Thierry Lhermitte, geek passionné par les sciences ...et comédien à l'occasion

Publié le 24 novembre 2022 par Sylvainrakotoarison

" Les réseaux sociaux, c'est un bon truc sociologique pour juger de l'état de l'opinion, mais là c'est carrément angoissant. " (Thierry Lhermitte, "Le Point" le 11 septembre 2016).

Le célèbre comédien Thierry Lhermitte fête son 70 e anniversaire ce jeudi 24 novembre 2022. Un comble de devenir vieillard (bon, c'est vrai, à 70 ans, on était vieillard en 1970, maintenant, il faut avoir au moins 90 ans pour être vieillard !) quand on a commencé sa carrière sur le souvenir de Popeye, ce playboy séducteur, symbole agaçant de la jeunesse en bonne santé (plus affective que mentale).
En fait, justement, non ! On aurait pu imaginer que Thierry Lhermitte voulût rester dans ce registre qu'il a acquis, en même temps que le succès, au sein de la Troupe du Splendid dans des comédies hyperconnues comme "Les Bronzés" ou "Le Père Noël est une ordure", et si cela lui a profité au début de sa carrière pour se faire connaître, il n'est heureusement pas resté prisonnier de ce type de rôle.
Au contraire, la vieillesse, ou plutôt, l'arrivée de la maturité lui a profité pour construire des rôles et des personnages plus subtils. Contrairement à son compère et ami Christian Clavier, camarade de classe à Neuilly-sur-Seine avec Michel Blanc et Gérard Jugnot, l'âge ne lui a pas fait prendre du volume à l'instar de Gérard Depardieu, physiquement mais aussi peut-être caricaturalement. Il est resté au contraire un jeune homme longiligne, ce qui lui a apporté la crédibilité du médecin, breton d'adoption, qu'il incarnait dans la série télévisée "Doc Martin" (diffusée sur TF1 du 10 janvier 2011 au 27 avril 2015).
J'ai été bluffé après une grosse inquiétude par sa prestation dans " Quai d'Orsay" de Bertrand Tavernier (sorti le 6 novembre 2013), une adaptation de l'excellente bande dessinée de Christophe Blain et Abel Lanzac (Antonin Baudry), alors que j'avais adoré l'œuvre originale et justement, je craignais que Thierry Lhermitte fût trop lui-même... Or, au contraire de nombreux acteurs largement confirmés, Thierry Lhermitte a su s'effacer derrière son personnage, celui de Dominique de Villepin (Alexandre Taillard de Worms), dynamique mais fatigant Ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac (épuisant tous ses conseillers) : " Le "mulot" de Chirac, ce n'est pas une blague. En préparant l'adaptation de "Quai d'Orsay", j'ai découvert que Dominique de Villepin, que j'ai par ailleurs trouvé très sympa, ne savait pas se servir d'un ordinateur. Du reste, il n'y a pas Internet au Quai d'Orsay pour des raisons de sécurité. C'est incroyable ! " ("Le Point").

Si la comédie de Tavernier a été excellemment bien servie par Raphaël Personnaz (très en vogue cette année-là avec aussi la saga Malaussène, "Au bonheur des ogres"), le parfait Niels Arestup en indispensable directeur de cabinet qui règle tous les problèmes (César 2014 du meilleur acteur dans un second rôle), et la dircab adjointe, malicieuse nymphomane, jouée par Julie Gayet (qui sortait des fictions élyséennes), Thierry Lhermitte y a apporté tout son talent de l'interprétation du personnage central.
Près de cent cinquante films au cinéma (du film "Les Valseuses" au numéro deux de "Joyeuse retraite !"), quelques dizaines interprétations pour la télévision et le théâtre (encore très récemment, au festival d'Avignon en 2022), Thierry Lhermitte est pourtant un comédien dilettante, se permettant de choisir les films et les personnages qu'il jouerait. Au-delà des succès des trois "Bronzés" (1978, 1979, 2006) et du "Père Noël est une ordure" (1982), il a aussi joué dans "Clara et les chics types" (1981), les trois numéros de la série "Les Ripoux" avec Philippe Noiret (1984, 1990 et 2003), "Le Zèbre" (1992), "Le Placard" (2001), et surtout, il a contribué à l'immense succès d'un film pièce de théâtre, dans le style de la grande époque du Splendid mais sans ses autres amis de la troupe, à savoir "Le Dîner de cons" de Francis Veber (sorti le 15 avril 1998), même si l'apport de Jacques Villeret et de Daniel Prévost m'a paru capital. Il a généralement un rôle de dirigeant, chef, cadre supérieur, profession libérale, bourgeois, etc.

