Une fois de plus, et assurément de trop, les habitants de la ville de Douala ont vécu l’horreur suite aux agressions armées de bandes de criminels communément appelés » Microbes ».
Les assauts répétés de ces gangs de jeunes gens drogués, munis de plusieurs types d’armes blanches, notamment les poignards et les machettes, causent, des pertes en vies humaines, des blessures graves et insoutenables, des pillages et destruction des biens de paisibles citoyens, traumatisent les populations de la ville, en particulier de certains quartiers, désormais plongés dans la psychose de l’insécurité permanente. Ces actes de terreur doivent être condamnés avec force, sans aucune réserve. Leurs auteurs doivent être recherchés et sévèrement punis, conformément aux lois de la République.
Rien ne peut justifier ces dérives barbares dont la cruauté témoigne l’inhumanité de leurs auteurs.
Cela étant dit, on doit relever, pour le regretter que le gouvernement, à travers les autorités administratives sur le terrain, s’est installé dans le déni face à cette forme nouvelle de criminalité de groupes, qui met en péril la paix sociale et les activités économiques, en particulier celles des couches les plus vulnérables de la population, dans un pays en proie à de graves et multiples difficultés, et au phénomène de la vie chère. La réaction après coup desdites autorités, face à ce phénomène bien connu, en particulier dans la ville de Douala, traduit un laxisme condamnable et une incapacité d’anticipation frisant l’incompétence. On ne peut s’empêcher de s’interroger sur le rôle des divers services de renseignement. De même, il y a lieu de se demander où sont les policiers, gendarmes et autres agents des forces de sécurité pendant que ces bandes criminelles opèrent, y compris en plein jour.
Ces forces de sécurité, dont on constate le déploiement impressionnant, appuyé d’un soutien logistique opérationnelle faisant croire à un état de siège ou à une guerre, à l’occasion de chaque réunion ou manifestation publique du MRC, devraient être mises au service de la sécurité des citoyens camerounais qui ne demandent qu’à vivre dans la tranquillité et à vaquer à leurs occupations dans la paix.
Lire aussiCameroun : Un adolescent poignarde à mort son voisin à BafoussamLes dénégations de cette terreur urbaine qui touche désormais la capitale, et les menaces de l’autorité administrative contre les supposés colporteurs de fausses informations sur ce phénomène dit des « Microbes » ne suffiront pas à le conjurer.
Rappelons-nous que le 17 octobre 2020, dans une conférence de presse donnée à la suite d’un assaut de ces » Microbes » au quartier Deido, la même autorité administrative avait déjà brandi les mêmes menaces que celles contenues dans le communiqué daté du 14 décembre 2022, sans pour autant juguler le phénomène.
Certes, il vaut mieux essayer de trouver des solutions plutôt que de ne rien faire. Mais a-t-on mesuré les conséquences sociales et économiques de certaines mesures édictées par l’administration, lesquelles s’apparentent à un couvre-feu dans le cadre d’un état d’urgence qui ne dit pas son nom ?
Comment la plupart des habitants de Douala vont-ils se déplacer entre 20 h et 6 h sans les motos-taxis, dans une cité où face à l’inexistence d’un système de transport en commun, ce mode de transport est incontournable depuis des lustres ?
Comment le manque à gagner des milliers de moto-taximen sera-t-il compensé ? Et par qui ? La même question se pose à propos de la fermeture des débits de boissons, dont on ignore d’ailleurs si elle concerne les boîtes de nuit ou non ?
Que deviendront les nombreux salariés de ces secteurs d’activités qui sont les rares gisements d’emplois dans un pays où, en dehors des recrutements périodiques dans la fonction publique, le gouvernement ne sait pas amener l’économie à créer massivement des emplois ?
Lire aussiCameroun - Exclusif : L'assignation à résidence de Maurice Kamto levéeLes procédures pour saisir les motos et celles pour les restituer étant plutôt floues, ne peut-on pas craindre que les saisies massives de motos qui découleront des mesures prises donnent lieu à des abus, l’affairisme et une explosion de la corruption, toutes dérives qui, mal gérées, pourraient constituer un facteur supplémentaire d’insécurité ?
Au demeurant, l’énumération des acteurs économiques ou des secteurs d’activités qui pourraient être impactés par les mesures prises n’est pas exhaustive, et il est à craindre que ces mesures ne créent en tous les cas des tensions sociales. C’est pourquoi elles doivent être considérées comme une réaction d’urgence exceptionnelle face à une situation particulièrement grave, et, comme telles, limitées dans le temps pour laisser place à des mesures plus réfléchies et durables pouvant permettre de venir à bout du phénomène dit des « Microbes »
Au titre des mesures pertinentes pour une résolution durable de ce problème, le MRC préconise, notamment :
1) À court terme :
- Assister les familles des victimes dans la prise en charge des obsèques d’éventuels décédés et des soins des blessés ;
- Organiser des descentes et des patrouilles mixtes gendarmes et policiers dans les quartiers concernés ;
- Renforcer les renseignements prévisionnels dans ces quartiers en impliquant les populations et les responsables chargées de les encadrer, y compris par des moyens incitatifs adéquats, afin d’identifier les membres des gangs des « Microbes » et de procéder à leur arrestation ;
- Assigner aux forces de sécurité des objectifs précis, notamment en termes de délai pour le démantèlement des bandes de « Microbes ».
2) À moyen terme, la mise en place :
- D’un programme spécial d’éducation et de formation professionnel des jeunes désœuvrés et ceux non scolarisés de la crise anglophone ;
- D’un programme spécial incitatif et de soutien à la création des emplois, à élaborer en concertation avec le secteur privé ;
- D’un programme spécial de la lutte contre les stupéfiants, leur production, leur trafic et leur consommation, en particulier au sein de la jeunesse scolaire et non scolaire ;
- D’une meilleure réglementation de l’ouverture des débits de boisson et autres lieux de vente et de consommation des boissons contenant de l’alcool ;
- D’un système de contrôle de port d’armes blanches en milieu urbain, notamment des machettes et autres armes du même type ;
- D’un système d’éclairage public qui couvre toute la ville, de rétablissement des routes et des transports urbains ;
- D’une formation adaptée d’unités mixtes d’intervention rapide dotées d’équipements appropriés, capables d’intervenir promptement et efficacement en amont, de stopper les assauts criminels de masse et de mener les enquêtes nécessaires, le tout dans le respect des lois.