De la fenêtre de son bureau elle voit un chêne dans un champ ; derrière, pousse une haie. Et le ciel. Lorsqu’on lui a offert un téléphone portable, elle s’est mise à faire des photos de ce chêne encadré par la fenêtre. C’est son chêne. Elle écrit « mon chêne », mais il ne lui appartient pas. Un arbre est un pilier du temps et le temps n’appartient à personne, elle l’écrit et le répète. Quand elle écrit « mon chêne », c’est une forme d’affection, amitié ou amour, comment dire ? Elle le guette, veille sur lui, y apprend à lire l’heure par son ombre, les saisons et même les aléas du ciel par les mouvements des nuages, les passages des oiseaux, la surprise d’un chevreuil. Et chaque jour, une photo, des couleurs différentes, des feuilles agitées ou des branches défeuillées. Et chaque jour attendre, en scrutant l’orient, des nouvelles de l’horizon, les gouttes d’une pluie sur la vitre, la lumière, et, la nuit, elle le sait présent. Elle pense que, sauf accident ou cupidité, il lui survivra. Et ça lui suffit. Ce chêne est toujours le même et jamais le même, pas simple décor, mais organisant les sens, à commencer par la vue. Un signe, un repère, oui.