Album - BLUE ÖYSTER CULT: "Some Enchanted Evening" 1978 + DVD Some Other Enchanted Evening
Mitch ZoSo Duterck
BLUE ÖYSTER CULT: "Some Enchanted Evening"
Avec ce second album enregistré en public, le quintette originaire de Long Island (New York), va ajouter un nouveau fleuron au panthéon des albums " Live " de légende. Car c'est bien de celà dont il est question ici. Voilà une galette qui se doit de figurer dans toute discothèque de Rock qui se respecte. A sa sortie,"Some Enchanted Evening", plus communément appelé " SEE ", se positionne d'emblée comme le digne successeur de l'énorme "On Your Feet Or On Your Knees". Ce dernier, enregistré lors de la tournée américaine de 1974 et commercialisé en 1975 vise, à faire découvrir au public le nouvel album de B.Ö.C. baptisé "Secret Treaties"
."SEE " occupera longtemps la place de second album le plus vendu de la discographie du groupe, juste derrière l'indétrônable "Agents Of Fortune" de 1976. Du moins c'est ce que tout le monde croyait à l'époque. Rien ne laissait présager autre chose jusqu'à ce que "Some Enchanted Evening" lui vole la place de numéro un. Tout comme pour le " Comes Alive " de Peter Frampton, c'est un album enregistré en public qui allait devenir le numéro 1 des ventes au catalogue de l'artiste. Et pourtant, fatigué par le rythme fou album / tournée, le groupe s'était longtemps posé la question du bien fondé de sortir un second album " Live " aussi proche du premier.Mais ils avaient besoin de temps et de repos avant de passer à l'écriture d'un nouveau disque. C'était donc la seule solution pour éviter de repartir en tournée. Ce nouveau " Live " ferait patienter les fans avides de se mettre de nouveaux titres dans les oreilles.
Cette " Soirée Enchantée " prise dans sa version originale sortie en septembre 1978, ne comportait que sept titres enregistrés en Angleterre et aux Etats-Unis, notamment à Atlanta et à Detroit, pendant la tournée promotionnelle de l'album "Spectres". A cette époque, le groupe qui surfe sur la vague du succès commercial de ses deux dernières réalisations est au pinacle de la gloire. On se bouscule, au propre comme au figuré, pour aller voir Blue Öyster Cult partout où il se produit car, en plus d'être des musiciens chevronnés, le groupe met également un point d'honneur à offrir à son auditoire un incroyable spectacle scénique en adéquation avec les textes de ses chansons. La féerie de lumières repose essentiellement sur une programmation multiple et très complexe de nombreux rayons lasers qui semblent parfois obéir à des ordres transmis par Éric Bloom au moyen d'un bracelet qu'il porte au poignet. Cette prouesse technique inégalée à l'époque, on la doit à une espèce de savant fou, un New Yorkais répondant au nom de David Infante. C'est Sandy Pearlman, manager-producteur du groupe qui l'a ramené dans ses bagages. C'était le top du top, même Led Zeppelin, pourtant à la pointe de la technologie, ne pouvait rivaliser avec Blue Oyster Cult, à ce niveau là du moins.
Toute médaille ayant son revers, cette technologie très onéreuse est également très fragile à transporter, surtout par des camions qui sont tributaires du bon état des routes. La casse est donc fréquente. Cette féérie lumineuse qui semblait venue d'une autre galaxie ajoutait encore au côté mystérieux et intrigant qui entourait déjà le quintette emmené par l'énigmatique Eric Bloom accompagné par Donald "Buck Dharma" Roeser, Allen Lanier et les frères Albert et Joe Bouchard.
