Mon changement de boulot il y a quelques mois a été plutôt radical question coolitude. Je suis passée de 7h assise pépère derrière un ordi à vendre du papier à minimum 9h/j dans le bruit et l'agitation d'un hypermarché ! Le rayon dont je suis responsable a beau être un petit monde un peu à part, être "pharmacienne manager commercial parapharmacie" n'est pas de tout repos (je passe notamment beaucoup de temps à indiquer à une clientèle en détresse où se trouve le PQ, "Ah m'sieur dame vous y étiez presque, c'est juste dans la travée d'à côté", smile !).
Je tenais donc à utiliser mes derniers jours de RTT disponibles pour un programme zen. Et j'ai choisi pour cela de faire un stage avec mon homme dans un camping insolite, l'éco-site "L'oasis Bellecombe" en Drôme Provençale. Un lieu hors du commun qui fleure bon le bien-être, la bienveillance et le bon sens, si si, ça existe !...
L'Oasis Bellecombe a été créé de toutes pièces par Michel Marchand et Corine Tournier. Le concept de ce camping est carrément décalé. Rien à voir avec les lieux de villégiature où trois brins d'herbes se disputent la place avec des dizaines de bungalows alignés en rang d'oignons (aargh !). Et encore moins avec les grands complexes qui sortent l'artillerie lourde avec animation sosie de Johnny (allumeeeeeeeeeeeez le feuuuu), élection de Miss T-shirt mouillé et piscine multi-toboggans. Ce site est en lien avec des valeurs chères au coeur du couple : l'habitat alternatif et accessible à tous, etl'écologie.
"Depuis quelques années, nous recherchions un lieu pour vivre dans l’esprit des « Oasis en tous lieux » créées par Pierre Rabhi". Michel et Corine proposent donc "la possibilité pour l'être humain de vivre en autonomie, et en harmonie avec la nature", en accueillant leurs hôtes "le temps d’une nuit ou d’un séjour plus long, dans des hébergements insolites de type yourtes, tipi, roulotte, cabane dans les arbres ou [leur] tente".
Et concrètement, ça donne quoi ?
Tout d'abord la partie écolo :
A l'origine était le bio. Oui du bio, que du bio, rien que du bio. Vade retro satanas pesticides, hormones, bouillies chimiques et tutti quanti ! Car ce qu'on mange et boit sera chié et pissé, ce qu'on utilise pour se laver sera rincé ou craché, et tout cela retournera à un moment ou l'autre dans la nature. Donc la consigne est claire et sans alternative possible : que du bio.
Et là, c'est le drâââme... comme dirait un autre Michel de mes amis qui se reconnaitra du fin fond de son Alsace natale. Dans mon hyper, 3,49€ (!!!) le lot de 4 malheureuses pommes bio sous blister (c'est écolo çà le suremballage ?), et tout le reste dans le même esprit (je suis encore en état de choc et amnésie réactionnelle au prix de la minuscule bouteille d'huile végétale basique pour assaisonner). Mon rayon parapharmacie avait par contre la bonne idée de faire des promos sur certains cosmétiques bio, ouf ! En fait, rien ne vaut sans doute la rencontre avec les petits producteurs sur les marchés locaux ou en direct pour obtenir des tarifs raisonnables. Mais bon, Pan et Déméter (Wikipédia est ton ami au cas où...) me pardonneront de ne pas l'avoir fait.
L'eau usée (= l'eau "grise") est récupérée pour être traitée naturellement.
Elle passe dans plusieurs bassins munis de filtres, peu profonds et complètement étanches, où elle est purifiée grâce à des bactéries aérobies présentent dans les racines de plantes bien choisies. Les bactéries transforment ce qui fâche en matière assimilable par les plantes. La plante offre aux bactéries de l'oxygène en échange. c'est la Phyto-épuration. En fait, l'être humain n'a rien inventé avec le troc, et il ferait sans doute bien de revenir parfois à ce système gagnant-gagnant.
Elle passe ensuite dans des petites vasques en escalier pour la ventiler et enfin coule dans une mare. J'ai vu de mes yeux un des chats boire cette eau assainie sans tomber raide, donc tout va bien ! Et les jolis nénuphars pètent la forme.
