Annie Ernaux tient à retrouver sa mémoire, la mémoire de cette fille qu’elle a été, notamment après cette fameuse nuit de 1958 alors qu’elle vivait sa première colonie de vacances en tant qu’animatrice, qu’elle sortait du patelin d’Yvetot, de la surveillance de sa mère et des surveillantes du couvent de son collège privé catholique. Cet été, cette nuit, elle a connu l'acte, celui qui marque une mémoire de fille. L'acte d'une façon inattendue, surprenante, non appelé. L'acte qui en 1958 n'avait pas de mot pour être nommé.
Elle parle d’elle en écrivant « elle », elle ne peut en parler autrement de cette jeune fille qu’elle a elle-même été. C’est l’effort de la mémoire et de l’écriture que réclame cette envie de désenfouir cet épisode de sa vie. Il y eu bien un journal intime qu’elle tint alors, mais il fut détruit par sa mère. Ré écrire des décennies plus tard n’est pas écrire. Elle doit replonger dans les souvenirs, dans sa mémoire, jusqu'à trouver les mots pour atteindre un degré de certitude, de fiabilité.
Extrait :"J'ai retrouvé dans mes papiers une sorte de note d'intention :
Explorer le gouffre entre l'effarante réalité de ce qui arrive, au moment où ça arrive et l'étrange irréalité que revêt, des années après, ce qui est arrivé."