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Cameroun : 10 décès en cinq jours à Ngomedzap

Publié le 18 décembre 2022 par Tonton @supprimez

Ces morts ont été enregistrées en série dans des circonstances troubles à Ngomedzap.

Les faits se déroulent du mardi 06 au dimanche 11 décembre 2022 à Nnom Nnam. Village situé à 5 km de la ville de Ngomedzap. Ville de l’arrondissement éponyme, département du Nyong et So’o, région du Centre. Des morts en série. Les victimes présentent toutes les mêmes symptômes. « Des morts suspectes et soudaines. L’âge des victimes est compris entre 32 et 70 ans », d’après Théophile Atangana Foé, habitant du village qui évoque l’hypothèse de la sorcellerie. « La vérité c’est que, c’est pas une épidémie. C’est un problème mystique. Personne n’était malade. Personne n’a été empoisonné. Dire que les gens ont bu un mauvais vin, ce n’est pas un problème de vin », soutient-il. Il confie par ailleurs : « ceux qui font des voyages astraux ont d’abord prédit qu’il y’aura 13 morts ». Parmi les victimes, un rescapé suit actuellement des soins à l’indigène. Il s’agit de Hermann Foé, 38 ans. Ce jeudi, 15 décembre 2022, le village Nnom Nnam porte encore le deuil. 10 morts au total, précise et insiste Raymond Alfred Minkoumou, sous-préfet de l’arrondissement de Ngomedzap. Quatre corps ont déjà été inhumés et six autres sont encore sous scellés en attente de l’autopsie, informe l’autorité administrative. Au centre médical d’arrondissement de la ville, André Essiane, le médecin chef bien que privilégiant avec véhémence l’hypothèse d’une contamination à Covid 19, veut toutefois rester prudent en attendant les résultats de l’enquête médicale.

Odontol

L’autopsie a été pratiquée par des médecins légistes à Mbalmayo. En attendant, Raymond Alfred Minkoumou, le sous-préfet de l’arrondissement de Ngomedzap parle des mesures prises par les autorités locales. La décision du préfet du département du Nyong et So’o fait plus jaser. L’autorité administrative a en effet pris un arrêté préfectoral interdisant la production, la détention et la consommation de l’alcool de fabrication artisanale dans le département du Nyong et So’o. Une décision qui n’est pas du goût de tous les administrés. Dieudonné Magloire Foé, chef du village de Nnom Nnam fait en effet savoir pour exprimer son mécontentement que : « on n’est pas si riche que ça. Ce n’est pas facile pour nous de boire des bières. N’ayant pas assez d’argent pour en acheter. Nous avons notre Odontol que nous fabriquons nous-mêmes et que nous consommons à vil prix ». Mauvaise fortune pour ces adeptes de Bacchus d’un autre genre, l’autorité semble être ferme sur sa décision. Dans la plupart des villages du département comme Nnom Nnam cependant, l’odontol semble avoir encore des jours. Mais dans le maquis.

« Les enquêtes médicales sont encore en cours»

Le médecin chef du centre médical d’arrondissement de Ngomedzap avance des hypothèses sur les causes de la mort.

Quelles peuvent être les sources de ces morts en série ?

Certains symptômes reviennent chez tous les patients que nous avons reçus. L’un des éléments qui revient c’est la dyspnée.

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Qu’est-ce que la dyspnée?

C’est une difficulté respiratoire qui évolue très souvent en association avec l’agitation. Cela évolue très vite aux troubles de comportements à type de convulsions et très vite pertes de connaissances. Chez certains, on avait une hypertension de grade 3. Une urgence hypertensive. Il y’a un des patients qui avait un contexte de diabète. Mais comme je disais, ce qui revient, c’est beaucoup plus l’élévation des chiffres tensionnels, la dyspnée, la transpiration, la fatigue intense et cela nous fait évoquer en premier lieu une contamination probable d’une infection à Covid-19. En attendant la confirmation des médecins légistes. Donc ça ressemble, c’est vrai que ce qui n’est pas très usuel dans cette infection c’est l’hypertension que nous avons eu chez deux patients. Donc on peut dire ça c’est des cas isolés d’hypertension de grade 3. On n’a pas examiné les cas qui ont été trouvés en communauté.

En d’autres termes vous privilégiez davantage l’hypothèse du Covid 19 ?

Je ne peux pas dire de façon précise que c’était le même contexte, mais, les témoignages des proches de la famille nous font état de ce qu’il y’avait quand-même la dyspnée intense et qui évolue vers le coma. Donc nous pouvons dire qu’il est légitime de soupçonner une infection à Covid-19. Il est aussi probablement légitime étant donné le contexte de récolte de cacao et des boissons alcoolisées frelatées, donc c’est un contexte qui prête aussi à une intoxication peut être pas alimentaire, mais, probablement alcoolique. Donc c’est des hypothèses. Sans confirmation pour l’instant parce que les enquêtes médicales sont encore en cours et nous attendons les confirmations des médecins légistes.

Raymond Alfred Minkoumou : « Nous restons sur l’hypothèse d’un cas d’intoxication »

Le sous-préfet de l’arrondissement de Ngomedzap appelle les populations au calme.

Quelle est la situation sur le terrain ?

Je voudrais avant toute chose, présenter mes sincères condoléances au nom de Monsieur le préfet du département du Nyong et So’o aux familles éplorées du village Nom Nnam qui ont été victimes de ces morts en série du mardi 06 au dimanche 11 décembre 2022. Ce nombre de morts qui s’élève aujourd’hui à 10. Il faut le préciser, parce que nous avons eu des informations qui circulent dans les réseaux sociaux faisant état de 12 ou de 11 morts. Il faut le dire par la bouche la plus autorisée que le nombre de morts s’élève à 10.

