Sur certains plans (réglementaires, notamment), l'Union Européenne ressemble à un ensemble cohérent, mais sur d'autres (dont le domaine bancaire), son morcellement en vingt-sept états reste inébranlable. Heureusement, quelques trublions sont déterminés à abattre les frontières persistantes, à l'instar, dorénavant, de Mifundo sur le crédit.
Il y a bien longtemps, Raisin (qui se nommait alors SavingGlobal) élaborait sa plate-forme transeuropéenne d'épargne en partant des mêmes prémices. Huit ans plus tard, son positionnement est toujours (quasiment ?) unique et personne ne semble avoir, jusqu'à maintenant, tenté de le répliquer sur l'autre catégorie phare de produits financiers qu'est le crédit. Les autorités politiques montrent pourtant leur intérêt, puisque le projet de Mifundo a déjà bénéficié de deux subventions, à hauteur de plus de 730 000 euros.
La solution que développe la startup estonienne, qui vient en outre de lever 1,2 millions d'euros, est fondamentalement un comparateur classique : le candidat à l'emprunt fournit les caractéristiques de l'opération qu'il envisage et obtient alors une liste d'offres adaptées, parmi lesquelles il n'a plus qu'à choisir celle qui lui convient, parce qu'elle offre un taux d'intérêt plus attractif ou parce que ses autres conditions sont plus intéressantes. La particularité avec Mifundo est que les propositions proviendront de toute l'Europe.
Alors que, aujourd'hui, le consommateur qui recherche un financement est obligatoirement enfermé dans son système bancaire local, l'objectif visé ici est de lui donner accès à un marché immense, où, en l'absence de concurrence directe entre pays, les différences de traitement sont considérables. Pour les institutions invitées à participer à la place de marché, la promesse relève également de l'ouverture, avec une possibilité de pénétrer de nouvelles régions sans aucun investissement, ou presque.
Si le principe est convaincant sur le papier, il soulève des questions cruciales sur le déséquilibre structurel existant entre les nations qui composent l'union : les écarts de taux (par exemple, sur les prêts à la consommation, la moyenne serait actuellement de 12% en Estonie contre 2% au Luxembourg) sont largement dus à des facteurs exogènes, hors du contrôle des établissements. L'introduction d'une compétition internationale « en bout de chaîne », si elle se généralisait, pourrait donc s'avérer déstabilisatrice.
Par ailleurs, un obstacle de taille devra être levé par Mifundo pour atteindre son ambition. Peu sensibles avec le crédit à la consommation qui constitue son point d'entrée, la future déclinaison du modèle sur le crédit immobilier va en effet mettre en lumière les disparités des cultures, qui risquent d'induire des réticences chez – supposons – un utilisateur français à adopter le produit familier des acheteurs espagnols ou allemands. Peut-être est-ce là qu'entre en jeu l'intelligence artificielle vantée dans la communication…
Naturellement, il faudra aussi que les banques participantes prennent en compte des critères spécifiques pour ces clients étrangers, en particulier du point de vue des exigences réglementaires ou des analyses d'éligibilité et de solvabilité. Mifundo pourra, là encore, apporter sa contribution, mais l'intégration de partenaires représentera un autre défi. En conclusion, la vision d'un marché unique du crédit est sans conteste un rêve extrêmement séduisant… mais sa concrétisation sera un chantier gigantesque.