Panique dans le monde des cryptos

Publié le 21 novembre 2022 par Raphael57

Ces derniers temps, j'avais consacré plusieurs billets à la situation macroéconomique des pays européens. Ainsi, ai-je brossé un rapide panorama de la situation économique en Allemagne, évoqué la récession dans la zone euro, présenté la situation socioéconomique délicate de l'Italie et enfin analysé le budget peu ambitieux de la France pour 2023. Mais, aujourd'hui, je souhaiterais revenir sur la tempête que traverse le monde des cryptos, question que j'avais partiellement abordée, à la fin du mois de septembre, dans le cadre d'un apéro-Sciences organisé durant la Semaine de la Recherche à l'Université de Lorraine.

Évolution du Bitcoin

À tout seigneur, tout honneur, commençons par le cours du Bitcoin. Qu'on le veuille ou non, l'évolution du cours du Bitcoin en dollar sur un an prouve qu'il s'agit avant tout d'un cryptoactif et non d'une monnaie :

[ Source : Boursorama ]

La chute de FTX

Après la chute du TerraUSD en début d'année, même les stablecoins censés être comme leur nom l'indique plus stables (en l’occurrence ici un vrai-faux stablecoin) ont été chahutés. Et maintenant, voilà que l'on apprend l'immense faillite de FTX, véritable feuilleton à tiroirs avec son lot d'arnaques, d'esbroufe, de culot et de communication outrancière !

Cela alimente désormais la crainte de faillites en cascade, ne serait-ce qu'en raison de l'absolue nécessité de passer enfin les comptes de ces start-up à la paille de fer, pour connaître la réalité de leur bilan. Et en étant mauvaise langue, l'on pourrait ajouter que cela permettrait aussi de connaître - peut-être - leur objet social, tant certaines start-up semblent avoir pour unique objectif de surfer sur la vague de l'argent facile dans les cryptos.

Tout cela n'est pas sans rappeler la bulle Internet de la fin des années 1990, qui s'était très mal terminée. La grande différence est que, dans les années 1990, les traders pleins aux as en mettaient plein les yeux avec leurs dépenses somptuaires en bagnoles et costumes, alors que les startupeurs d'aujourd'hui se présentent comme de grands adolescents en short et t-shirt, bref décontractés ! Mais l'ambition est la même : la richesse monétaire égoïste.

Dans une perspective socioéconomique, il ne fait aucun doute que l'individu de 2022 se fourvoie autant que celui de 1999 en pensant que sa place dans la société est liée à son capital financier. Toute personne est utile à la société ("il n'est de richesse que d'hommes" disait fort à propos Jean Bodin) et cette utilité dépend avant tout de son engagement, rémunéré ou non d'ailleurs, vérité qu'il faut inlassablement répéter. Et le vrai problème de nos jours, c'est que la société ne semble reconnaître que la valeur monétaire de l’engagement et du travail, quelle que soit du reste la manière dont elle est acquise.

Autrement dit, dans cette vision pervertie de la réalité sociale, un vendeur de drogue, un trader, un influenceur logé à Dubaï ou un joueur de football, du seul fait qu'ils gagnent beaucoup d'argent, seront perçus comme bien plus utiles à la société que des techniciens, des personnels de santé, des enseignants, des travailleurs sociaux ou une maman qui élève sérieusement ses enfants. Si l'on y ajoute la fable économique du mérite, alors il est même possible d'y trouver une rocambolesque explication pseudo économico-morale.

Mais disons-le clairement : une société où les individus s'imaginent qu'être milliardaire à moins de trente ans est un objectif sérieux est une société malade ! La pandémie de covid-19 devait pourtant réveiller les individus en leur rappelant qu'un jour ils ont eu plus besoin du boulanger, des caissiers du supermarché, des infirmières, des éboueurs et j'en passe, que de tous ces M'as-tu vu.

En fin de compte, ce qui est étrange, c'est que des gouvernements continuent à fonder leurs politiques économiques avec pour seule ambition de créer des licornes, quel que soit le modèle d'affaire de l'entreprise. Cette course à la valorisation gigantesque ne servira pas plus l'économie réelle que son pendant boursier depuis quatre décennies. À l'arrivée, c'est toujours, hélas, une minorité qui touche le gros lot, tandis que l'immense majorité paye les pots cassés...

P.S. L'image de ce billet provient de cet article du site https://www.zonebourse.com