Et quelles sont les mesures prises à votre niveau ?

En tant que autorité locale, nous avons effectué des descentes sur le terrain pour essayer de nous enquérir de la situation. Toute chose qui nous a permis de faire face à plusieurs hypothèses. Bon, mais nous restons concentrés sur l’hypothèse d’un cas d’intoxication et nous attendons la confirmation avec l’autopsie qui a été requis et qui sera pratiqué sur certains corps qui ont été déposés au niveau de la morgue de Mbalmayo. Et je me dis que c’est à partir de là que nous pourrons avoir avec exactitude les causes de ces décès. Mais entre-temps, nous ne pouvons pas laisser prospérer ces informations non fondées qui circulent çà et là. Ce d’autant plus que nous n’avons pas jusque-là des éléments de preuve. Mais qu’à cela ne tienne, nous avons appelé les populations de Nnom Nnam au calme et à la sérénité. Surtout à faire confiance à l’administration qui se bat pour trouver les sources de ce drame. Néanmoins on prend les mesures qui s’imposent. Mais avant tout cela, il y’a un certain nombre de mesures qui ont déjà été prises à l’échelle locale. Nous avons par exemple cet important arrêté signé par le préfet du département du Nyong et So’o interdisant la production, la détention et la consommation de l’alcool de fabrication artisanale dans tout le département du Nyong et So’o.

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Liste des morts

François Mebenga, 38 ans, corps sous scellé à la morgue
Alphonse Fouda Atangana, 44 ans, corps sous scellé à la morgue
Barbare Eyali, 46 ans, déjà inhumée
Luc Essomba, 70 ans, déjà inhumé
Guillaume Manga Foé, 59 ans corps sous scellé à la morgue
Jean Awana Nkodo, 52 ans, corps sous scellé à la morgue
Bernard Amougou Nkodo, 68 ans, corps sous scellé à la morgue
Julienne Nga Amougou, 68 ans, déjà inhumée
Antoinette Oloa, 62 ans, corps sous scellé à la morgue
Flora Mebenga, 32 ans, déjà inhumée

Réactions

Que savez-vous du drame du village Nom Nnam ?

Dieudonné Magloire Foé, chef du village : « On se pose des questions »

Qu’est-ce qui ne va pas ? Est-ce-que c’est un empoisonnement ? Est-ce-que c’est le vin ? On se pose des questions. Selon moi, si c’est un empoisonnement, j’ai vu la première défunte. J’ai vu comment on la lavait. Nous l’avons porté. Si c’est le vin qu’on a bu, nous tous dans un même verre. Oui, puisqu’on n’a pas de bières. On a notre Odontol que nous-mêmes nous fabriquons ici. Dans la même mesurette, tout le monde boit, puisque moi-même aussi j’avais bu pendant la veillée. Nous étions ensemble avec les autres défunts pendant cette veillée.

« La tension est montée à 174 »

C’était mardi dernier au petit matin quand mon mari a commencé à présenter des signes. Il me dit je ne vois plus. La tête me fait mal. Et puis, il est venu ici se coucher. Il me dit, je ne te vois plus. Cherche-moi des paracétamols, la tête me fait mal. Je suis allée chercher les comprimés et il a bu. Il me dit je ne te vois pas. Laissons les remèdes du village, partons à l’hôpital à Ngomedzap. J’ai pris la moto, nous sommes partis à Ngomedzap. Arrivés à l’hôpital on a fait les visites. L’infirmier me dit que la tension est montée à 174. Je lui pose la question. Est-ce-que tu me vois ? Il me dit qu’il ne me voit pas. La tête lui fait mal. L’infirmier a donné des remèdes, ça n’a rien fait. On nous a évacués à Mbalmayo. En cours de route il s’est mis à convulser et est mort.

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Françoise Sophie Manga Mballa, veuve : « Il ne voyait plus »

Quand ça a commencé, je suis partie avec mon mari à l’hôpital à Ngomedzap. Il dit au médecin qu’il ne voit même plus. Pourquoi tu ne vois plus ? On lui a donc pris la tension. La tension dépassait 218. Et le médecin nous a dit qu’il nous envoie directement à Mbalmayo. Arrivés à Mbalmayo, il dit qu’il ne voit même plus rien. Il voit déjà le noir. On lui a pris la tension, le médecin lui a donné un comprimé. Il disait toujours qu’il ne voit plus. On a fait des visites, la radio, on a prélevé aussi du sang. Pendant qu’on l’enlevait de la salle des urgences, il a commencé à s’agiter et il me dit que je ne suis plus avec vous. Je lui demande pourquoi ? La maladie à peine commencée que tu dis déjà que tu n’es plus avec nous ? Il répétait ‘’je suis déjà aveugle’’. C’est ainsi qu’il est mort.

Augustin Noah, veuf : « Sa mort a été subite »

Le jour où mon épouse est décédée, elle se portait bien le matin, et dans l’après-midi, j’étais chez un voisin et j’ai vu un enfant venir vers moi en courant pour me dire, papa Auguste, maman Eyali ne se porte pas bien. Je suis revenu à la maison, j’ai vu ma femme couchée sur le lit. La salive sortait de sa bouche. Elle a seulement eu un dernier soupir. Sans dire un mot. Et voilà sa mort.

Jérôme Essian / 237online.com

TagsNgomedzap

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