La démarche de la banque est parfaitement représentative des hésitations habituelles et de l'option la plus fréquemment retenue dans les situations de ce genre, elles-mêmes de plus en plus courantes. À l'issue d'une longue période d'observation et de discussions (je présume), il est donc décidé, au moins dans un premier temps, que le meilleur moyen de valoriser l'achat consiste à laisser une certaine autonomie à l'équipe d'origine, tout en essayant d'aligner au mieux ses activités avec les besoins de sa parente.
Dans le cas de la « Truist Foundry », la stratégie se traduit par une focalisation sur des projets à fort potentiel de transformation au service du reste de l'organisation. Initialement, l'axe prioritaire portera sur l'adaptation des solutions existantes de Long Game à des objectifs d'éducation financière. En arrière-plan, se dessine le désir (classique et inévitable) d'instaurer une « approche startup », synonyme de réactivité et d'agilité, qui risque cependant de souffrir des contraintes qui lui sont imposées.
En effet, sous prétexte de mettre en place une perspective transverse, des participants issus des lignes métier, des opérations, de l'informatique, des risques… prennent part aux initiatives. Selon toute vraisemblance, le but recherché est de faciliter l'absorption des produits développés par la « Foundry » au sein de de la banque traditionnelle et, peut-être, en arrière-plan, d'aider les collaborateurs « historiques » à découvrir et appréhender d'autres manières de travailler. Mais la lourdeur induite fait craindre le pire.
Le réflexe est tellement naturel : pour une des plus importantes institutions financières des États-Unis, il est impensable de prétendre créer de nouvelles offres, même (surtout ?) si elles sont disruptives, sans leur appliquer les règles communes. Malheureusement, c'est dans ces dernières que se perdent irrémédiablement les avantages rêvés de l'absorption d'un trublion, alors qu'il faudrait au contraire exploiter sa vision radicalement différente de ces exigences afin de vraiment engager un mécanisme de transfert.
Si l'appétit des banques pour les jeunes pousses de la FinTech est aujourd'hui en pleine expansion, la « performance » de leurs acquisitions ne paraît guère progresser. Ce constat n'a rien de surprenant quand le choix du protocole d'assimilation se limite généralement à deux possibilités : soit laisser la proie continuer à fonctionner comme auparavant – en n'apportant aucune valeur directe à sa propriétaire – soit l'insérer dans les modèles de gouvernance existants – donc sans préserver ce qui définit sa qualité intrinsèque, indissociable de son produit et de son équipe (qui se lassera vite).