Michel et Corine ont à disposition de l'eau potable gratuitement grace à une source dans le jardin et à ce système d'épuration. Mais comme ils doivent se soumettre à des contrôles sanitaires obligatoires, le coût de ceux-ci revient au même que s'ils payaient l'eau du réseau officiel !
Les toilettes sèches remplacent les toilettes à chasse d'eau. "La petite cacabane dans la prairie", comme le couple l'a nommée. Pour lui, le fait que l'homme soit le seul animal qui chie dans l'eau qu'il boit (ce sont ses propres mots) est une hérésie. Ici, pas de consommation d'eau donc, et pas de traitement coûteux des eaux usées. Surprenant, aucune odeur même après la grosse commission. Et tout est très propre, les messieurs sont priés de s'assoir pour viser juste !
L'eau est remplacée par de la sciure à mettre sur tout ce qui est largué dans le bac de récupération sous le siège. Grosse ou petite louche de sciure, ça dépend de la taille du cadeau ! Cela permet d'absorber les liquides et d'éviter les odeurs gênantes. Une petite balayette permet de chasser la sciure qui aurait atterri en dehors du trou. Le papier toilette est spécifique et peut être jeté dans les toilettes car ses feuilles n'ont pas été blanchies avec des produits polluants.
Le compost recycle le contenu de la poubelle des déchets organiques (d'où l'importance du tri, qui se fait avec pas moins de 4 poubelles ici) et du bac de récupération des toilettes sèches.
De la paille est placée sur le dessus du tas, et c'est la phase de dégradation (merci là encore les micro-organismes). Attention, il fait chaud là-dessous, jusqu'à 60°C ! Puis les micros se calment pour laisser bosser les macro-organismes qui s'attaquent aux parties plus dures. Et c'est la phase de maturation, pour obtenir au final une terre végétale marron très proche de l'humus
Comme bien sûr Michel et Corine ne peuvent pas demander à chaque hôte de fournir une analyse de sang ni d'urine/fécès récente de tout ce qu'il a ingurgité avant de venir (médicaments, nourriture non bio, etc.), ce compost là n'est utilisé que pour les arbres et les plantes à fleurs. Jamais pour le potager.
Ensuite l'habitat insolite :
Dans une première vie, Michel était architecte et dessinait des lotissements pour diverses sociétés de construction. Mais au bout de plus de 10 ans, il s'est aperçu que ce métier ne correspondait plus à ses attentes : artisans mal payés et du coup peu motivés, matériaux non satisfaisants, etc.
Chauffeur de Pierre Rabhi qu'il conduisait pour ses conférences, Michel prend conscience qu'il existe une autre façon de concevoir l'habitat : l'éco-construction. Ras le bol aussi de dessiner des cubes (marre de se faire "encuber" comme il dit !), il se découvre une passion pour les yourtes, qui sont rondes. Et dans la foulée se met à rêver que chacun puisse concevoir son habitation comme il l'entend. Pourquoi ne pas par exemple construire un petit bâtiment en toile avec juste le nécessaire, puis ajouter une roulotte pour chaque enfant (roulotte que l'enfant devenu adulte emportera avec lui pour fonder sa propre famille). Ce serait moins cher en plus à entretenir qu'une maison qui n'évolue pas en fonction du nombre d'habitants.
Ici en Drôme Provençale, il a eu un mal fou à faire accepter sa toute première yourte. Elle n'était pas raccord avec le look de la région. Mais qui cela gène-t-il, perdue ainsi au milieu de son coin de nature. Et c'est certainement plus esthétique que les supermarchés du coin ! Pour qu'elle soit pleinement acceptée, il imagine qu'il aurait dû la rebaptiser "hutte gauloise" au lieu de yourte, histoire de titiller dans le bon sens le poil psychorigide de l'administration française !
Chaque habitat insolite installé sur l'écosite est vraiment bien foutu. Ce n'est pas du bricolage à la papa comme on aurait pu l'imaginer en découvrant la "cuisine d'été" (les fameuses pinces de toutes tailles qu'utilise Michel pour accrocher tout et n'importe quoi, je m'en gondole encore de rire).
Vu son poids et son volume, la cabane perchée n'est pas soutenue par les branches d'un arbre. Mais comme elle est placée assez haut sur pilotis, c'est l'impression qu'elle donne. Elle a des toilettes sèches intégrées, le grand luxe ! Fan de lutins et de fées vous y êtes les bienvenus, il suffit de regarder le décorum !
