Des nerfs humains ces dernières années ? Pas seulement en Europe,
Où des raisons existent, mais partout ; une corde ou un filet
Est déployé, une tension plus resserrée ;
Peu d’esprits sont aujourd’hui sains ; presque personne
Ne semble écouter le fracas, écouter…
Et le souhaiter, avec une sorte de furieuse
Sensibilité.
Ou alors est-ce que nous ressentons
Dans l’air une concentration de quelque chose qui haïsse
L’humanité ; et dans l’éclair de la tempête nous nous voyons
Nous-mêmes avec trop de pitié et les autres trop clairement ?
Bon, c’est février, dix-neuf cent trente-neuf.
Nous comptons maintenant les mois ; nous devons compter les jours.
Il semble temps de trouver quelque chose hors de nos
Propres nerfs pour trouver un appui.
*
Nerves
You have noticed the curious increasing exasperation
Of human nerves these late years? Not only in Europe,
Where reasons exist, but universal; a rope or a net
Is being hauled in, a tension screwed tighter;
Few minds now are quite sane; nearly every person
Seems to be listening for a crash, listening…
And wishing for it, with a kind of enraged
Sensibility.
Or is it what we really feel
A gathering in the air of something that hates
Humanity; and in that storm-light see
Ourselves with too much pity and the others too clearly?
Well: this is February, nineteen-three-nine
We count the months now; we shall count the days.
It seems time that we find something outside our
Own nerves to lean on.
***
Robinson Jeffers (1887-1962) – Mara ou Tu peux en vouloir au soleil (Unes, 2022) – Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Cédric Barnaud.