Trop de speed, trop de bruit, trop de râleries/revendications/insatisfactions chroniques autour de soi, et trop de trucs notés sur la "to do" liste. Bref trop de tout ! Mais pas forcément la disponibilité (ni le pognon) pour partir s'affaler mollement sur une plage déserte paradisiaque du bout du monde en mode encéphalogramme plat.
De temps en temps, ça peut faire du bien de s'isoler dans sa bulle. Et il existe un plan B plus accessible qu'un séjour sur l'Anse Coco Beach de l'île de La Digue, ou sur l'Agonda Beach à Goa : une séance de flottaison dans un cocon à Grenoble. J'ai donc testé le centre de flottaison "Silence"..
La société Silence qui exploite ce centre de flottaison a été fondée en 2017 par trois hockeyeurs sur glace du club local des "Brûleurs de Loups". Comme quoi, porter un accoutrement de cyber-cosmonaute du futur prêt à en découdre avec une crosse n'est pas incompatible avec l'idée de chiller cool un brin en dehors de la patinoire ! En fait, en y réfléchissant bien, rien ne vaut une bonne séance de zénitude pour anticiper ou évacuer le stress d'un match.
Ici, on s'enferme dans un caisson qui contient de l'eau et du sel et le but est de sortir de là re-la-xé après avoir flotté pendant 1 heure en silence. J'ai bien dit relaxé, pas cuit ! Comme le corps humain n'a rien à voir avec une tagliatelle ou un macaroni (ça se saurait), l'eau n'est jamais portée à ébullition (même cuit simplement al dente ça ferait désordre) mais maintenue à 35°. Et le sel n'a rien à voir avec le gros sel de cuisine, c'est du sulfate de magnésium appelé aussi sel d'Epsom. 25cm d'eau saturée à 75% de sel d'Epsom, c'est carrément très dense, 3 à 4 fois plus que l'eau de la mer morte.
Le concept existe depuis les années 50 aux USA. Puis un peu oublié ensuite, il a tenté une nouvelle percée sans beaucoup de succès dans les années 80. Actuellement, seuls quelques centres en France exploitent cette méthode de relaxation. Mais cela ne demande qu'à se développer, et c'est justement le pari que se sont lancés les 3 associés. Celui de Grenoble que j'ai testé peut accueillir jusqu'à 18 personnes dans la journée, il tourne en moyenne à 70% de remplissage et compte déjà pas mal d'abonnés.
Comment se déroule une séance ?... Suivez-moi :
Avant tout, il est nécessaire de faire un tour aux WC afin que ni dame vessie ni mister colon ne se rappellent à notre bon souvenir. Ensuite, chaque participant entre dans sa cabine individuelle, avec douche, produits d'hygiène, serviette de toilette, galette à placer sous la tête pendant la flottaison si on le veut, et le fameux (et encore bien mystérieux à ce stade de l'expérience) caisson de flottaison.
Histoire de ne pas encrasser le filtre du caisson, faire une douche au savon neutre est obligatoire avant d'attaquer la séance. Puis il faut s'insérer les bouchons d'oreilles en cire dans les conduits auditifs, et se tartiner d'éventuelles petites éraflures cutanées avec de la vaseline pour les protéger du sel.
Dans le caisson, un interrupteur permet de jouer avec la lumière (fixe ou couleurs changeantes) ou de l'éteindre complètement. Et un bouton d'urgence permet d'appeler en cas de besoin. A disposition également à portée de main, un spray d'eau douce pour se rincer les yeux s'il nous venait l'idée très saugrenue (et kamikaze) de les frotter pendant la séance.
Le caisson est un véritable cocon. Une fois être entré dedans et après avoir refermé le couvercle (faire l'inverse ça ne marche pas m'enfin !), on s'allonge sur l'eau, sur le dos bien sûr. L'expérience est plus cool en tenue d'Adam et Eve (le maillot de bain, c'est bon que pour les photos !) et dans le noir. Pendant 1/4 d'heure, une musique zen est diffusée. C'est un temps nécessaire pour apprivoiser ce nouvel environnement et rechercher la position idéale la plus confortable. Il faut apprendre àrelâcher la nuque tête légèrement en arrière, et àlâcher prise pour faire confiance à la force qui nous maintient à fleur d'eau. Puis c'est le silence...
