L’élection, à l’issue de laquelle Benoît Duteurtre ou Frédéric Beigbeder pouvait succéder à Jean-Louis Dabadie au fauteuil N°19 s'est soldée par un vote blanc.
Heureusement, tout s'est déroulé pour le mieux en ce qui concerne le prix Goncourt et le Renaudot, au restaurant Douant, place Gaillon, à deux pas de l’Opéra de Paris. Quatre candidats avaient été sélectionnés pour le premier. La liste de ces finalistes avait été dévoilée le 25 octobre dernier depuis la première édition du festival Beyrouth Livres organisé par l’Institut français de la ville. L’Académie s’était déplacée ou plus exactement un partie pour des raisons plus ou moins politiques. Etaient donc en lice "Le Mage du Kremlin" de Giuliano da Empoli chez Gallimard, "Vivre vite" de Brigitte Giraud chez Flammarion, "Les Presque sœurs" de Cloé Korman au Seuil et "Une somme humaine" de Makenzy Orcel aux éditions Rivages. Le vainqueur a été proclamé selon l’habitude dans les escaliers du restaurant, c’est une lauréate, Brigitte Giraud, treizième femme à obtenir cette récompense depuis 120 ans, la 4e depuis le début du XXIe siècle après Marie NDiaye en 2009, Lydie Salvayre en 2014 et Leïla Slimani en 2016. Brigitte Giraud s'est empressée de préciser "Ce n'est pas en tant que femme que je reçois le prix, mais en tant que personne qui travaille la littérature depuis des années". Native de Sidi Bel Abbes en 1960, lyonnaise d’adoption, tour à tour libraire, traductrice, pigiste à Lyon Libération, éditrice, romancière, nouvelliste, conseillère littéraire de la Fête du livre de Bron, elle mène depuis longtemps une carrière littéraire discrète mais appréciée, une dizaine de livres, romans, essais, nouvelles, jalonnée de récompenses, Prix des étudiants en 1997, Prix Goncourt de la nouvelle en 2007 et Prix du jury Jean-Giono en 2009 notamment.
Sa victoire n’a cependant pas été de tout repos, ce n’est qu’au 14e tour qu’elle l’a emporté devant son concurrent Giuliano da Empoli. Il a fallu que le président Didier Decoin fasse jouer sa double voix pour en finir avec ce 5 contre 5. "Je défendais depuis le début le roman de Brigitte Giraud et nous avons eu des discussions vives. Le roman d’Empoli est un excellent roman également, plus immédiat et actuel, mais moins romanesque, moins fascinant", a-t-il déclaré. Et de poursuivre "Ce livre a une importance formidable car sous l'apparence d'une histoire d'amour, tragique, il va beaucoup plus loin, interroge le destin".
Si Philippe Claudel, Paule Constant, Didier Decoin, Françoise Chandernagor et Camille Laurens soutenaient Brigitte Giraud, Pierre Assouline, Tahar Ben Jelloun, Pascal Bruckner, Eric-Emmanuel Schmitt et Patrick Rambaud, étaient les fervents défenseurs de Giuliano da Empoli. La "jurisprudence Decoin", qui demande qu'un même livre n'obtienne pas deux prix d'automne différents, a donc été respectée. On sait depuis le 27 octobre dernier que Grand Prix du Roman de l’Académie française avait été attribué à Giuliano da Empoli.
“Vivre vite” est un roman centré sur la mort du compagnon de Brigitte Giraud, Claude, des suites d’un accident de moto en 1999. Paru le 24 août dernier, il a déjà été vendu à quelque 8.000 exemplaires et devrait voir son tirage démultiplié au cours des semaines à venir. Le roman primé par les Goncourt est vendu chaque année, en moyenne, à 350.000 ou 400.000 exemplaires. Il faut rappeler que c'est le seul gain pour le lauréat car le prix en lui-même ne rapporte qu'un chèque de 10 € qui paraît-il n'est pas encaissé mais encadré!
Le prix Renaudot a quant à lui, été attribué à Simon Liberati, pour son roman "Performance", paru fin août dernier chez Grasset. Le jury, Dominique Bona, Franz-Olivier Giesbert, Georges-Olivier Châteaureynaud, Jean-Noël Pancrazi, Patrick Besson, Frédéric Beigbeder, Cécile Guilbert, Stéphanie Janicot et J.M.G. Le Clézio l’ont retenu face aux cinq autres finalistes en lice, Nathan Devers pour "Les liens artificiels" chez Albin Michel, Christophe Ono-dit-Biot pour "Trouver refuge" chez Gallimard, Sandrine Collette pour "On était des loups" chez JC Lattès, Claudie Hunziger pour "Un chien à ma table" chez Grasset et Sibylle Grimbert pour "Le Dernier des siens" aux éditions Anne Carrière.
Dans "Performance", il est question d’un écrivain septuagénaire en très mauvais état après un AVC, qui n’a plus d’inspiration et à qui un producteur propose de rédiger le scénario d’une mini-série sur les Rolling Stones, Satanic Majesties. Sa relation avec Esther sa belle-fille de 23 ans, fille de son ex-femme Dora lui redonnera un semblant de vie… "Parfois, je me demandais si elle n'était pas un peu folle d'accepter cette vie de recluse à la campagne avec un anachorète. Jamais plus elle ne serait aussi séduisante qu'en ce moment et elle offrait ses lys et ses roses à un vieux desperado désargenté, édenté et parfois saoul". Comme à son habitude, Simon Liberati manifeste sa fascination pour l’esthétique sixties et seventies et un certain intérêt pour l’univers psychédélique. Qu’il s’agisse de "Jayne Mansfield" chez Grasset en 1967 qui lui a valu le prix Fémina en 2011, "California Girls" chez Grasset entre autres.
Comme le veut la tradition, le prix Renaudot a été remis juste après le Goncourt dans le même restaurant. Il fut créé en 1926 par des journalistes et des critiques littéraires qui attendaient le verdict du Prix Goncourt, avec le temps il a acquis presque autant d’importance que son illustre aîné. Et s’il ne dispose d’aucune dotation, il multiplie les ventes en librairie, on les évalue à quelque 220.000 exemplaires.
Le Renaudot de l'essai a été remis à Guillaume Durand pour "Déjeunons sur l’herbe" édité chez Bouquins. Pour lui, Edouard Manet est bien "un génie qui a bouleversé le monde entier", il pense que "la violence extrême qu’il a suscitée est inimaginable aujourd’hui". Depuis l'enfance, il aime ses oeuvres et tout ce qui concerne Manet. Guillaume Durand ajoute des anecdotes personnelles sur son parcours de journaliste et de collectionneur d'art contemporain et fait s'exprimer quinzaine de personnalités du monde culturel sur ce qu’elles doivent au peintre, Koons ou Barceló entre autres.
Le prix Renaudot poche est allé à la femme de lettres et rabin Delphine Horvilleur pour "Vivre avec nos morts", ce "petit traité de consolation" est paru chez Grasset en mars 2021, puis récemment en petit format au Livre de Poche, 206 pages. Il a reçu le prix Babelio en non-fiction et le prix des Savoirs en 2021 et a déjà été vendu à plus de 200.000 exemplaires. Delphine Horvilleur y explique une grande partie de sa profession de rabbin. Il s’agit aussi d’accompagner les mourants et leur entourage et elle tente de "transmuer l'inéluctable et d'y trouver du sens". Elle franchit ce qui sépare son activité de rabbin et la littérature "Je me tiens aux côtés de femmes et d'hommes qui, aux moments charnières de leurs vies, ont besoin de récits".
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Rédaction internationale En savoir plus sur cet auteur
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