Lors de la visite organisée par Michel, nous ne sommes pas entrés dans le tipi ni dans la roulotte histoire de ne pas déranger les occupants. Ils ont le droit à leur grass' mat' ! Mais j'ai furtivement zieuté par la fenêtre de la roulotte en douce plus tard (il n'y avait personne !) : un matelas double sur toute la largeur et deux meubles, vraiment mignon.
L'intérieur de la grande yourte est éblouissant : richement meublé, explosion de couleurs, et très nombreux accessoires (bol sonore de méditation, etc.) et un écran plasma (... naaaan, Michel rigole quand il nomme le poêle à bois comme celà).
Nous, nous avons dormi dans la mini-yourte, très riquiqui. Juste la place de mettre un matelas double, ça relativise pas mal la société de surconsommation. Ici rien que le strict nécessaire ! Il est possible aussi d'apporter sa propre tente (mais c'est moins drôle).
Et enfin, tout le reste... :
Le "tout le reste" est soit une réalité, soit une avalanche de projets.
« Le chaudron de Dame Corine », c'est la table d'hôte que gère Corine sur place. "Dans ce "chaudron magique " ;-), sont mijotés des plats à base de produits bio (90%), de saison et locaux pour être solidaire avec les agriculteurs Drômois, avec le marché de la Motte Chalancon et Rémuzat, et par la vente directe ou achats groupés." A la demande, possibilité de plats végétariens, sans lactose, et j’utilise de la farine de petit épeautre (17% de gluten)". Corine n'est pas très pointilleuse côté recettes, elle mélange les ingrédients selon son inspiration du moment. Et c'est plutôt bien réussi.
Nous sommes passés des dizaines de fois devant le panneau "baignade interdite" à l'entrée du petit lac pour la baignade, en le trouvant incongru puisqu'elle est autorisée. Les lettres dissimulées volontairement sur le panneau transforment complètement le message, héhé. Qui de notre cerveau (qui extrapole ce qu'il voit et le transforme) ou de Michel (grand adepte du calembour devant l'éternel) est le plus farceur ? Face à ce lac Michel imagine de construire un amphithéâtre végétal qui donnerait vers une scène flottante. Et pourquoi pas une grande tyrolienne !
Le site est jalonné de statues diverses, c'est sympa.
Notre stage (dont je te parlerai une autre fois, sois patient ami lecteur, zeeeeeen keep cool ça viendra) s'est déroulé dans une très grande yourte de 50m2 dédiée aux animations. Pour la fête de la musique, elle accueillera carrément un piano à queue pour un concert.
Le bloc sanitaire sera augmenté (une seule douche c'est peu, mais on n'est pas là pour gacher de l'eau donc aucune raison de rester trois plombes !) et la cuisine d'été mise à disposition des hôtes sera refaite (pour le moment elle a le mérite d'exister et on peut y stocker les denrées perso et utiliser le matos à disposition, mais elle n'est pas très sexy). Mais franchement on y a survécu, et ça a son charme.
Pour plus de détails sur l'historique, les réalisations et l'avenir c'est ici (je ne pourrai pas mieux l'écrire que ce qui est déjà exposé sur le site Michel et Corine).
Qui aime ce camping surprenant avec son concept écolo/insolite y aille. Qui veut offrir un séjour là-bas achète une box cadeau (chez Naturabox, Smartbox, Wonderbox ou Dakotabox). Qui veut simplement une visite guidée peut le demander à Michel il en organise souvent. Et voilà, y'a plus qu'à, nous on a adoré.
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Bonus n°1
Voici le film préféré de Michel, il l'a vu plus de 40 fois ! Un film comique-humaniste assez particulier. Il faut oublier le style superproduction hollywoodienne ou aventure hyper-réaliste ou je ne sais quoi de connu, ce film est une sorte d'ovni. Bref, il faut laisser de côté les attendus cinématographiques et se laisser porter par le message.
"La belle verte", film réalisé par son amie Coline Serreau. Avec pas mal d'acteurs bien connus.
Bonus n°2
Un extrait du livre d'or de l'écosite, Michel s'est fait caricaturé :