US Midterms 2022 : pas de vague républicaine !

Publié le 09 novembre 2022 par Sylvainrakotoarison

" Les chiffres sont incroyables ! " (Donald Trump, le 8 novembre 2022 à Mar-a-Lago).

L'ancien Président américain Donald Trump, qui prenait la parole à sa résidence de Palm Beach en Floride à 22 heures, heure locale, ce mardi 8 novembre 2022, était toujours égal à lui-même, dépeignant une réalité alternative. Il a pris les premiers résultats positifs pour le parti républicain pour en faire une généralité, l'idée étant d'occuper le terrain médiatique et de convaincre les électeurs républicains qu'ils avaient gagné les élections intermédiaires aux États-Unis. Et si, in fine, ce n'était pas le cas, leur faire croire qu'on leur aurait volé l'élection, qu'on aurait triché, fraudé.
En fait, si tous les résultats ne sont pas encore connus à cette heure, et certains seront très serrés, et l'ensemble sera très serré de toute façon, il n'y a pas, c'est désormais sûr, de vague républicaine et les candidats démocrates s'en sont souvent bien tirés malgré l'impopularité du Président Jimmy Carter et l'Amérique de la Paix. Joe Biden dans les sondages (un récent sondages indiquait que 43% seulement approuvaient la politique de Joe Biden et 54% des sondés la désapprouvaient, en particulier en raison de la très forte inflation qui plombe le pouvoir d'achat des plus pauvres).
D'ailleurs, voulant lui aussi occuper le terrain médiatique (toujours moins bien que l'ancien animateur de télévision et propriétaire d'immeubles et de casinos), Joe Biden s'est montré soulagé, assis derrière son bureau présidentiel, détendu et portant un pull bleu (la couleur des démocrates) et une casquette noire, en train de téléphoner aux candidats démocrates qui venaient de remporter l'élection : " Je viens de décrocher le téléphone avec certains gagnants de ce soir, y compris certaines personnes que j'ai vues sur la route cette année. ".
Cette journée électorale est la journée la plus importante entre le début et la fin d'un mandat présidentiel aux États-Unis. Le mandat présidentiel dure quatre ans, celui d'un sénateur six ans (le Sénat est renouvelé par tiers tous les deux ans) et celui d'un représentant (équivalent d'un député national) deux ans (la Chambre des représentants est renouvelée entièrement tous les deux ans).
Les élections intermédiaires, qui renouvellent donc le Congrès (ce sera cette année le 118 e Congrès des États-Unis), sont importantes pour le Président en exercice car s'il n'a pas la majorité, il risque de voir son action enlisée, principalement par le manque de budget. L'un des enjeux d'ailleurs cette année, c'est la poursuite de l'aide militaire à l'Ukraine (j'y reviens plus loin).

