Selon l'ONU, le nombre de personnes souffrant de la faim a augmente de quelque 50 millions en 2007 suite a la flambee des prix des denrees alimentaires. Deux milliards de personnes sont actuellement touchees par la crise alimentaire, selon la Banque mondiale. Une seule hausse de 10% du prix du riz fera deux millions de pauvres de plus en Indonesie. Et on s'attend a ce que le haut niveau des prix persiste jusqu'en 2015. Derriere ce fleau, y a-t-il de l'espoir? Quatre experts se sont penches aujourd'hui sur la question lors d'une conference sur la crise alimentaire qui s'est tenue a l'Universite Laval, ce mercredi.
La crise alimentaire a plusieurs consequences. Elle a provoque la famine, reduit l'accessibilite aux denrees alimentaires, engendre des troubles sociaux, fait naitre la panique, et provoque des emeutes de la faim aux quatre coins de la planete, principalement dans les zones urbaines ou les habitants ont subi grandement les effets de la hausse des prix alimentaires.
Actions Face au desastre, les gouvernements de certains pays ont commence a agir et a mettre des mesures en place. Jean-Jacques Dethier, directeur de recherche de la Banque mondial en a enumere quelques-unes. On a reduit l'imposition sur les cereales, on a augmente les stocks suite a certaines mesures mises en place et on a controle les prix, a-t-il fait remarquer.
De son cote, la Banque mondiale, qui a pour mission de reduire la pauvrete et d'ameliorer le niveau de vie des populations mondiales, a entrepris pres d'une vingtaine de mesures financieres visant a contrer le fleau. M. Dethier donne des exemples: le lancement d'un fonds de 1,2 G$, la multiplication par pres de deux de ses volumes de prets agricoles en Afrique (de 450 a 800 M$) et en Amerique latine (de 250 a 400 M$) ou encore l'appui pour plus de 1 G$ de nouveaux projets en faveur de l'agriculture et du developpement rural en Asie du Sud.
Espoir Neanmoins, des dommages enormes ont ete causes par la crise alimentaire. Et il sont loin d'etre repares. Il faudrait encore 10 G$ afin d'etre en mesure d'assurer aux pays les plus durement touches un filet de protection sociale et un soutien agricole suffisant. Alors qu'on a diminue de 30% la pauvrete durant les sept dernieres annees, la crise alimentaire risque de detruire ces resultats, a soutenu le directeur de recherche de la Banque mondiale.
Pour l'auteure et ecosociologue Laure Waridel, cofondatrice d'Equiterre, s'il y a une chose a retenir dans la crise alimentaire, c'est qu'elle n'est pas due a un manque de nourriture, mais a un manque de justice. Les terres du monde permettraient de nourrir 12 milliards de personnes (alors qu'il y a 6,7 milliards d'habitants sur la planete) si on changeait nos comportements, a-t-elle fait remarquer.
Face a la situation, Guy Debailleul, professeur en economie agroalimentaire et en sciences de la consommation a l'Universite Laval, demeure tout de meme positif. Ce n'est pas une situation inedite puisqu'on a vecu ce genre de crise au debut des annees 1970, avec un accroissement des prix du petrole et des matieres premieres. Et on a remonte la pente. La croissance de la population semble prendre une tendance au ralenti. Il y a assez de terres pour nourrir tout le monde et les possibilites d'augmenter le rendement mondial sont nombreuses, dit-il.
Solutions Mais pour arriver a retablir la situation, les quatre experts s'entendent pour dire que des mesures strictes devront etre mises de l'avant par les gouvernements. Parmi celles-ci, les experts ont estime que les solutions passent par la souverainete alimentaire, la consommation biologique et equitable, la garantie que les pays du Sud beneficient des memes conditions agricoles que les pays du Nord depuis 50 ans, le renouvellement du modele de developpement agricole et de la consommation, l'abolition de subventions dans les pays developpes nuisant aux pays en developpement qui n'en ont aucune le Canada subventionne environ 20% des cultures , et finalement, l'elimination de la corruption sont des reponses au probleme mondial.
Il faut que des politiques gouvernementales soient mises en place ou modifiees de faon a ce que les denrees alimentaires ne se rendent pas la ou il y a de l'argent, mais la ou il y a des besoins, souligne Mme Waridel. Alors que les objectifs du Millenaire pour le developpement de l'ONU visent entre autres la reduction de moitie de l'extreme pauvrete d'ici 2015, M. Debailleul croit encore que c'est possible. Il faut faire des choix politiques internationaux, de la mobilisation et de la conscientisation et l'alimentation reviendra au premier plan, et par le fait meme la pauvrete sera reduite, a-t-il conclu.
Guy Debailleul, professeur en economie agroalimentaire et en sciences de la consommation a l'Universite Laval (Canada) - www.canoe.com Photo : Philippe FOUCHARD (Nasi Topeng pour un anniversaire Jakarta 2008)