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Parmi les jours les plus tristes de ma vie, je me souviendrai toujours de celui au cours duquel j’ai quitté mon chez-moi pour la dernière fois. Et je m’en souviens encore malgré toutes ces décennies qui se sont écoulées.
J’habitais avec ma mère dans un appartement dans le quartier Hrayet El Bayd. Ce quartier à défaut de richesse possédait la fraternité. Si je ne parle que de ma mère et jamais de mon père, la raison en est simple. Il est mort lorsque j’avais trois ans.
Mais, je voudrais vous situer le logement où j’ai grandi. Mettez-vous à côté de la porte des femmes du Hammam El Shanta. Vous êtes dans une rue en pente. Montez cette rue jusqu’à son bout pour déboucher sur l’avenue de l’aviation. À votre gauche, la deuxième porte c’est là où j’habitais avec ma mère. Mon unique chez-moi. En face, légèrement sur la gauche, il y a la droguerie Bousrour.
J’ai eu une enfance heureuse et même très heureuse. Au départ, il y avait mes deux sœurs, et mon frère aîné. Je dois dire que je suis le benjamin de ma fratrie. Puis petit à petit la maison a commencé à se vider. Chacun partait, et je suis resté avec ma mère. Et bien que nous ne fussions que deux, nous formions une belle famille nombreuse.
À aucun moment je ne pensais que le jour où je quitterai ma mère, la laissant seule, viendrait. Et je suis parti.
Je suis parti pour la France, mais je ne manquais jamais de revenir pour les fêtes chaque année. Mais était-ce suffisant ?
Je m’étais dit que je reviendrai chez moi quand je le pourrais. Je ne me suis jamais imaginé qu’un jour ma mère mourait. Ce jour arriva et je suis revenu à Safi pour le deuil.
Je suis resté dans cette maison esseulée, triste, mélancolique. Et je suis reparti de nouveau en France.
Peut-être est-ce là le destin que de partir et d’abandonner ses parents. Peut-être était-ce là le parcours de chacun de nous. Peut-être est-il obligatoire de partir pour réaliser sa propre famille. Je n’en suis pas convaincu, probablement je ne le serais jamais. Quel étrange destin, quel étrange parcours, quelle famille à construire, sur les larmes d’une mère.
Je suis revenu un an après dans cette maison où même les fantômes du passé avaient l’amertume de la résignation. J’avais une certitude, une seule, lorsque je quitterai cette maison, je n’y reviendrai plus jamais. Auparavant, lorsque je quittais ma maison et ma mère, c’était comme si j’allais faire des courses pour y revenir pour la retrouver pour passer encore de belles soirées ensemble.
J’ai quitté ma maison un vendredi matin très tôt pour prendre le train. Le trajet vers la station était pour moi un calvaire. J’avais les larmes aux yeux, et les sanglots faisaient trembler tout mon être. J’étais triste et anéanti. Une partie de moi-même s’effondrait au fur et à mesure que j’avançais dans cette rue qui subitement devenait lugubre. Bien des années après je me souviens de ce trajet et de ma tristesse, ce jour où j’ai quitté ma maison pour la dernière fois.
Rien n’est plus triste que le sifflement d’un train qui entre en gare. Rien n’est plus mélancolique que le sifflement d’un train qui vous éloigne pour toujours de vous-même.
Cela fait 30 ans que je quittais ma maison pour la dernière fois ; ce soir, je ne sais pour quelles raisons j’éprouve ce besoin d’en parler. Peut-être ai-je besoin de la souffrance. Peut-être ai-je besoin de la tristesse.
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