66.1% !!! C'est le taux phénoménal de l'abstention aux élections régionales. A en croire les instituts de sondage, les électeurs qui se sont déplacés sont plutôt âgés, aisés et avec un niveau culturel plus élevé que la moyenne. Ainsi, la droite aurait été privilégiée, puisqu'il s'agit de son coeur électoral, et le FN et la FI seraient ceux qui auraient le plus pâti de cette grève des urnes. D'ailleurs dès dimanche soir les caciques du FN se relayaient sur tous les plateaux pour dire que leurs électeurs s'étaient abstenus et qu'il fallait mobiliser pour le second tour.
Mais si ce que disent les instituts de sondage est vrai, comment expliquer alors l'autre claque, celle reçue par la majorité présidentielle, alors même que le profil sociologique des prétendus électeurs aurait dû lui profiter aussi ? Plutôt que de croire les pseudo enquêtes faites par ceux-là même qui n'ont pas vu l'importance de l'abstention et qui ont surestimé le score du FN de presque 10 points (une paille !), le mieux est d'aller voir ce qui disent réellement les chiffres.
Prenons la population dite aisée. A Paris, dans le très cossu 16 ème arrondissement on déplore un taux d'abstention de 65.94 %, soit peu ou prou la moyenne nationale. Et s'il ne fut "que de 61.96 %" à Neuilly sur Seine", il était de 64.75 % à Boulogne Billancourt et de 68,73 % (donc au-dessus de la moyenne nationale) à Saint-Mandé, ville riche et vieillissante s'il en est. Sortons de l'Ile de France et allons à Croix dans le Nord, ville qui détenait le record de France de personnes assujetties à l'ISF (au temps béni où celui-ci existait) : 69, 16 % d'abstention ! Dans les Alpes-Maritimes, département riche et à la population retraitée importante, le taux d'abstention est de 65, 57 %, dans la moyenne donc. Bref, que les riches et les personnes âgées se soient plus déplacés, ce n'est pas si évident, quant aux personnes diplômées, il suffit de voir la participation à "boboland", c'est à dire les 10ème et 11ème arrondissements parisiens, pour comprendre que ce n'est pas si flagrant que cela (64.90 % et 63.58 %), un peu au-dessus de la moyenne, c'est tout.
Et l'électorat FN dans tout cela, qu'en est-il ? Pour le savoir, il suffit d'aller voir dans ses bastions, les villes qu'il dirige. A Perpignan, l'abstention est très haute à 71.66 %, de même à Villers-Cotterets (72.09 %), Cogolin (70.80 %), ou Béziers (72,70) et surtout Hayange (78.07 %), légèrement au dessus de la moyenne à Fréjus (67.41%), au Luc (67.10), à Orange (68.22 %), Beaucaire (67.26 %) ou au Pontet (68.01) mais à Hénin-Beaumont, ville symbole pour le FN, on est bien en-dessous de la moyenne (62.24 %), comme à Moissac (61.44 %), et dans la moyenne à Bruay la Bussière (65.89 %), ou Camaret sur Aigues (65.51 %).
Bref, globalement, on est un peu au-delà de la moyenne nationale là ou le FN est fort, mais ce n'est pas non plus rédhibitoire, surtout si l'on compare à d'autres villes comme Roubaix (83.94 %), Tourcoing (80.54 %), Bobigny (82.38 %), Stains (81.75 %), Grigny (81.52 %), Vaulx en Velin (88.34 %). Toutes ces villes, comme beaucoup d'autres, ont toutes les mêmes particularités : ce sont toutes des villes populaires de banlieue avec une population souvent jeune, très pauvre, d'origine immigrée, et en situation de forte précarité, elles ont toutes voté très fortement pour Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle (la plupart du temps autour de 40 %, à l'exception de Tourcoing), et elles ont toutes donné un score très faible à Marine Le Pen en 2017 (souvent moins de 15 %).
Bref, s'il est possible que l'abstention ait joué au détriment du FN lors des municipales, c'est probablement un peu marginal. Ce qui est plus évident en revanche, c'est que c'est l'électorat jeune, des milieux populaires, issu de l'immigration, proche de la FI, qui c'est le plus abstenu. Pas vraiment le profil des électeurs du FN. On en aura la confirmation dimanche prochain où le plus probable est qu'il n'y ait pas de sursaut de la participation, de celle des électeurs du FN comme des autres partis..