Ainsi, 35 sièges de sénateurs sur les 100 que compte le Sénat (2 par État) étaient remis en jeu hier, ainsi que les 435 sièges de représentants de la Chambre des représentants. Il y a aussi beaucoup d'autres scrutins, locaux, à savoir quelques élections municipales, etc. et bien sûr, l'élection des gouverneurs dans un tiers des États (39 sièges de gouverneur à pourvoir, dans 36 États et 3 territoires). Le mandat de gouverneur est de quatre ans (sauf certaines exceptions) et la plupart des gouverneurs renouvelés ont été élus en 2018. Si l'élection des gouverneurs n'influe pas sur la détermination de la politique fédérale (seul le Congrès compte), il influe sur la vie politique générale, car beaucoup de candidats se sont prévalus d'une expérience de gouverneur pour prétendre à la Maison-Blanche. La plupart des Présidents des États-Unis ont en effet occupé auparavant soit un poste de sénateur, soit un poste de gouverneur. Enfin, d'autres postes au sein des États sont également pourvus à ces élections intermédiaires, comme celui des procureurs généraux.
Généralement, le parti du Président perd ces élections, souvent en raison d'un désenchantement après les élections présidentielles (le candidat en action n'étant pas si providentiel que ça !). En France, on connaîtrait évidemment le même phénomène. Depuis 1938, sur 21 élections intermédiaires (midterms en américain), seulement 2 ont vu le parti présidentiel avoir des gains sur la situation du Congrès sortant : en 1998 (avec Bill Clinton, malgré le scandale sexuel qui venait d'éclater) et en 2002 (avec George W. Bush, qui bénéficiait d'un rassemblement national derrière lui à la suite des attentats du 11 septembre 2001). Toutes les autres fois, le parti présidentiel a subi des pertes, parfois sans perdre la majorité s'il l'avait auparavant.
C'est dire si le parti démocrate, dans la situation actuelle très difficile tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur, partait dans cette compétition avec le dos tendu, d'autant plus que Donald Trump n'a cessé de faire campagne pour soutenir ses propres candidats (à cette heure, il aurait déjà fait élire 140 fidèles qui croient encore qu'il avait gagné les élections de 2020). Barack Obama aussi, les cheveux désormais blanchis, a mouillé la chemise, a fait campagne pour aider Joe Biden, son ancien Vice-Président. Et même Bill Clinton s'y est collé, qui voit son ancien État dont il était le gouverneur (l'Arkansas) réélire un gouverneur républicain (en l'occurrence, une gouverneure, voir plus loin ; le parti républicain y est en place depuis janvier 2015).
Mais c'était une erreur de considérer que ces élections américaines de 2022 étaient un remake de celles de 2020, une sorte de revanche pour Donald Trump contre Joe Biden. Certes, jamais le bipartisme n'a été autant incarné par des personnalités très opposées, mais rien n'indique que les élections de 2024 reverront un duel Joe Biden versus Donald Trump.
Déjà parce que Joe Biden, qui va avoir dans quelques jours 80 ans, en aura 82 en 2024 et 86 à la fin d'un éventuel second mandat, ce qui serait bien trop âgé dans une Amérique qui nécessite d'agir et d'interagir avec un esprit alerte, moderne et innovant.
Ensuite parce que rien ne dit que Donald Trump sera choisi par le parti républicain pour 2024. Certes, il est bien implanté dans ce parti qui lui avait fait, initialement, la fine bouche mais qui s'est aperçu qu'il était aussi une belle machine à gagner. Mais lui aussi commence à devenir âgé, il aura 78 ans et demi en 2024 et 82 ans et demi à la fin d'un éventuel nouveau mandat. S'il est arrivé à faire élire des très proches, comme son ancienne porte-parole à la Maison-Blanche Sarah Huckabee Sanders qui vient d'être élue première femme gouverneure d'Arkansas (son père Mike Huckabee, ancien candidat aux primaires républicaines en 2008 et en 2016, a aussi été gouverneur de l'Arkansas entre juillet 1996 et janvier 2007), la victoire d'autres candidats républicains ne doit pas le rendre joyeux.

