Les tensions franco-italiennes autour de l’accueil de l'« Ocean Viking » ont remis sur le devant de la scène la crise migratoire. Un phénomène qui n’est pas près de se tarir, surtout avec l’aggravation de la crise écologique, et auquel nos sociétés devraient enfin réfléchir sur le long terme.
D’un problème systémique à l’autre. De bien des façons, et malgré toutes les avancées qu’ils portent, nos modes de vie et la manière dont nos sociétés sont structurées ne sont adaptés ni au bien de l’humanité ni à l’avenir qui se profile pour elle. Cependant, même si nous le savons, nous ne sommes pas prêts. Désespérément pas prêts. Et l’actualité ne cesse, avec une certaine cruauté, de nous le rappeler.
Ainsi, les jours passés ont vu revenir de plein fouet la question migratoire, que ce soit au travers de l’errance méditerranéenne d’un navire humanitaire, l’Ocean Viking, finalement accueilli par la France le 11 novembre 2022 après avoir été rejeté par l’Italie, ou l’enquête sur la mort tragique de 27 migrants le 24 novembre 2021 dans la Manche.
Les drames qui se succèdent
À chaque fois, les mêmes constats reviennent : manque d’anticipation, déficit de moyens, absence de réelle politique de coopération européenne pour faire face à un phénomène persistant, qui n’a aucune raison de se tarir. On aura beau, ici et là, invoquer le réalisme dans un contexte de crise économique, pointer le cynisme criminel des passeurs ou, comme l’ancien ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, lier immigration et insécurité, faisant de ce sujet la raison de sa démission en 2018 : reste que les drames qui se succèdent depuis des années forment une tache indélébile sur l’attachement aux droits humains dont nous aimons à nous réclamer en Europe. D’autant que les flux de personnes ne feront que s’accentuer à l’avenir, qu’on l’accepte ou non.
Hasard ô combien symbolique du calendrier : ce nouvel épisode est intervenu au moment même où se tenait en Égypte la Cop 27, dans un relatif désintérêt général. Faut-il voir ici un paradoxe, alors que la prise de conscience du changement climatique ne cesse de progresser ? Pas totalement : l’espoir, même mesuré, né de l’accord de Paris en 2015 s’est, depuis sept ans, quelque peu brisé sur le cynisme de certaines grandes nations et l’attentisme d’autres, plaçant l’humanité sur une trajectoire de réchauffement déjà supérieure à ce qui pouvait alors être craint.
Dette écologique globale
Or, les conséquences de ce dérèglement sans précédent ont aussi pris leurs quartiers dans les grands titres de l’actualité : sécheresses, canicules, inondations, tempêtes et catastrophes… Autant de phénomènes météorologiques extrêmes qui rendront, à terme, invivables certaines parties du monde. Et viendront créer de nouveaux conflits armés et des mouvements de population auxquels il faudra bien apprendre à répondre.
De tout cela, les peuples européens n’ont quasiment pas conscience. Néanmoins, une politique qui se projetterait enfin à long terme, au lieu de s’en tenir à l’écume des crises, aurait le devoir, dès aujourd’hui, de tenir un discours de vérité sur ces enjeux. Et de nous y préparer. D’autant que l’Occident a contracté une forme de dette écologique globale vis-à-vis des pays du Sud, en fondant son développement économique et social – celui auquel tant de nations ne font, légitimement, qu’aspirer elles-mêmes – sur l’exploitation d’énergies fossiles. Sans même parler des ressources tirées de la colonisation. Cette dette-là va aujourd’hui avec une responsabilité en matière de justice dans la transition écologique…
Mais qui serait réellement prêt à voir son niveau de vie baisser, surtout à l’heure où se profile une récession économique, pour tenter d’enrayer la funeste machine du réchauffement et de ses conséquences ? Collectivement, nous ne sommes pas prêts. C’est pourtant l’un des enjeux les plus cruciaux de l’époque, et la fin de cette histoire n’est pas écrite. Il s’agit, ni plus ni moins, de sauvegarder l'humanité. Notre humanité.
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