Après de multiples études ayant documenté les dangers de l'exposition à certains des composés chimiques des plastiques, dont le bisphénol A et les phtalates, une première étude établit un nouveau lien entre l'exposition prénatale aux phtalates et la réduction de la fonction pulmonaire chez l'enfant. Une seconde étude établit une association entre l'exposition prénatale à un autre perturbateur endocrinien du groupe des phénols, la benzophénone-3 (BP3) et un indice de masse corporelle (IMC) et une pression artérielle plus élevés à la préadolescence.
Ces travaux, présentés dans les revues Environmental Pollution et Environment International confirment les fenêtres d’exposition et de développement critiques, appelant une nouvelle fois les autorités sanitaires à durcir les restrictions d’usage de ces perturbateurs, en particulier dans les produits d’hygiène et de soin.
Les phtalates sont des composés chimiques largement utilisés comme plastifiants, ainsi que dans les laques et les vernis. On les trouve dans de très nombreux produits de consommation, des jouets aux conditionnements alimentaires, dans certains détergents, cosmétiques, etc… Ces substances finissent par se diffuser dans l’environnement, devenant omniprésents, même en cas de démarche d’évitement. L’exposition aux phtalates commence in utero, et il a été démontré que la substance est capable de traverser la barrière placentaire. Enfin, ces perturbateurs endocriniens ont été largement associés à un très large spectre de troubles du développement et de la reproduction.
La benzophénone-3 (BP3) est un perturbateur endocrinien moins connu mais cependant largement utilisée dans les cosmétiques et les écrans solaires en raison de sa capacité de filtre contre la lumière UV.
Durcir les règlementations s'impose
La première étude menée par cette équipe de l’Institut de Barcelone pour la Santé Globale (ISGlobal) décrypte comment l'exposition aux phtalates dans l'utérus est associée à une fonction pulmonaire réduite pendant l'enfance. Alors que de précédentes recherches avaient mis en évidence un risque accru d’asthme, avec l’exposition prénatale aux phtalates, la nouvelle étude apporte les preuves de son association possible avec la fonction pulmonaire : en suivant 641 paires mère-enfant de cohortes de naissance espagnoles et le niveau d’exposition gestationnelle aux phtalates via l’analyse d'échantillons d'urine des mères pendant leur grossesse et en évaluant la fonction pulmonaire des enfants par spirométrie entre les âges de 4 et 11 ans, l’étude confirme :
- la détection de 9 métabolites (MEP, MiBP, MnBP, MCMHP, MBzP, MEHHP, MEOHP, MECPP et MEHP) des phtalates dans près de 100 % des échantillons d'urine maternels analysés ;
- à tous les stades de développement du bébé et de l’enfant, les métabolites sont associés à des diminutions de 2 paramètres clés de la fonction pulmonaire, la capacité vitale forcée (CVF), qui mesure le volume d'air maximal expiré, et le volume expiratoire forcé en 1 seconde (FEV1) , qui mesure le volume maximal expiré dans la première seconde d'expiration ;
- les associations entre certains métabolites (MiBP et MBzP) et la diminution de la fonction pulmonaire sont généralement plus statistiquement significatives à un âge plus jeune ;
- les associations retrouvées sont cohérentes avec les résultats d'études menées chez l’animal ;
- ces données d’association chez l’Homme laissent également espérer que les effets possibles de ces composés sur la fonction pulmonaire se résorbent avec le temps ;
- le métabolite MBzP apparaît un contributeur majeur et moteur de l’effet observé de réduction de la fonction pulmonaire durant l'enfance.
Alors que l’utilisation de certains phtalates est déjà interdite dans de nombreux produits de consommation dans l'Union européenne, les chercheurs soulignent que « l'ubiquité de ces substances et leurs effets connus comme perturbateurs endocriniens chez l'enfant suggèrent de durcir ces réglementations et de les élargir à d'autres phtalates et aux pays qui n’appliquent pas encore ces restrictions ».
Une deuxième étude, de la même équipe, a évalué les effets de l’exposition prénatale au BP3 et conclut qu’une telle exposition est liée à un indice de masse corporelle et à une tension artérielle plus élevés à la préadolescence. Le suivi des données de 1.015 paires mère-enfant et l’évaluation des niveaux d’exposition à 8 métabolites des phtalates et à 6 phénols révèle :
- une tension artérielle et un IMC chez l’enfant d’autant plus élevés à l'âge de 11 ans, que les niveaux d’exposition l’ont également été.
- ces associations sont observées plus systématiquement chez les préadolescents qui avaient atteint le début de la puberté.
« Avec les stades fœtal et néonatal, la puberté est considérée comme l'une des fenêtres de développement au cours desquelles les effets des perturbateurs endocriniens sont les plus susceptibles de se produire. Nos résultats mettent en lumière les effets perturbateurs possibles du BP3 pendant la puberté et soulignent à nouveau la nécessité de réglementations plus strictes sur l'utilisation de ce composé ».
Source :
- Environmental Pollution Nov, 2022 DOI: 10.1016/j.envpol.2022.119833 Gestational phthalate exposure and lung function during childhood: A prospective population-based study
- Environment International Nov, 2022 DOI : 10.1016/j.envint.2022.107527 Prenatal exposure to mixtures of phthalates and phenols and body mass index and blood pressure in Spanish preadolescents
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Équipe de rédaction SantélogNov 11, 2022Rédaction Santé log