« Attaquer la terre et le soleil », ce sont deux voix qui s’alternent et qui se font écho au fil d’un récit bouleversant et d’une puissance évocatrice incroyable.
D’une part, Séraphine Jouhaud, une femme colon venue de Marseille avec son mari, leurs trois enfants, sa sœur et son beau-frère. Des familles françaises venues peupler une colonie agricole vendue comme une terre promise par l’État, mais qui n’est finalement qu’un lopin de terre peu fertile, entouré de palissades qui les préservent d’une population hostile.
D’autre part, un soldat anonyme suivant aveuglement les ordres d’un capitaine sanguinaire venu apporter une prétendue « civilisation » aux autochtones, en imposant sa vision de la « pacification » à coups de baïonnettes, massacrant, pillant, violant et brûlant village après village.
Mathieu Belezi raconte la désillusion coloniale en étalant d’une part la cruauté des soldats et de l’autre la peur et la souffrance des colons. La famine, le manque d’hygiène, les ravages du choléra et du paludisme, la chaleur étouffante, les conditions de logement déplorables, les récoltes infructueuses, les animaux sauvages et la crainte de se faire décapiter par les yatagans affûtés de rebelles bien décidés à repousser l’envahisseur. Une bien belle histoire coloniale… dont personne ne ressort vainqueur.
Après avoir lu ce roman qui évoque régulièrement Dieu afin de traduire l’effroi des narrateurs, c’est à mon tour de le citer car, Mon Dieu, quelle claque cette narration ! Mathieu Belezi nous installe en effet au cœur des pensées de ses protagonistes, là où les mots ne sont pas encore dompté par la ponctuation et se retrouvent étalés sans majuscules au rythme effréné de pensées qui se bousculent à vive allure, restituant le chaos et la folie ambiante. Un roman écrit d’un souffle par un auteur qui invite le lecteur à retenir le sien, en l’immergeant dans l’absurdité et la bêtise humaine, et dont il ressort écœuré, bouleversé, en apnée, au bord du vertige et proche du KO.
Coup de cœur !
Attaquer la terre et le soleil, Mathieu Belezi, Le Tripode, 160 p., 17€
Elles/ils en parlent également : Aurélie, Guillaume, La viduité, Bruno, BigMammy, Manou, Papivore, Joëlle, Benjamin
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