Critique de Gretel Hansel et les autres, de Igor Mendjisky, librement inspiré du conte des frères Grimm, vu le vendredi 2 décembre 2022 au Théâtre de la Colline
Avec Sylvain Debry, Igor Mendjisky, Esther Van Den Driessche, mis en scène par Igor Mendjisky
Ça fait maintenant plus de dix ans que je suis le travail de Igor Mendjisky. Son Hamlet est l’un des premiers spectacles que j’ai critiqués sur ce blog, et j’avais choisi Masques et Nez pour emmener un garçon qui me plaisait bien à l’époque et qui est toujours mon compagnon aujourd’hui. Bref, c’est un metteur en scène que j’ai vu grandir et que je suis heureuse de retrouver aujourd’hui dans un théâtre national. J’avais pris ma place pour Les Couleurs de l’air en 2021, finalement annulées cause Covid et non reportées suite à des retours d’amis qui avaient été déçus. J’ai entendu beaucoup de bien de Gretel Hansel et les autres qui s’est joué cet été à Avignon, et je n’ai d’ailleurs pas hésité longtemps : j’adore les adaptations de contes pour enfants. Enfin, c’est ce que je pensais voir. Une adaptation de conte pour enfants.
Hansel et Gretel des Frères Grimm, tout le monde connaît. La version de Igor Mendjisky reprend certaines bases, mais se détache d’autres : ici, on se retrouve dans un village dont les habitants ont tous perdu le goût des aliments et se nourrissent uniquement avec des gélules, les enfants ne sont pas abandonnés par leurs parents, trop occupés par leur travail ou leurs impératifs personnels, mais fuguent de leur plein gré pour découvrir ce que peut bien cacher la forêt (dans laquelle il va leur arriver bien des bricoles), entraînant une enquête policière dans leur hameau natal. Bref, un Hansel et Gretel 2.0 en quelque sorte.
Quand j’entre dans le Petit Théâtre de la Colline, je suis simplement émerveillée. La scène représente une chambre d’enfants rêvée, avec des jouets en tout genre, des lits superposés, des couleurs un peu partout. Visuellement, il n’y a rien à dire : c’est une véritable réussite. Et je ne suis pas au bout de mes surprises, car lorsque le spectacle commencera, ce qui m’apparaissait d’abord comme un ensemble bien défini se divisera en sous-parties dans lesquelles se dérouleront les différentes étapes de l’histoire, avec toujours un grand souci d’harmonie visuelle : on y retrouvera des marionnettes, des ombres chinoises, de la vidéo en direct, une splendide animation projetée en fond, tout étant toujours très marqué dans le thème de l’enfance. Bref, mes yeux sont conquis.
Mais ce sont bien les seuls. Je regarde ces tableaux qui s’enchaînent et je me rends vite compte que ce qui se passe sous mes yeux, aussi beau que ce soit, ne m’intéresse pas vraiment. Quelque chose ne prend pas. Il ne suffit pas de belles images pour bien raconter une histoire. Je dirais même plus, cela peut représenter une contrainte sous certains aspects, puisqu’elle bride tout imaginaire. En enlevant ce plaisir-là, il faut s’assurer que tout le reste fonctionne parfaitement – la trame dramatique, les dialogues, les personnages. Et c’est loin d’être le cas ici.
Pour moi, le problème du spectacle réside dans un manque : il n’y a pas d’esprit d’enfance. Tout est beau, les transitions sont ultra fluides, la scénographie est conçue pour se renouveler constamment afin de ne perdre personne en route, les compositions des comédiens sont excellentes, mais le tout sonne creux. Le texte multiplie les messages, les dialogues sont trop lourds, les enfants pensent comme des adultes, et finalement on se perd un peu dans cet excès. L’enquête policière n’apporte pas grand chose à l’histoire, on aimerait suivre davantage Gretel et Hansel mais même leurs aventures manquent d’intérêt. Ça manque de légèreté, de poésie, de fun. Ça manque de vie.
Un spectacle qui a peut-être voulu en faire trop.