1256. Lena est guérisseuse, à une époque où cette activité se confond souvent dans l'esprit des gens avec la sorcellerie. Elle n'en a cure: elle connaît les plantes qui soignent, et aide les femmes à accoucher. Parmi ses protégées, Clémence de Beaufort, épouse du baron Alain d'Avagour, qui multiplie les fausses couches, au desespoir de son mari. Et le baron devient irritable: outre sa descendance qui n'arrive pas, il voit sa terre convoitée par le duc de Bretagne et son propre frère comploter contre lui. Malgré elle, Lena se retrouve entraînée dans des conflits qui la dépassent.
Un récit très court, mais qui parvient en peu de pages à nous plonger dans un univers médiéval très solide. D'abord par la qualité du lexique, précis et soigneusement choisi, mais sans toutefois gêner la compréhension. L'exercice n'est pas facile, et Valérie Brun s'en tire à merveille. L'immersion est réussie et je n'y ai pas vu de fausses notes.
J'ai tout particulièrement aimé le personnage de Lena. Il s'agit d'un rôle qui nourrit beaucoup de fantasmes sur l'époque médiévale. Guérisseuse, elle connaît donc le pouvoir des plantes, mais elle n'hésite pas à concoter aussi des philtres aux objectifs bien plus larges, et comme c'est à elle que l'on s'adresse pour susciter la fertiilité, c'est contre elle que l'on se retourne lorsque les enfants se font attendre. On vient la chercher au milieu de la nuit, on l'admire autant qu'on la craint, on la désire autant qu'on la hait. Et oui, en si peu de pages, il y a tout ça chez Lena. J'aurais aimé en voir plus, la voir dans différents états, face à toutes les situations qui façonnent ce personnage singulier. Elle est pleine de potentiel.
Parmi les intrigues qui gravitent autour d'elle, j'avoue avoir été un peu perdue dans les luttes de pouvoirs politiques entre seigneurs médiévaux. Oui, je suis un peu nulle pour ça. Par contre, la rivalité entre les deux frères est très troublante et soigneusement orchestrée. Froide et implacable, elle m'a parfois laissé un peu sur ma faim tant les dégâts que pouvaient faire Geoffroi, le frère du baron, me paraissait immenses. Mais surtout, j'ai trouvée Clémence absolument bouleversante. Cette femme qui sait qu'elle ne sert qu'à enfanter et qui n'y arrive pas, et qui se montre d'une loyauté remarquable envers la ventrière (oui, j'ai appris ce mot) qui la soutient alors qu'il serait si facile de se retourner contre elle comme tout le monde, m'a beaucoup émue. Un petit éclair de sororité dans un monde médiéval machiste desespérant.
La note de Mélu:
Une novella très réussie!
Un mot sur l'autrice: Valérie Brun est historienne de formation et a signé déjà plusieurs romans et recueils de nouvelles.