Deuil périnatal: Perdre son enfant sans l’avoir connu

Publié le 13 décembre 2022 par Raymondviger

Un texte de Alexandra Grenier publié sur Reflet de Société | Dossier Famille

Le 8 juillet 2021, Falbala Cloutier, jeune femme dans la vingtaine, vivait l'épreuve la plus difficile de sa vie : la perte de son enfant. " J'ai eu le sentiment qu'on m'arrachait ce que j'avais de plus précieux au monde. "

Trois fausses couches et deux ans d'attente, voilà ce que Mme Cloutier a dû traverser avant de finalement tomber enceinte d'une fille nommée Léanne. " Notre petit miracle venait de s'installer! " Malheureusement, 38 semaines plus tard, le cœur de Léanne cessait de battre.

Selon l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), les décès périnataux incluent tous les décès ayant eu lieu lors de la grossesse, qu'ils soient issus d'une interruption de grossesse, volontaire ou non. La mort néonatale d'un bébé de moins de 28 jours est aussi incluse dans les statistiques de décès périnataux.

15 à 20% des grossesses se concluent par une fausse couche, soit le décès du fœtus lors des 20 premières semaines de la grossesse. " Il est très rare qu'un bébé décède après [cette période]. La probabilité est de quatre décès pendant la grossesse pour 1 000 naissances et de trois décès dans le premier mois de vie pour 1 000 naissances ", peut-on lire sur le site web de l'INSPQ.

Briser le silence

À la suite de la perte de sa fille, Mme Cloutier a commencé la rédaction d'un blogue où elle documente son expérience et ses sentiments. Selon elle, le fait de parler du deuil périnatal est une façon de rendre le sujet plus accessible à tous. " Certaines personnes m'ont déjà dit qu'elles ne savaient pas qu'il était possible de perdre un enfant à terme, se souvient la jeune femme. C'est extrêmement tabou! Il faudrait vivre ça en silence et se taire parce que les gens sont mal à l'aise, mais je ne suis pas de cet avis. Il faut en parler, s'ouvrir, et être à l'écoute des parents qui le vivent. "

Même constat pour Linh Quach, coordonnatrice des services de périnatalité et de pédiatrie au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Laval. Elle remarque que les parents endeuillés sont plutôt mal compris. " Ils se font souvent dire qu'ils vont en avoir un autre, mais ce ne sont pas des mots réconfortants pour eux ", explique-t-elle. D'après elle, le deuil périnatal doit être pris autant au sérieux que n'importe quel autre deuil. " Quand les gens ne l'ont jamais vécu, ils ne peuvent pas comprendre. Pour eux, perdre un fœtus ne nécessite pas de deuil ", se désole Mme Quach.

Depuis les années 2000, des journées commémoratives consacrées au deuil périnatal sont tenues chaque année. La journée mondiale du deuil périnatal a lieu le 15 octobre, mais certains centres hospitaliers de la province choisissent de la célébrer à un autre moment. Au CISSS de Laval, cette journée se tient à la deuxième fin de semaine du mois de juin, tout juste avant la fête des Pères. Les parents endeuillés de l'année précédente y sont invités et les organisateurs de l'événement procèdent à l'appel de chaque enfant décédé. Bien que la journée ne leur soit pas consacrée, les parents ayant perdu un enfant depuis plus longtemps sont aussi les bienvenus.

" On demande aux intervenants, aux médecins et infirmières disponibles d'être présents à la cérémonie. C'est agréable pour les parents de revoir l'infirmière ou le médecin qui étaient là quand ils ont perdu leur enfant ", souligne Mme Quach.

La bureaucratie

L'un des aspects souvent oubliés lorsqu'on pense au deuil périnatal est la bureaucratie par laquelle doivent passer les parents endeuillés. Déjà qu'accoucher n'est pas toujours facile, lorsque l'on apprend que l'enfant à naître est malheureusement décédé, l'épreuve devient d'une difficulté inouïe. L'état de détresse dans lequel se retrouve la mère est très grand et le personnel soignant doit faire de son mieux pour la motiver malgré tout, raconte Mme Quach.

Comme pour n'importe quel décès, la mort d'un nouveau-né nécessite de prendre certaines décisions administratives dans les heures suivantes. " Puisque les patientes ont des congés relativement serrés, nous, en 24h, on doit savoir comment on dispose du corps, si une autopsie doit être faite, etc. ", explique Mme Quach. Souvent, avant d'arriver à l'hôpital, la patiente ne sait même pas que son enfant est décédé. Elle n'est donc pas du tout préparée à prendre de telles décisions en un aussi court laps de temps.

Au CISSS de Laval, ce sont en général les infirmières qui vont aider les parents à prendre ces décisions. " On essaie d'outiller nos infirmières et de leur donner des formations à ce sujet, même si ce ne sont pas nécessairement les bonnes personnes pour gérer ça. Les infirmières de salle d'accouchement sont là pour donner la vie et elles ne sont donc pas toutes à l'aise pour traiter un décès ", ajoute Mme Quach. Elle précise toutefois que tout est toujours mis en œuvre pour que, dans la mesure du possible, ce soient les personnes les plus aptes et les plus qualifiées qui prennent en charge la patiente.

Un deuil particulier

En plus d'avoir perdu sa fille, Falbala Cloutier a aussi perdu ses deux parents durant l'adolescence. Bien que toutes ces épreuves aient été difficiles pour elle, faire le deuil de sa fille reste son plus grand défi. " C'est tellement différent comme deuil. Notre enfant ne devrait jamais partir avant nous, ce n'est pas normal. Le deuil de mes parents m'a en quelque sorte donné les outils pour survivre au décès de ma fille. Mais jamais on n'est préparé à perdre son enfant ", confie-t-elle.

Le deuil périnatal est d'autant plus particulier qu'il n'y a pas beaucoup de vocabulaire qui s'y rattache. " Il se trouve des mots pour désigner presque chaque personne qui perd quelqu'un. On parle d'un veuf, d'un orphelin, etc. Mais quand un parent perd un enfant, il n'y a pas de mot officiel pour le désigner. C'est récent, mais on les appelle maintenant les paranges ( mamanges ou papanges), les parents d'un ange ", dévoile Mme Quach.

Maintenant qu'elle est devenue mamange, Mme Cloutier souhaite voir un avenir où les gens auront moins de réticences à parler du deuil périnatal. " Nos enfants ont existé et existent toujours. Parlez-nous d'eux. Posez-nous des questions. Incluez-les. Ça fait du bien. "

Ressources

www.lesperseides.org dont la mission est de soutenir les personnes touchées par le deuil périnatal dans la région de la Capitale Nationale et de sensibiliser la communauté à cette réalité.

www.ressources-naissances.com/services/deuil-perinatal/ qui offre un service de marrainage de deuil périnatal ainsi qu'un groupe de soutien. Pour plus d'informations : 418 834-8085

leberceau.org/activites/groupe-de-soutien-au-deuil-perinatal/ qui offre des groupes de soutien au deuil périnatal

Vous pouvez aussi communiquer avec votre CLSC local qui saura vous guider vers les ressources près de chez vous.