Dans un autre film où il s'est essayé au scénario (ce n'était pas le seul), "Un Indien dans la ville" de Hervé Palud (sorti le 14 décembre 1994), lui aussi un immense succès (qui a relancé la carrière de l'acteur après plusieurs échecs), Thierry Lhermitte, également producteur du film, avait demandé à tous les figurants présents aux Champs-Élysées d'être équipés d'un téléphone mobile pour illustrer le grand contraste technologique avec le jeune Indien débarquant dans le monde moderne, et les gens autour de lui se marraient en se disant que c'était de la science fiction (que tout le monde fût doté de téléphone mobile). C'était en 1994 !
Effectivement, Thierry Lhermitte, petit-fils et neveu de deux neurologues de renom, a toujours été un passionné des nouvelles technologies. Si après son baccalauréat scientifique (filière C), il n'a pas vraiment poursuivi ses études pour apprendre le métier de comédien et jouer avec le Splendid, Thierry Lhermitte a toujours appris sur le tas, possédant dès les années 1980 un ordinateur Amstrad 6128 (il était pote avec Bernard-Pierre Donnadieu, lui aussi utilisateur d'un Amstrad). Adorant les mathématiques, Thierry Lhermitte est toujours resté très informé de l'actualité scientifique et technologique, réfléchissant sur les avancées de l'informatique, imaginant l'importance grandissante de l'Internet et anticipant les probables progrès médicaux d'une association homme-machine (sans forcément tomber dans le délire du transhumanisme).
Ci-dessous, une vidéo fort intéressante de janvier 1996 où Thierry Lhermitte montrait l'intérêt de l'Internet à Jean-Luc Delarue et Jean-Claude Brialy. Michel Boujenah, également présent sur le plateau de l'émission, semblait déjà initié.
Passionné, il faisait encore récemment une chronique mensuelle sur les sciences sur France Inter après avoir officié au "Magazine de la Santé" de France 5. Il a également investi dans des start-up de haute technologie sans pour autant gagner au jackpot (il a reconnu qu'il y avait perdu pas mal d'argent). Il a sympathisé avec l'inventeur de la carte à puce Roland Moreno, qui était venu l'écouter au théâtre et ils sont devenus très rapidement amis au restaurant, même si à la fin de la vie de ce dernier, Thierry Lhermitte était en froid après une discussion où il remettait en cause les droits d'auteur (alors que lui-même avait reçu des millions de rente sur les redevance de son brevet).
Pour comprendre sa passion de geek, il faut relire son entretien accordé à Guillaume Grallet et Thomas Mahler publié dans "Le Point" du 11 septembre 2016, où il assumait clairement son soutien à la loi Hadopi qui protégeait les droits d'auteur : " À l'époque, personne n'a osé dire : "Moi, je vous emmerde, c'est mon boulot. Et mon boulot je le vends. Et si vous voulez le voler, je vais vous attaquer ". Tout le monde était gêné. ".
L'acteur avait conscience déjà qu'il perdait beaucoup de temps avec les réseaux sociaux : " Internet, c'est super, mais c'est aussi une perte de temps car tellement addictif ! Twitter, c'est le café du commerce à grande échelle. Je regarde mon profil Facebook vingt-cinq fois par jour en me demandant quelle nouvelle connerie je vais y trouver. En plus, comme je fais du cheval, j'ai accepté plein de gens de plein de milieux différents. Mais il y a des monstres et des racistes ! ".
Mais le plus croustillant qu'il a confié, c'est qu'il s'amusait follement à un petit jeu qui s'apparente beaucoup avec le Dîner de cons. En effet, régulièrement, Thierry Lhermitte s'amuse à proposer des citations, mais totalement inventées de lui : " Ce que j'aime bien faire sur Facebook, c'est poster de fausses citations, juste pour voir le nombre d'abrutis qui vont liker. (...) Celle qui a le mieux marché, c'est un faux Voltaire : "Ne jugez pas ce que l'avenir a condamné, le passé pourrait bien vous en absoudre". Évidemment, ça ne veut rien dire. Heureusement, mes enfants n'ont pas "liké". J'ai été très fier d'eux. ".

Plus sérieusement, Thierry Lhermitte, qui a développé une véritable expertise personnelle sur l'avancée des sciences grâce à ses visites régulières dans des laboratoires de recherches pour ses documentaires télévisés, a une certaine idée sur les futurs développements de la technologie : " Je crois que c'est dans la biologie que les choses incroyables vont nous arriver. La communication a connu un bond prodigieux en vitesse, mais dès que tu te confrontes au vivant, tu restes à la vitesse du vivant. ".
Alors, c'est vrai que la carrière de comédien ne sera jamais achevée tant qu'il n'aura pas joué dans un film qui explique une facette de la science. À l'âge de la maturité, il sera probablement très crédible dans le débat philosophique qui tourne autour de la physique quantique. Je ne le vois pas en Albert Einstein, mais pourquoi pas en Niels Bohr, en Paul Dirac ou encore en Alain Aspect ?
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (20 novembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Quai d'Orsay.
Thierry Lhermitte.
Dupont Lajoie.
Emmanuelle Bercot.
Jacques Tati.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Alain Delon.
Alfred Hitchcock.
Brigitte Bardot.
Charlie Chaplin.

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https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/thierry-lhermitte-geek-passionne-244892
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