Point d’orgue de ce week-end allongé en Sologne, nous avions décidé de nous offrir une table étoilée jusqu’ici inconnue, le Favori aux sources de Cheverny (41). Et grand bien nous a pris.
En ce dimanche soir, peu d’affluence. Seules deux tables sont occupées, ce qui nous a sans doute permis de bénéficier de circonstances très positives. Accueil courtois et professionnel, sachant rester décontracté. Nous sommes installés à notre table ronde où l’on nous propose un apéritif … que je choisirai sur (l’impressionnante) carte des vins, tournée vers les vins régionaux de la Loire, mais pas que.
Pour l’apéritif, accompagné de quelques amuse-bouche excellents, nous partons sur un Jurançon, cuvée Marie 2016 du domaine Charles Hours : robe jaune assez claire, sans trace d’évolution. Un très joli nez sur une fine aromatique acide, une impression de « tendresse » (c’est un sec) et une pointe fumée en retour. Salivant ! Attaque en bouche tonique, sur un équilibre amertume / acidité bien construite, une sorte de « faux maigre ». Gourmandise avec de la mâche. Finale sur une opulence mesurée, presque muscatée, une pointe veloutée et une touche saline du plus bel effet. Retour poudré en rétro-olfaction. Une valeur sûre. Excellent
Côté assiette, notre choix s’est porté sur le Menu en six services :
Fenouil de Touraine confit à la verveine, caviar de Sologne, pomme verte et concombre : un fenouil floral, associé à un caviar d’une extrême élégance, le côte salé / iodé juste comme il faut, et même le concombre qui s’associe parfaitement avec la pomme verte. Excellent +Radis blanc, filet de lotte nacré, émulsion à l’huile de colza et condiments acidulés : le plat trois étoiles. Une cuisson parfaite, une association de saveurs et de texture, un assaisonnement au top avec les condiments acidulés. Superbe.Courge butternut confite au whisky, sucs d’orange et homard bleu juste saisiRemplacé pour ma part par un filet de rouget (même accompagnement) : un poisson corpulent bien maîtrisé par l’amertume de l’orange et le côté acidulé du whisky. Excellent.Chou-rave étuvée dans son eau de végétation, champignons fermentés, faux-filet de bœuf mariné au saté : une viande semi-maturée, cuisson top, un chou qui apporte de la fraîcheur. Superbe construction. Excellent +Miel de tournesol, meringue éphémère et sauge du jardin : moi qui ne suis pas (en général) dessert, je suis complètement bluffé. Un miel aromatique, juste sucré comme il faut, parfumé par la sauge. Là encore, association de texture avec le croquant de la meringue. Superbe.Pomme Reine des Reinettes caramélisée, crème glacée à la bierre de Cour-Cheverny : bis repetita ! Une tarte aux pommes / tatin revisité de façon magistrale. L’amertume de la bierre apporte indubitablement un grand plus. Superbe.Histoire de pimenter un peu l’affaire, nous avons laissé carte blanche au maître d’hôtel / sommelier pour les deux bouteilles suivantes, avec une indication du budget. Nous avons apprécié les questions qu’il nous a posé afin de mieux orienter son choix et nous proposer des crus en accord avec les styles de vins que nous aimons. Une fois de plus, l’essai a été transformé, même si nous avons plus que peiné à trouver les appellations.
Vin n°1
Un vin blanc à la robe dorée intense et assez évoluée. Un nez sur une belle évolution, avec une pointe « semi-oxydative » qui a du peps. Notes clairement de pâte de coing sur un « rôti » élégant et évanescent, comme un coteau du Layon (sans sucre !). Bouche sur un même équilibre, assez grasse, tendue par une acidité encore bien présente. Notes minérales profondes, presque schisteuses (il me semble qu’on est loin des terroirs calcaires …). Fraîcheur légèrement fumée. Belle finale sur une acidité allongée, un gras enveloppant et une fraîcheur ultime. Avec le rouget, le vin reprend de la vigueur, redevient plus jeune, sur la finesse, la floralité et une acidité mentholée. Excellent ++
Mon pronostic : je pars en premier sur un Savennières … puis après d’âpres négociations ( !) sur un Montlouis / Vouvray (???) assez âgé.
Verdict : Vouvray sec, 2000, domaine du Clos Naudin
Vin n°2
Robe rubis semi-évoluée. Un nez sur les fruits noirs, la maturité avec cependant une pointe végétale noble (ce qu’on pourrait appeler le poivron sans l’amertume). Longue élégance sur les papilles, avec un joli fumé salivant. Bouche complexe, à la fois rustique et élégante. De jolis tannins de caractère, avec un grain en bouche de bon aloi. Notes foxées avec une pointe sous-bois. Le juste équilibre entre finesse et élégance, rusticité e tannicité. Finale apaisée, pour ce vin de méditation et de réflexion. Excellent +
Mon pronostic : je pars plutôt sur Bourgueil … mais pas Jacky Blot. Après discussion, je dois me résoudre au fait qu’il s’agit d’un Chinon.
Verdict : Chinon, coteau de Noiré 2011, Philippe Alliet
Très bel exercice une nouvelle fois. Je pense que si j’avais été plus dans l’analyse des questions posées avant le choix du sommelier, j’aurais pu y trouver quelques indices. Mais bon, la dégustation à l’aveugle, sur de vieux vins … (« si ça c’est pas un vieux Chablis, je change de métier »).
Pour
le fun, avec le dessert, nous avons eu le droit d’une part à un verre de Poiré d’Eric Bordelet :
un véritable jus de poires, semi-perlant, frais et légèrement muscaté sur la
finale. C’est vineux, c’est claquant. Excellent
Puis notre choix pour la pomme caramélisée, un coteau du Layon, 2020, château Soucherie : un « petit » Layon frais, élégant, presque gouleyant au premier abord. Bouche franche, sur un équilibre demi-sec, avec des notes de pâte de coing, une amertume bien marquée qui reste équilibrée, gourmande. Finale sur un toucher de bouche avec un joli grain, des amers fumés, une pointe rôtie et un équilibre frais. Un Layon « de base » solide, sérieux et vineux. Excellent (+)
Grande découverte et belle révélation pour cette table. Depuis l’accueil jusqu’à notre départ, tout a été parfaitement millimétré : l’adaptation du menu pour les intolérances alimentaires, l’écoute pour le choix des vins servis à l’aveugle, l’explication des plats, … et bien entendu les assiettes proposées.
Mention spéciale en cuisine où le chef Philippe Calmels nous a concocté des assiettes de très haut niveau, avec des associations originales et justes et des cuissons parfaites. Cerise sur le gâteau, le chef est venu nous rendre visite en fin de service. C’est toujours très apprécié, surtout pour lui transmettre nos félicitations, à lui et toute son équipe. Un grand moment d’émotion et de sensations gustatives.
Nous repartons avec plein de paillettes dans les yeux. Un RDV prochain est pris secrètement …
Bruno