De prime abord, le raisonnement du membre historique de la mafia PayPal (qui revient ainsi vers ses passions de jeunesse) peut paraître prometteur. En développant les capacités multimédia du réseau social, notamment sur les contenus vidéo, le premier pas consisterait à mettre en place un modèle payant, à la consultation, à l'intention des créateurs. Les fonds collectés seraient accumulés dans un compte interne et pourraient ensuite être utilisés pour des échanges, commerciaux ou non, entre participants.
L'étape suivante constituerait alors un prolongement logique de ces fondations, dans une vision présumée rendre le service le plus utile et le plus transparent possible à ses adeptes. Concrètement, plutôt que de contraindre les intéressés à effectuer un virement vers un établissement externe lorsqu'ils souhaitent disposer de leur argent en dehors de la plate-forme, la future banque Twitter fournirait en propre l'ensemble des fonctions nécessaires : capacités d'épargne, carte de débit, chéquier (!)…
Parce que, malgré tout, Elon Musk est conscient que les micro-transactions sur les contenus risquent de ne pas suffire à enclencher l'effet boule de neige requis pour une adoption généralisée, il propose aussi, sans grande imagination, quelques mécanismes de gratification susceptibles d'accélérer le mouvement, qu'il s'agisse d'alimenter de 10 dollars le porte-monnaie virtuel à la souscription ou, dans la seconde phase, d'offrir une rémunération particulièrement attractive sur les économies qui y sont déposées.
Au-delà de faire rêver les admirateurs inconditionnels du personnage, l'histoire nous enseigne que l'approche de l'homme le plus riche de la planète est très probablement vouée à un échec retentissant (et rapide). En effet, toutes les composantes que je viens d'énumérer ont déjà été expérimentées par le passé, généralement par des acteurs déterminés et prêts à y engager des ressources considérables, et n'ont jamais abouti aux résultats escomptés, jusqu'à être abandonnées plus ou moins définitivement.
Rien dans tout le concept ne mérite d'être retenu. L'achat unitaire d'accès à des contenus exclusifs ne parvient pas à séduire les consommateurs (y compris dans les médias traditionnels). Le principe d'un instrument de paiement intégré au réseau social ne fonctionne pas (n'est-ce-pas Facebook ?)… La transition d'un porte-monnaie électronique à une solution bancaire complète, encore moins. Enfin, si la distribution de cadeaux attire certes le chaland, elle coûte cher et ne le transforme que rarement en client fidèle.
Mais, outre ces arguments basés sur l'observation, Twitter souffre d'une carence certainement rédhibitoire pour toute tentative d'invasion du secteur financier : l'absence de confiance de ses utilisateurs, qui est en train de s'aggraver dans des proportions inédites sous le règne d'Elon Musk. Qui serait prêt à laisser une partie de son argent auprès d'une entreprise sans expérience en la matière, incapable de réguler les excès de certains de ses utilisateurs et maintenant pilotée par un dirigeant fantasque ?