Pourtant, malgré le succès remporté par les lasers, le groupe se rend compte qu'une fois sur scène, les musiciens attendent plus un tel effet spécial pour réagir que de se baser sur leur musique. Peu à peu, ils se sentent coupés du public. C'est en 1979, sous l'impulsion du guitariste Buck Dharma qui a besoin du contact visuel avec le public que Blue Öyster Cult va se défaire de toute cette machinerie qui les dévore. C'est ce line-up qui est toujours considéré comme le meilleur que B.Ö.C. ait connu au cours de sa longue carrière, toujours en cours. Au vu de ce qui précède, on comprend aisément la frustration des fans habitués à des concerts intenses lorsqu'ils ont découvert que "Some Enchanted Evening" atteignait à peine une durée de 36:04. Et comme si cela ne suffisait pas encore, la set list proposée, exception faite du titre "Astronomy", laissait complètement de côté les trois premiers albums pourtant essentiels du groupe, voyez plutôt:
1.R U Ready To Rock. ["Spectres" 1977]
2.E.T.I. (Extra Terrestrial Intelligence). ["Agents of Fortune" 1976]
3.Astronomy. ["Secret Treaties" 1974]
4.Kick Out The Jams. (reprise de MC5) ["Some Enchanted Evening" 1978]
5.Godzilla. ["Spectres" 1977]
6.(Don't Fear) The Reaper. ["Agents of Fortune" 1976]
7.We Gotta Get Out Of This Place. (reprise des Animals) ["Some Enchanted Evening" 1978]
Mais heureusement, il y a une justice en ce bas monde et après un longue attente de neuf ans, une remasterisation de l'album paraît enfin en 2007 agrémentée d'un DVD bonus baptisé "Some OTHER Enchanted Evening". Toutefois, la qualité des images de ce dernier est bien loin de ce qu'on était en droit d'espérer. Autant le savoir. Par contre, en ce qui concerne le côté audio, le travail effectué rend enfin justice au groupe car il apporte une vision plus large et plus complète de ce qu'était Blue Öyster Cult à l'époque. C'est ainsi que, le CD a quasiment doublé de durée (71:32) par rapport au vinyle original. Pas moins de sept titres jamais pressés ont été ajoutés. La période musicale 1972 - 1975 qui faisait cruellement défaut sur le 1er pressage est mieux représentée. Tous les titres du DVD quant à eux ont été enregistrés le 14 juillet 1978 au Capital Theatre de Largo au Maryland. Il s'agit de:
8.ME. 262. ["Secret Treaties" 1974]
9.Harvester Of Eyes. ["Secret Treaties" 1974]
10.Hot Rails To Hell. ["Tyranny And Mutation" 1973]
11.This Ain't The Summer Of Love. ["Agents of Fortune" 1976]
12.Five Guitars. [Non Album Track]
13.Born To Be Wild. (reprise de Steppenwolf) ["On Your Feet Or On Your Knees 1975"]
14.We Gotta Get Out Of This Place. (version alternative) ["Some Enchanted Evening" 1978]
Depuis 1972, à chaque fois que le groupe se produit ou sort un album, il affiche ostensiblement son célèbre logo: une croix à quatre branches dont la partie inférieure a la forme d'une cédille. Ce symbole créé par Bill Gawlik a longtemps alimenté les colonnes d'une certaine presse en mal de sensations qui y voyait déjà une marque de sympathie envers le nazisme. En fait, cette croix n'est qu'une représentation dérivée de,la croix de Cronos chez les Grecs ou de la planète Saturne chez les Romains, rien d'autre. B.Ö.C. est probablement le premier groupe à avoir eu son propre logo et à le reproduire sur divers supports, ce que feront plus tard les groupes de métal qui vont s'engouffrer dans la brèche grande ouverte et développer un merchandising parfois impossible à suivre. Le band lancera également la mode des groupes dont le nom comporte un tréma: Motörhead, Mötley Crüe, Queensrÿche, The Accüsed, Beowülf, etc.
En conclusion, voilà un album qui ne laisse pas indifférent et qui fait le lien entre la génération désabusée du "Summer of Love" et celle, montante, des seventies, plus électrique, plus violente qui a besoin de nouvelles sensations et engendrera le mouvement Punk. C'est le témoignage d'un groupe considéré comme "Le", sinon, un des pères fondateurs du métal moderne, mais aussi le manifeste d'une qualité de jeu et d'écriture musicale, qualité que l'on retrouve également au niveau des textes parfois trop subtils pour être compris et appréciés à leur juste valeur.