"Notre art permet ceci : continuer de faire exister à travers les âges, grâce à notre parole, des poètes qui ne sont plus. L'art est cette opération magique qui, au-delà de lier mots et peinture, fait revenir à la vie des morts, les fait exister entre eux et avec nous, comme nous existons toi et moi en ce moment."
K. est une veilleuse de l'ombre. Alors que la guerre sévit en Ukraine, elle veille sur des œuvres d'art entassées dans sa bibliothèque lors de l'évacuation. Un soir, cette archiviste chevronnée reçoit la visite d'un des officiers envahisseurs qui lui demande de falsifier les œuvres ukrainiennes pour chanter la gloire de la Russie et ainsi réécrire l'histoire.
" Il ne s'agit pas de tout changer, vous l'aurez compris, mais seulement quelques parties, détourner quelques vers, mettre un mot à la place d'un autre, gommer un personnage sur un tableau, remplacer un chef d'État sur une photographie, détourner un objet folklorique de son usage premier. Vous voyez bien, ce n'est pas grand-chose ! Il ne s'agit même pas de destruction mais de réorganisation, voire de création ! de devenir l'autrice de cette nouveauté. "
En échange, il laissera la vie sauve à sa jeune sœur, mystérieusement disparue dans la tourmente de la guerre. K. va tenter alors de jouer un double jeu en faisant semblant d'obéir tout en tentant de sauver ces œuvres immémoriales.
Chaque œuvre revisitée par K. permet de convoquer des artistes majeurs de l'art ukrainien, comme Sonia Delaunay, ou Lessia Oukraïnka poètesse, Tchoubynsky, Alla Horska, ou encore Maria Primatchenko. L'autrice revient aussi sur les pages marquantes de l'histoire ukrainienne : Holodomor, Tchernobyl ou Maïdan. Ainsi, elle appelle à la résistance, elle enjoint à défendre et à affirmer son identité, qu'il s'agisse de l'âme ukrainienne ou plus universellement, de sa propre histoire. Elle rappelle que l'art est l'âme d'un peuple et son histoire à la fois, et que sans lui, le peuple disparait. Alors si parfois la leçon aurait gagné à être distillée avec plus de subtilité ou de suggestion, il n'en reste pas moins que ce roman est un très bel hymne à l'art et à la résistance !