Sylvain Firer-Blaess, pour son mémoire de fin d’études de l’IEP de Lyon (juin 2007), concluait son travail sur Wikipedia : le refus du pouvoir Fondements idéologiques, structures d’organisation, analyse du discours dans le projet d’encyclopédie libre et collaborative sur les enjeux d’accumulation du pouvoir :
Pour conclure, je terminerai cette partie sur le problème de l’accumulation du pouvoir. Nous avons vu que le fonctionnement de wikipédia marchait quasiment sans hiérarchie, néanmoins des hiérarchies informelles pourraient se créer, en fonction, d’abord, des postes spéciaux – police ou magistrature- qui donnent plus de pouvoir, mais aussi plus généralement en fonction du nombre de temps passé, du nombre de modifications faites, de leurs qualité, bref de la prestance gagné par les wikipédiens, et qui pourraient ainsi reconcentrer le pouvoir à leur avantage. Selon Robert Michels, toute organisation a tendance à sécreter une élite oligarchique. C’est ce qu’il a appelé la loi d’airain de l’oligarchie, pour souligner son côté universel.
Si la wikipédia ne peut éviter des différentiels de pouvoir entre, par exemple, des wikipédiens plus anciens et des nouveaux, un mécanisme me fait penser qu’elle évite peut être cette loi d’airain. Larry Sanger décrivait, lors des « invasions barbares », les départs déchirants de vieux wikipédiens qui expliquaient qu’ils partaient parce que les nouveaux venus ne les respectaient pas assez. Il semble en fait que ces départs n’aient jamais cessé, et que régulièrement, des vagues de vieux wikipédiens claquent la porte, fâchés. Ils disent souvent qu’ils sont fatigués, que les conflits successifs les ennuient et qu’ils en ont assez de voir leurs éditions ou leurs jugements remis en cause par de jeunes wikipédiens. La société wikipédienne semble consciente de ce phénomène, souvent pour en regretter les départs, mais n’a surement pas vu l’une de ses conséquences. Ces « départs de vieux » en effet, éviterait à mon avis (mais ceci reste à creuser) qu’une oligarchie basée sur la longévité, le nombre d’éditions, les pouvoirs ne se forme. On pourrait dire alors que les tentatives oligarchiques s’usent par l’égalitarisme ambiant de la Wikipédia, et qu’une forte concentration du pouvoir se redissout d’elle même par le départ de ceux qui en ont accaparé une partie. La formation d’une oligarchie bute ainsi contre le manque de « respect » des nouveaux venus face aux ainés. Ce « turn-over » régulier va ainsi empêcher la cristallisation du pouvoir dans une oligarchie. On ne peut qu’apprécier.
Peut-on faire un parallèle avec certains blogs personnels, qui se sont retrouvés, consciemment ou non, élites d’un nouveau média ?
Plus d’infos sur le travail de Sylvain ici.