"Artigas, le visage définitif", dit le gros titre
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José Gervasio Artigas est le Père de la patrie en Uruguay. Après le Précurseur de la Liberté, Francisco de Miranda (1750-1816), Artigas est le plus âgé des héros indépendantistes de l’Amérique du Sud. Il était né en 1764 à Montevideo. Il mourut très âgé en 1850, un mois après José de San Martín, près d’Asunción, au Paraguay, où il avait trouvé refuge, quarante ans plus tôt.
A titre de comparaison, Manuel Belgrano était né en 1770, José de San Martín et Bernardo O’Higgins en 1778 et Simón Bolívar en 1783.
La vie politique et militaire très mouvementée de José Artigas en fait un personnage à part dans le panthéon indépendantiste continental. Issu d’une famille de l’élite coloniale (point que sa légende laisse dans l’ombre), il avait commencé dans la vie comme grand patron agraire et contrebandier, une activité largement répandue dans les colonies où les règles du commerce étaient si défavorables aux producteurs coloniaux qu’ils mettaient un art consommé à les détourner. Une fois lancé le processus révolutionnaire à Buenos Aires, en mai 1810, Artigas prit d’abord le parti contre-révolutionnaire, fidèle en cela à l’esprit d’opposition à la capitale vice-royale qui régnait depuis longtemps sur la rive gauche du Río Uruguay, une opposition toujours bien vivante aujourd’hui. La Banda Oriental, le futur Uruguay, reprochait à Buenos Aires son attitude hégémonique envers les provinces de sa compétence territoriale, en particulier elle-même et le Paraguay, deux régions qui secouèrent le joug très rapidement.
Au bout de deux ans, Artigas bascula dans l’indépendantisme mais en refusant encore et toujours de se laisser dicter sa conduite politique par Buenos Aires.
Ayant servi brièvement sous les ordres de Manuel Belgrano, représentant de la politique centralisée à Buenos Aires considérée comme le seul centre de décision légitime, Artigas emprunta la voie fédéraliste dont il fut le premier leader et lança un processus d’indépendance rival de celui de la capitale, processus qui allait évoluer en une guerre civile acharnée qui ne s’achèverait à l’est du Río Uruguay qu’avec l’indépendance définitive de ce pays en 1830 et à l’ouest, donc sur le territoire argentin, avec la séparation administrative et politique entre la ville de Buenos Aires et la province homonyme, en juin 1880.
Définitivement défait par un corps expéditionnaire brésilien à Tacuárembo, dans le nord de l’actuel Uruguay, en 1820, il dut s’enfuir au Paraguay où il fut accueilli comme réfugié par le dictateur Gaspar Rodríguez de Francia (1760-1840), second chef d’État du Paraguay, qui lui imposa de s’abstenir désormais de toute activité politique. Le héros se retira donc dans un domaine agricole dont il tira sa subsistance et qu’il exploita jusqu’à son dernier jour. C’est là que furent établies les deux seules images connus prises de son vivant : un profil dessiné et un daguerréotype datant de la toute fin de sa vie qui montre un vieillard chenu, au nez busqué et au visage amaigri, qui se tient très droit.
Du côté sentimental, son existence fut aussi très mouvementée. Une liaison de dix ans avec une femme mariée dont il eu plusieurs enfants, au moins une autre maîtresse inconnue avec qui il eut aussi un enfant et enfin une épouse avec laquelle il se maria tardivement et dont il eut encore une descendance.
Le personnage n’en occupe pas moins une place monumentale dans la mythologie nationale uruguayenne. Ses restes, rapatriés dès 1855, reposent dans une urne magnifiquement ouvragée, récemment installée sous un dais d’honneur au Museo Histórico Nacional, à Montevideo. Ses statues sont partout dans le pays et un peu au-delà. Et toute cette iconographie picturale et monumentale repose sur un portrait réalisé en 1886 par la peintre Juan Manuel Blanes (1830-1901), qui s’est inspiré du croquis exécuté sur le vif au Paraguay.
Depuis, les techniques ont évolué et nous sommes aujourd’hui en mesure de réaliser des reconstitutions faciales que l’on sait être tout à fait fiables. C’est ce qui a récemment été entrepris à son sujet (le premier à avoir bénéficié de ces techniques n’est autre que Simón Bolívar, du vivant de Hugo Chávez).
Le résultat obtenu est très émouvant puisque le général apparaît sous un aspect très proche de l’iconographie traditionnelle. Ce n’était pas vraiment le cas de Bolívar dont les traits reconstitués différaient notablement de l’iconographie traditionnelle.
Le quotidien El País en faisait sa une ce matin, le seul des journaux nationaux uruguayens à s’y intéresser. Très étonnant, eu égard à l’immense stature du personnage historique !
© Denise Anne Clavilier www.barrio-de-tango.blogspot.com
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