui n’équivalait pas même
Au revenu minimum
(Je suppose qu’on lui remboursait
Ses frais de déplacement)
D. n’était pas astreint à quelque tâche que ce soit
Il n’avait de tout son mandat à écrire un seul poème
Il jouissait à vrai dire de « vacances éternelles »
Ce qui pour un poète
Réputé être un individu paresseux
Est le rêve
Je n’ai jamais compris pourquoi
D. avait accepté cette fonction
Qui n’en était pas vraiment une
Des problèmes d’argent probablement
Et puis peut-être n’avait-il plus rien à dire
Depuis longtemps
Ce qui est fort possible aussi
Et puis qu’importent les raisons
D. est mort aujourd’hui
Et il aura emporté
Ce titre officiel dans la tombe
Ce qui est une façon comme une autre
Diront certains
De se mesurer à l’éternité
Même si un poète n’est pas réductible
À ses titres
Et même si un poème
Ne se mesure pas en unité de temps
Et de lieu
Un jour je me promets bien
Si je passe dans le secteur
Où habitait D.
De lui rendre un dernier hommage
Sa tombe doit sans doute être régulièrement fleurie
Du moins je l’espère pour lui
Car un poète a besoin de fleurs –
Ses meilleures alliées –
Pour passer la douane de l’éternité
Sans subir de questions importunes
Au bout du compte
D. n’aura pas démérité –
Si ses états de service ne furent pas exceptionnels
Ils auront été à tout le moins honorables
Pourtant
Il y a chez lui ce fichu titre
Qui m’ennuie
Et qui est comme une vilaine tache
Sur son nom
Mais sans doute faut-il se méfier de la pureté
Et rêver aux neiges éternelles
Comme s’il s’agissait d’un objectif lointain et hors de portée
Quand sale la neige tombe
Et obscurcit tout
***
Paul Vallée (Ayer’s Cliff 1970-2002)