Effectivement, Donald Trump n'a pas vraiment à se réjouir de la réélection d'un républicain : le républicain Ron DeSantis a été très largement réélu gouverneur de Floride avec 58% des voix (première fois élu en novembre 2018 après avoir été représentant au Congrès, exerçant trois mandats de janvier 2013 à septembre 2018). À 44 ans, Ron DeSantis sera probablement candidat aux primaires républicaines de 2024 et sans doute un rival très dangereux pour l'existence politique de Donald Trump : " Le combat ne fait que commencer ! " a-t-il assuré.
Les résultats définitifs vont mettre encore un certain temps à arriver et la situation notamment au Sénat est encore très serrée (les deux partis peuvent compter sur 47-48 sièges chacun). Chacun des deux camps peut s'enorgueillir d'avoir remporté certaines belles victoires. Ainsi, le candidat démocrate Maxwell Frost a été élu à la Chambre des représentants à 25 ans, représentant de la Floride, tandis que la démocrate Maura Healey a été élue gouverneure du Massachusetts, elle devient la première gouverneure "ouvertement lesbienne". Mais le parti républicain a aussi de belles victoires, comme celle de James David Vance qui a été élu sénateur des États-Unis pour l'Ohio avec plus de 53% des voix (pour 97% des bureaux de vote) contre son rival démocrate Tim Ryan, membre de la Chambre des représentants depuis 2003. La victoire de ce capital-risqueur trumpiste de 38 ans est même considéré comme le premier revers électoral important du parti démocrate à ces élections.
Au-delà de la bataille Biden vs Trump qui n'est probablement pas le principal enjeu, il y a le devenir politique des États-Unis et surtout, ce qui nous intéresse le plus, nous Européens, le positionnement des États-Unis dans les relations internationales. Or, depuis deux siècles, il y a toujours eu un clivage qu'on croyait oublié au XX e siècle, celui de l'isolationnisme face à la volonté d'être le gendarme du monde. Depuis l'entrée en guerre des États-Unis dans la Première Guerre mondiale, plus encore dans la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis sont devenus présents sur toute la planète pour éventuellement intervenir dans certains conflits, voire en créer de nouveaux, le summum étant la guerre en Irak déclarée par un républicain George W. Bush.
Le courant isolationniste a cependant repris de la vigueur. On pourrait penser qu'il provient de Donald Trump, également républicain, mais il a commencé déjà sous Barck Obama qui a voulu commencer à désengager les États-Unis de l'OTAN, une organisation très coûteuse pour les Américains et dont très peu d'autres membres ne respectent l'obligation d'engager 2% du PIB à des dépenses militaires, pour s'investir géopolitiquement plus intensément dans le Pacifique. Le départ précipité des troupes américaines d'Afghanistan en est d'ailleurs l'un des derniers signes, sous la Présidence du démocrate Joe Biden.
Néanmoins, l'invasion russe de l'Ukraine le 24 février 2022 a bouleversé la situation internationale. Pour les démocraties européennes et américaines, laisser Vladimir Poutine annexer l'Ukraine aurait été la même erreur qu'avoir laissé Hitler annexer la Tchécoslovaquie, avec une paix à bon compte par les Accords de Munich qui n'a fait que précipiter l'Europe dans la guerre totale quelques mois plus tard, puisqu'ils disaient clairement à Hitler qu'il pouvait envahir tous les territoires à sa guise, ce qu'il a fait avec la Pologne. Laisser la Russie annexer l'Ukraine, c'est l'encourager à annexer d'autres territoires qu'elle pourrait revendiquer au nom de la Grande ou Sainte Russie, la Moldavie, les pays baltes, une partie de la Pologne, etc. Le soutien moral et financier, politique et militaire, à l'Ukraine est donc un élément de politique étrangère majeur pour les États-Unis (et encore plus pour l'Europe), même si cela peut coûter très cher. Joe Biden a su ainsi faire les bons choix au bon moment alors que personne n'imaginait que le peuple ukrainien était prêt à résister aux envahisseurs russes (cela fait déjà depuis neuf mois).
Or, une partie des candidats républicains à ces élections intermédiaires réclament la fin de l'aide pour l'Ukraine, non pas pour des raisons de politique, cohérence politique, de vision politique, mais pour la pire raison qui soit, pour des raisons financières, parce que cela coûterait trop cher au peuple américain. Abandonner le peuple ukrainien pour de simples raisons matérielles serait une véritable honte morale au regard de l'histoire. Un égoïsme pur. Les électeurs du parti républicain seraient bien en peine de savoir, en votant pour un candidat républicain, ce qu'il ferait, élu, au Congrès lorsqu'il s'agirait de voter de nouvelles aides à l'Ukraine, car le parti républicain est très divisé sur ce sujet essentiel. L'ancien Président Donald Trump n'a pas hésité à fustiger ces aides de manière très démagogique pour récupérer les voix populaires de ceux qui souffrent de la crise économique, manière qui n'est pas sans penser à celle de certains démagogues populistes en France qui s'opposent aussi à la position diplomatique de la France sur l'Ukraine.
La situation électorale n'est donc pas infamante pour les démocrates américains et les heures ou jours qui viennent diront s'ils pourront continuer à gouverner seuls. Dans le cas contraire, ce ne serait pas la première fois que le Congrès serait majoritairement opposé au gouvernement. Tout ce qu'on peut dire à cette heure, c'est que, contrairement à la petite musique trumpienne, il n'y a pas eu de déferlante républicaine, et pour la stabilité du monde, en particulier de l'Europe, c'est déjà un grand soulagement !
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (09 novembre 2022)
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Pour aller plus loin :
US Midterms 2022 : pas de vague républicaine !
Salman Rushdie.
Frank Drake.
Neil Armstrong.
6 mois de guerre en Ukraine en 7 dates.
Anne Heche.
Olivia Newton-John.
Marilyn Monroe.
Arnold Schwarzenegger.
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Massacre d'Uvalde : faut-il interdire les armes aux États-Unis ?
Armes à feu.
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Les attentats du World Trade Center.
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