Il parle pas comme les autres hommes politiques avec leurs phrases à rallonge. Lui cherche pas à nous embrouiller. Il sait ce qu'on vit, il met les mots justes sur ce qu'on ressent.
Michel Legrand est contrôleur chez Milkit, une entreprise agro-alimentaire de Melun. Il est séduit par cet homme qui veut prendre le Pouvoir. Il ne sait pas si c'est l'homme providentiel, mais il sait que d'être un tant soit peu d'accord avec lui vous vaut d'être la cible des médias, des intellectuels.
Sa femme Michelle est plus réceptive que lui. Les temps sont durs. Elle espère qu'il sera le sauveur. Comme il est question de licenciements chez Milkit, elle a prévenu Michel qu'elle le quitterait s'il se retrouvait au chômage, parce qu'elle sait que sa mauvaise humeur actuelle en serait accrue.
Son élégance tapageuse, sa désinvolture arrogante, ses provocations, ses explications monocausales et sa tendance écoeurante à tout ramener à ses convictions, à cette promesse de renouveau que sa jeunesse et sa beauté semblent à elles seules incarner en insupportent plus d'un.
Alban Morvan est un écrivain parisien. Il a l'esprit critique et l'applique à lui-même. Il n'est pas cartésien et n'est donc pas en phase avec un monde dominé par les techniciens et les ingénieurs. Ce qui l'intéresse, c'est l'irrationnel, les émotions. Ce sont les seules questions qui comptent à ses yeux.
Depuis que Deborah et lui se sont séparés, il est devenu un homme couvert de femmes, aux amours tarifées, ou pas. Il souffre surtout de ne plus avoir de réel contact avec sa fille Lou, qui vit à Berlin et avec laquelle il ne sait pas communiquer, quand bien même elle serait moins éloignée de lui.
En temps normal, Alban et Michel ne se rencontreraient sans doute jamais, tant l'intellectuel et l'ouvrier vivent dans des mondes a priori étanches. Pourtant ils seront réunis par l'homme qui ne laisse alors personne indifférent, suscitant de l'attirance ou de l'aversion, et qui a lancé Vers l'Avant:
Son ambiguïté apparaît jusque dans le nom qu'il a donné à son mouvement. Quelle ironie, que personne ou presque n'a mis en lumière, la direction indiquant aussi bien cette position temporelle antérieure. Devant, tout redeviendra aussi bien qu'auparavant, quand tout était plus agréable.
Michel et Alban vont, sans le vouloir, être recrutés par le mouvement, l'un comme ouvrier, l'autre comme intellectuel, et se retrouver en face de l'homme qui a du charisme indubitablement, sans être sûrs que la défense de la communauté nationale soit ce qui le motive vraiment comme il le dit.
Comment en est-on arrivé là? n'est pas la question que pose le roman de Philippe Testa. La question serait plutôt celle de la quête du pouvoir d'un seul et/ou celle de la fin qui justifierait tous les moyens pour y parvenir. Il y a eu des antécédents. La grande différence est la beauté de l'homme:
La beauté, forcément garante d'une vie sexuelle épanouie et variée, est la seule chose que les riches peuvent envier aux pauvres. À l'inverse, quand on est pauvre, laid et stupide [...], on n'a d'autres choix que se projeter dans un homme à qui tout réussit, ce qui serait une autre explication à son succès.
La beauté du diable, en quelque sorte...
Francis Richard
Pouvoir, Philippe Testa, 216 pages, Édtions d'En Bas
Livres précédents:
Le crépuscule des hommes, L'Âge d'Homme (2014)
L'obscur, Hélice Hélas (2020)