Nicolas Sarkozy et Adrien Quatennens : la justice harcèle-t-elle la classe politique ?

Publié le 14 décembre 2022 par Sylvainrakotoarison

À la suite de son procès commencé le 5 décembre 2022, Nicolas Sarkozy a été reconnu coupable de corruption active et de trafic d'influence ce mardi 13 décembre 2022 par la cour d'appel de Paris et condamné à trois ans de prison avec sursis, dans l'affaire dite des écoutes téléphoniques. Il avait été condamné en première instance le 1Certes, la gravité des accusations et des peines est très différente, mais le contexte aussi. Nicolas Sarkozy est condamné plus gravement mais cela n'a plus d'impact politique, ni pour la vie politique (il est retiré de la vie politique depuis six ans), ni pour la " La justice, la bonne foi, et la droiture doivent être le fondement de la politique. " (Tite-Live).

Par les hasards de l'actualité, deux personnalités politiques très différentes en tout point de vue ont été réunies ce mardi 13 décembre 2022 : l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy et le député du Nord Adrien Quatennens. Et pas n'importe quelle actualité, l'actualité judiciaire, et c'est pour cette raison que je ne pouvais pas écrire que ces deux personnalités ont été mises à l'honneur. Parce qu'elles ont été condamnées toutes les deux.
er mars 2021 à trois ans de prison dont un an ferme par la 32 e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris. On restera donc sur une certaine faim pour connaître la vérité : s'il y avait eu effectivement corruption, la peine serait bien trop faible ; la peine pourrait cependant paraître bien sévère en absence de preuve concrète.
Quant à Adrien Quatennens, le tribunal de Lille l'a condamné le 13 décembre 2022 à quatre mois de prison avec sursis et à 2 000 euros de dommages et intérêt pour préjudice moral, pour "violences sans incapacité commises par conjoint" entre octobre et décembre 2021 et pour "envoi régulier et malveillant de messages" entre août et septembre 2022, sans que ces messages n'aient de "caractère ni harcelant, ni malveillant, ni menaçant". Une décision qui devrait être définitive en raison de l'accord de l'intéressé dans une procédure de comparution de reconnaissance préalable de culpabilité. Là encore, pour une simple gifle, cela pourrait sembler coûter cher (mais la sanction exemplaire est un signal intéressant donnée aux conjoints violents).
vie de son parti dont il n'est plus membre. Tandis que pour Adrien Quatennens, sa peine est beaucoup légère, mais elle impactera nécessairement sur la vie politique, car il est toujours député et rien ne l'oblige à démissionner (sinon peut-être une certaine décence), et elle impactera bien sûr sur la vie de son parti dont il était le "coordinateur" (c'est-à-dire le grand chef), héritier de Jean-Luc Mélenchon qui a dû trouver précipitamment un remplaçant (Manuel Bompard) dans des conditions si peu démocratiques que plusieurs députés FI les ont contestées.

Pour Nicolas Sarkozy, qui a d'autres affaires en cours de jugement et qui est encore sous le coup d'une condamnation à un an de prison ferme (le 30 septembre 2021 dans l'affaire Bygmalion), le combat sera principalement son honneur. Il est un combat solitaire qui vise à préserver la postérité. Jacques Chirac a déjà ouvert la voie des Présidents de la République condamnés par la justice, mais Nicolas Sarkozy voudrait éviter la prison ferme, même aménagée par un bracelet électronique. Il n'attend plus rien de la politique, sinon peut-être, en sourdine, dans ses rêves les plus fous, qu'on vienne le chercher en sauveur à la prochaine élection présidentielle ou à l'occasion d'une prochaine profonde crise. Son actualité judiciaire est ainsi complètement découplée de l'actualité politique. Pas son actualité onirique.
Pour Adrien Quatennens, c'est totalement différent. Voilà un parlementaire, c'est-à-dire un homme qui rédige la loi, qui fait la loi, qui, lui-même, a été en infraction à la loi, et en plus, pour une affaire de violence faite aux femmes. Il aura des difficultés à convaincre ses électeurs de la sincérité de ses actions en faveur des femmes, de leur protection. Il n'est probablement pas violent mais il a violenté dans un excès de colère. C'est justement l'exemple de l'honnête homme, bon père de famille, bien sous tout rapport, qui a fait une "boulette" (le mot n'est pas assez fort, il faut penser à la victime). En d'autres termes, sa crédibilité politique sera proche de zéro, et cela, tant au moins qu'il n'ait pas refait confirmer son mandat parlementaire par ses électeurs qui peuvent s'être sentis floués, dupés, parce qu'ils l'avaient choisi sans avoir su qu'il serait plus tard condamné pour violence conjugale.
La suite, on la connaît même si elle peut présenter deux chemins diamétralement opposés. Ou le harcèlement dont il est la cible se renforcera et, acculé, dégoûté, écœuré par l'étalement de sa vie privée (une séparation affective n'est jamais joyeuse), il jettera l'éponge lorsqu'il en aura marre et fera autre chose. Ou, au contraire, il se maintiendra coûte que coûte, dur comme un roc, parce qu'il n'a jamais su quoi faire d'autre que la politique (comme Nicolas Sarkozy), quitte à pratiquer un cynisme démesuré... sous le regard désolé et dépité de son ancienne compagne et encore actuelle épouse. Et dans l'espoir qu'un jour, médias et électeurs oublieront.
Au fait, et la question du titre, alors ? La justice harcèle-t-elle la classe politique ? C'est depuis la fin des années 1980 qu'on pourrait le dire et pourtant, c'est faux. La justice ne ferait que son travail, selon l'acceptation citadine classique, mais il faut bien admettre que certaines cibles sont irrésistibles.
Aussi sur le blog.
Tandis que son groupe parlementaire de France insoumise s'est contenté de l'exclure pendant quatre mois, Adrien Quatennens, qui entend bien rester député et continuer à exercer la plénitude de son mandat, a demandé que cessent le harcèlement dont il faisait l'objet. De quel harcèlement parlait-il ? Celui des journalistes et de ses adversaires politiques ou celui de la justice ?
Et nous revoici dans cette réflexion déjà ancienne sur les différences entre la loi, la politique et la morale. En d'autres termes, peut-on encore exercer des responsabilités politiques lorsqu'on a été condamné par la justice ?
Sylvain Rakotoarison (13 décembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
La justice harcèle-t-elle la classe politique ?
Nicolas Sarkozy.
Adrien Quatennens.
François Fillon.
Patrick Balkany.
Claude Guéant.
Alexandre Benalla.
Jérôme Cahuzac.
Éric de Montgolfier.
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