Dans la note précédente, une commentatrice s’étonne de l’existence même de cette note, qui ne traite pas de littérature mais d’actualité (visiblement, c’est qu’elle n’était pas encore là pour lire ce blogue au moment de l’élection de Sarkozy, sinon elle serait habituée !). Mais c’est qu’il faut aussi savoir sortir de nos livres et regarder ce qui se passe autour de nous. Pas trop non plus, cependant, sinon on est emporter par le vent de l’actualité. Je ne dis pas cela pour la tenue de ce blogue mais pour notre existence en général. Nous sommes tellement envahis d’images et d’informations (par ailleurs souvent invérifiables, ce qui relativise grandement leur intérêt) que nous finirions par y perdre notre petite musique intérieure. Je veux dire par là qu’il faut certes vivre dans le monde, mais qu’il faut aussi être capables de conserver une distance entre lui et nous, sinon nous courons le risque de devenir des pantins qui s’agitent selon le vent de l’actualité.
D’un côté, nous ne pouvons être indifférents devant les événements de Palestine ou de Géorgie, mais de l’autre il faut se dire que nous n‘avons qu’une vie, qu’elle est courte, que c’est la nôtre et qu’il nous appartient donc de la gérer au mieux. En d’autres termes, si je suis jeune et sans emploi, c’est sans doute très beau d’aller manifester pour le droit des Palestiniens, mais que le bon sens m’oblige de trouver d’abord un emploi. Si je suis pensionné et que j’ai du temps libre, c’est très bien de lutter pour les sans-papiers, mais consacrer du temps à ses petits enfants est également important. Pleurer sur le sort des détenus de Guantanamo, emprisonnés souvent arbitrairement, est nécessaire, mais pleurer toute la journée au point d’en perdre mon équilibre intérieur n’a aucun sens. Il y aura toujours du malheur et des injustices sur cette terre, on n’y peut rien. Si j’attends que cela cesse pour décider d’être heureux ou simplement pour faire ce que j’aime (lire un livre, par exemple), alors j’aurai perdu ma vie.
Tout ceci étant dit, il est bon, cependant, de démonter de temps à autre la vaste machinerie que le pouvoir met en place pour nous influencer dans le sens qui l’intéresse. Ainsi, s’il y a peu de liberté d'expression en Chine, il ne faudrait pas s’imaginer que nous sommes totalement libres dans notre monde occidental. Bien au contraire, tout est faussé, biaisé, corrompu. Cela se sait mais se dit peu.
Ici, avoir la mainmise sur la télévision est très important pour Sarkozy. On a vu ce que cela donnait aux Etats-Unis au moment du déclenchement de la guerre en Irak. Si plus de 65% des Américains étaient convaincus du bien fondé de cette guerre, c’est qu’ils croyaient dur comme fer à l’existence de armes de destructions massive. Or, ils ne sont pas plus bêtes que nous. S’ils y ont cru, c’est qu’ils ont dû subir un matraquage médiatique pendant des mois, tandis qu’en France, comme Chirac était opposé à la guerre (forcément, c’était un ami de Sadam et la France avait des intérêts économiques là-bas ) nous avons reçu une information différente. Mais si demain Sarkozy, pour faire plaisir à Israël, décide qu’il faut se débarrasser de la menace iranienne, je suis persuadé que nous aurons droit à notre tour à une série d’émissions qui dénonceront les abus du pouvoir actuellement en place à Téhéran (justice islamique sommaire, droit des femmes inexistant, etc.).
Il est donc bon de savoir qui se cache derrière notre petit écran (dans la note précédente, j’ai d’ailleurs oublier de citer Christine Ockrent, qui travaille maintenant dans l’ombre et qui est une atlantiste pure et dure)
Nous sommes manipulés en permanence et c’est là, intellectuellement parlant, une situation qui me dérange fortement.
Ainsi, chaque fois que dans la presse je suis tombé sur des articles qui traitaient de dossiers que je connaissais bien, professionnellement parlant, la vérité était toujours tronquée. Tout n’était pas faux, bien entendu, mais on omettait certains éléments (par ignorance ou volontairement ?) ce qui permettait de tirer des conclusions qui, elles, étaient absolument fausses.
Une autre preuve de manipulation. On sait que la mode est aujourd’hui aux privatisations (voir GDF et Suez). Et bien, il y a plus de quinze ans, j’avais entendu une émission dans laquelle un spécialiste parlait du prix de l’eau. Il expliquait que le public ne comprendrait pourquoi une ressource naturelle, qui appartenait finalement à tout le monde et qui (à l’époque) était relativement bon marché, allait voir son prix être multiplié par trois ou quatre simplement pour faire plaisir à des actionnaires privés. Il fallait, disait-il, prévoir une période de transition durant laquelle on influencerait l’opinion en lui parlant d’écologie, de préservation des sites naturels autour des sources, de traitement des eaux usées, etc. Et c’est exactement ce que l’on a fait. Autrefois, dans les villages, l’eau était gratuite. Quand les grandes compagnie d’état ont pris les choses en main, elle est devenue payante. Quand ces mêmes compagnies seront complètement privatisées, elle sera hors de prix. Et c’est bien via les médias qu’on nous conditionne pour que nous acceptions tous ces changements. Méfiance donc.