Le poids des héros de David Sala nous transporte.

Par Hectorvadair @hectorvadair
Traitant avec justesse de filiation, de mémoire, d'engagement, de résistance, de Shoah et d'enfance, ce Poids des héros, paru en janvier 2022, nous cueille comme le vent du soir arrache les feuilles d'automne.

Le petit David habite Lyon dans les années soixante-dix dans une famille d'émigré espagnol. La figure tutélaire du grand père maternel, dont le portrait orne le salon familial, est en passe de disparaitre, à 86 ans, atteint d'un cancer. Héritant, jeune adulte de ses souvenirs et documents, l'auteur se décide à rendre hommage à ce résistant humain incroyable (comme son autre grand père d'ailleurs), ayant combattu Franco, puis ayant été fait prisonnier et déporté au camp nazi de Mauthausen, dont il a réchappé, avant  d'en rejoindre d'autres, français ceux là, dans le sud,  puis de terminer sa vie tranquillement, sans esbroufe, mais sans plus de reconnaissance...  

De temps en temps un roman graphique original (pas une adaptation de roman) paraît et surprend par sa force. David Sala émeut, tant dans la forme que dans le fonds, avec un album longuement mûri, dont, on le sent, il a porté durant toute sa vie les traces et les affects. C'est de culture et d'humanisme dont il nous parle ici, arrivant à exprimer, avec, paradoxalement, beaucoup de silences, le socialisme venant de la guerre, celle d'Espagne et contre l'Allemagne occupante, dont ses parents ont hérité. Comme il se plait à le rappeler : pas des communistes, mais plutôt des Libres penseurs, voire des anarchistes, plus portés à citer lors de leurs soirées : Brassens, Aragon ou le pasteur allemand Martin Niemöller avec son poème "Quand ils sont venus chercher..." David lui, peu enclin à tout comprendre à l'époque, écoute Renaud sur l'album Le retour de Gérard Lambert et lit Strange, tel qu'on peut le constater sur les cases de certaines des superbes planches aquarellées très colorées que l'artiste d'aujourd'hui nous transmet. C'est d'ailleurs un des points fort essentiel de ce dernier album, après le déjà excellent Joueur d'échecs (Casterman 2017) : sa faculté à offrir une magnificence de Camaïeu graphique coloré, digne des plus beaux tableaux et des plus belles Historietas, tel que l'on n'en voit que peu à vrai dire. Tout cela dans la lignée des plus grands artistes argentins ou espagnols, le tout en gardant une lisibilité totale sur le fonds, et en touchant le lecteur à coup sûr, tout du long. Une gageure.
...Ce Poids des héros pèse sur nos frêles épaules de lecteurs, avec une rare force vive, mais c'est avec une reconnaissance toute légère que nous le recevons pourtant. Et nous aussi dés lors nous pouvons partir, une fois seulement le livre achevé.
Un "poids" vivant, pleinement vivant ! FG
Le Poids des Héros, par David Sala
Éditions Casterman (janvier 2022)