Pour indiquer la fin de la séance, la musique revient pour quelques minutes. Un temps trop court pour revenir dans le monde réel, ce sera le seul bémol à mes yeux de cette super expérience.
Comment avons-nous vécu notre flottaison ? Mon mari et moi avons eu deux manières complètement différentes de vivre l'expérience (débriefing autour d'un thé offert en fin de séance) :
Perso, j'ai passé beaucoup de temps à m'amuser. Me laisser flotter sans bouger ou au contraire déplacer pieds et/ou mains (mini-plouf, mini-plaf, mini-clap-clap) ou jambes et/ou bras (en croix, en compas, etc.). Faire une micro impulsion sur un bord et me laisser glisser douuuuucement jusqu'à toucher l'autre bord. Passer ma main sur ma peau et sentir que ça glisse comme de l'huile. Me rendre compte qu'à aucun moment je n'ai la sensation de froid. Chercher la limite de vitesse (très basse en fait) à ne pas dépasser en faisant un mouvement sous peine de tanguer grave. Et, dois-je l'avouer, tenter en douce des petits prouts qui font des bulles (rhoooo, ben quoi, c'est rigolo). Bref, une vraie gamine qui découvre un nouveau terrain de jeu, hé hé.
Mon mari a comme moi, dans un premier temps, testé l'élasticité naturelle du corps avec cette sensation étrange qu'il reprend sa position d'équilibre sitôt qu'on le laisse agir à sa guise. En clair : sur un matelas, si tu bouges pour te placer dans une nouvelle position, tu y restes sauf si du fait de ta propre volonté tu souhaites la modifier. Alors qu'en "apesanteur" sur de l'eau saturée de sel, tu te repositionnes en position d'équilibre à l'insu de ton plein ! Dingue non ?! Il a également ressenti cette sensation de chaos total suite à un mouvement un peu brusque que j'avais moi-même ressentie.
Mais habitué à la pratique de la méditation, il a su aussi se concentrer sur des sensations ultra fines au niveau corps, du genre de celles que l'on zappe complètement si on n'y fait pas gaffe. Ressentir la limite eau/air avec les micro-vaguelettes. Ecouter les bruits internes de son corps, tels que ceux que font le sang qui circule, le coeur qui bat, la langue qui frotte sur les aspérités du palais et le long des dents, et le ventre qui travaille. Il a écouté la "vibration du silence" (ce sont ses propres mots) : le silence absolu n'existe pas même dans un environnement insonorisé. Et en parallèle la flottaison lui a permis aussi de relâcher tous les muscles. C'est un état impossible à obtenir simplement allongé sur un matelas car il y a toujours un muscle étiré ne serait-ce que par le poids du corps. Il est sorti de son cocon avec le dos bien reposé et décontracté, lombaires bien détendues. Et l'esprit apaisé. Avec tout ça, et c'était tout de même un poil le but de la manip', il a vraiment ressenti le coté zen du truc.
Maintenant qu'il m'a raconté tout cela, je n'ai qu'une envie c'est de recommencer en étant un peu plus disciplinée et à l'écoute de mon corps ! (... Et surtout, bien penser la prochaine fois à se doucher immédiatement en fin de séance pour éviter la croute de sel qui cartonne les cheveux et la peau ! Ce dommage collatéral n'arrive jamais quand on suit la consigne !)
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Bonus
Insolite ! A l'autre bout du monde en 2017, le record du monde de personnes qui flottent en simultané a été battu avec un nombre de 1941 flotteurs ! Pour lire le reportage (très court) et voir la vidéo, c'est ici = vidéo CNEWS 31 janvier 2017 Argentine