Dans ce roman d’Hélène Devynck, il est question d’impunité. La journaliste a beau y raconter son histoire et celle de dizaines d’autres plaignantes ayant accusé Patrick Poivre d’Arvor de viols, d’agressions sexuelles et/ou de harcèlement sexuel, l’ex-présentateur vedette de TF1 ne sera pas condamné… par la justice.
Les faits étant prescrits, Hélène Devynck ne peut plus rien prouver légalement et n’a personnellement plus rien à gagner en partageant ce témoignage, même probablement beaucoup à perdre. Cet ouvrage est pourtant plus que nécessaire afin de continuer à dénoncer la misogynie du monde de l’audiovisuel à coups de hashtags MeToo, afin de briser cette culture du silence qui a multiplié les victimes au fil des ans alors que « tout le monde savait », mais surtout afin de rendre hommage à toutes ces femmes qui ont finalement osé porter plainte, pas pour elles, mais pour qu’il n’y en ai surtout plus d’autres, plus jamais…
En donnant la voix à de nombreuses victimes de PPDA, Hélène Devynck parle certes d’impunité, mais vous invite également à tirer vos propres conclusions, quitté à éclabousser solidement le beau costume de ce gendre idéal qui s’invitait volontiers dans votre living à l’heure du journal télévisé. Face au nombre de faits concordants, au modus operandi similaire, à l’absence évidente de consentement et en tenant compte que le lecteur lui, s’en tape un peu que les crimes soient prescrits, il ne faut que quelques pages pour que les marteaux se lèvent en scandant haut et fort « coupable votre honneur ! ».
Certaines scènes laisseront d’ailleurs le jury populaire sans voix, comme celle de cette collaboratrice anorexique qui se fait violer sous le portrait de la fille décédée de PPDA, semblant inviter le présentateur vedette à se regarder dans le miroir à travers le regard suppliant de sa chère Solenn, renvoyant une image abjecte et totalement nauséabonde de l’homme qu’il n’est visiblement pas, mais également du père qu’il n’est malheureusement plus. Aux yeux d’une justice, certes non-saisie dans les temps, dans ce temps pourtant demeuré suspendu, cette scène n’existe donc pas…abandonnant le lecteur, tout comme cette omerta écœurante, sans voix, enveloppé dans un silence on ne peut plus coupable. Révoltant !
Je ne sais plus qui a dit « Si vous voulez vraiment connaître quelqu’un, donnez-lui du pouvoir », mais cette phrase explique parfaitement pourquoi après lecture de cet ouvrage aussi courageux que nécessaire, j’ai le sentiment d’avoir enfin entrevu le véritable PPDA, un prédateur sexuel abusant de sa notoriété, qui fait dorénavant honte à tous les hommes qui savent se comporter avec les femmes, mais qui peut encore compter sur la présomption d’innocence d’un droit français manifestement impuissant…
Ce témoignage, lui, est heureusement puissant !
Lisez également « Le Consentement » de Vanessa Springora.
Impunité, Hélène Devynck, Seuil, 272p., 19€
Elles /ils en parlent également : Matatoune, Bill, Diacritik, Libres jugements
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