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Carlos Martens Bilongo, député FI, victime d'une interpellation raciste

Publié le 03 novembre 2022 par Sylvainrakotoarison

" Qu'il retourne en Afrique ! " (Grégoire de Fournas, le 3 novembre 2022 dans l'hémicycle).
Carlos Martens Bilongo, député FI, victime d'une interpellation raciste
La nature profonde revient toujours au galop, d'une manière ou d'une autre, malgré les mots d'ordre policés de respectabilité et de responsabilité. Le Rassemblement national qui se réunit en congrès ce samedi 5 novembre 2022 pour départager qui, de Jordan Bardella, le chouchou de Marine Le Pen, ou de Louis Aliot, l'ex de Marine Le Pen, sera le président du RN pendant que Marine Le Pen continuera à présider le groupe des 89 députés RN élus à l'Assemblée Nationale en juin 2022.
Incontestablement, sa stratégie de respectabilité se heurte à la nature profonde de ce parti dont l'histoire demi-centenaire est éloquente. Lors de la séance des questions au gouvernement le jeudi 3 novembre 2022 à l'Assemblée Nationale, peu avant 17 heures, un député RN a interrompu un orateur en exprimant un sentiment présumé raciste qui a scandalisé l'ensemble des autres groupes de l'hémicycle. Grégoire de Fournas.
Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?
Il s'agissait d'une question posée par le député FI Carlos Martens Bilongo sur les difficultés que rencontre l'Ocean Viking qui a secouru 234 candidats migrants rescapés d'un naufrage en Méditerranée. Ceux-ci sont bloqués sur le pont du bateau depuis une douzaine jours.
Certes, au-delà de la question légitime sur le sort de ces naufragés et de son volet humanitaire, le jeune député FI n'avait pas omis le côté volontiers provocateur de sa question puisqu'au-delà du gouvernement, il s'adressait aussi à ses collègues du RN : " J'aimerais dire à la collègue du Rassemblement national qui, du haut du perchoir de l'Assemblée Nationale, croit pouvoir organiser les opérations de sauvetage en Méditerranée, avec la plus grande désinvolture et sans autre mérite que d'être née dans un pays en paix : ne vous en déplaise, leurs vies comptent ! ".
Revenant au sort des rescapés, Carlos Martens Bilongo a poursuivi : " L'Ocean Viking a adressé aujourd'hui sa septième demande d'assistance aux autorités maritimes italiennes. L'île de Malte, tout aussi proche, n'a tout simplement pas répondu aux trois demandes qui lui ont été adressées. Le blocage de ces personnes est une violation grave du droit de la mer. L'évaluation du statut et de la nationalité des personnes secourues ne doit pas retarder le débarquement des survivants. Je ne peux que partager l'inquiétude de ces migrants, à l'heure où la nouvelle Première Ministre italienne s'est engagée à bloquer l'arrivée des immigrants en provenance d'Afrique. Quelle sera l'action du gouvernement français sur le sujet ? Quelle forme la coopération avec l'Italie prendra-t-elle ? Allez-vous vous saisir, avec les autres pays européens, de la question de la répartition des migrants ? Malte ne répond plus aux demandes de coordination de sauvetage. ".
En clair, le député FI demandait au gouvernement de s'activer pour les aider, auprès des autorités italiennes et maltaises, et plus généralement, de coordonner les politiques européennes. Et puis, il a commencé une phrase qu'il n'a jamais pu achever : " Les personnes secourues se trouvent dans une situation d'urgence absolue et les prévisions météo indiquent une détérioration significative du climat... ".
Ses propos ont été coupés par le député RN Grégoire de Fournas qui a crié dans l'hémicycle : " Qu'il retourne en Afrique ! ". Tollé général dans l'assistance. Beaucoup de députés se sont levés et ont demandé une sanction immédiate auprès de la présidente de séance, Yaël Braun-Pivet. Pour de nombreux députés, et pas seulement de gauche, cette saillie est tout simplement du racisme. Le sens en restait confus car personne ne connaît l'intention, si c'était de dire au député d'origines congolaise et angolaise de retourner en Afrique (mais il est né à Villiers-le-Bel), auquel cas ce serait une injure raciste très forte, ou si c'était de dire que le bateau doit retourner en Afrique, ce qui serait stupide car le besoin d'être secouru impose que le port le plus proche l'accueille (il y a obligation de sauvetage), et cette indifférence au sort de ces personnes en danger de mort est également contraires aux plus élémentaires des valeurs humanitaires.
Carlos Martens Bilongo, député FI, victime d'une interpellation raciste
Dans un chahut inaudible, après avoir demandé quel député avait sorti cette idiotie, Yaël Braun-Pivet a été obligée de suspendre la séance de cinq minutes pour la reprendre très temporairement et pour dire : " Chers collègues, pouvez-vous me laisser parler, s'il vous plaît ? Compte tenu de l'événement grave qui vient de se dérouler, je vous propose d'en confier le traitement à la prochaine réunion du bureau de l'Assemblée, prévue mercredi prochain. Cette instance est la plus à même, selon moi, de déterminer si les faits qui ont été commis à l'instant sont passibles d'une sanction et de quelle sanction. Je vous propose donc, chers collègues, de porter ce point à l'ordre du jour de la prochaine réunion du bureau. ".
Une députée insoumise a alors réclamé une sanction immédiate, mais la présidente a expliqué : " Chère collègue, l'article 74 de notre règlement prévoit que les peines disciplinaires applicables aux membres de l'Assemblée sont : le rappel à l'ordre, le rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal, la censure et la censure avec exclusion temporaire. Ces deux dernières sanctions ne peuvent être prononcées que par le bureau. Si vous voulez que je prononce une sanction immédiate, ce sera donc un simple rappel à l'ordre ou un rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal. Compte tenu de la gravité des faits, je préfère renvoyer la question au bureau. Une réunion du bureau est prévue mercredi prochain. Le bureau de l'Assemblée est l'organe pluraliste compétent pour se prononcer sur ce qui vient de se passer dans l'hémicycle. ".
Carlos Martens Bilongo, député FI, victime d'une interpellation raciste
En fin de compte, le gouvernement n'a pas pu répondre à la question car, à cause de l'état d'excitation de l'hémicycle, Yaël Braun-Pivet a finalement clos la séance jusqu'au lendemain : " Étant donné l'émotion légitime qui s'est emparée des membres de l'Assemblée et du Gouvernement, je lève la séance des questions au gouvernement. Nous nous retrouverons demain à quinze heures trente, pour la discussion de la motion de censure, ainsi qu'en a décidé la conférence des présidents. ".
Carlos Martens Bilongo, député FI, victime d'une interpellation raciste
Le député Grégoire de Fournas, qui gère un domaine familial de viticulture dans le Médoc, favorable aux chasseurs et contre les éoliennes, avait déjà montré sur les réseaux sociaux sa grande tolérance des opinions qui frisaient le racisme. Il prétend qu'il a voulu parler du bateau et pas de l'orateur, mais au fond, ce n'est pas là l'essentiel. L'essentiel, c'est que ce député se moque bien du sort des centaines de personnes qui périssent dans la Méditerranée au nom d'une idéologie qui place l'immigration comme la raison de tous les malheurs du pays.
Alors que celle-ci est généralisée partout sur la planète et que nul n'est capable de savoir quel peuple aura besoin de quel autre peuple, car les hypothèses alarmantes sur les futurs migrations climatiques sont catastrophiques par rapport à ce qu'on vit actuellement. Or, on ne pourra jamais donner une réponse simpliste à un problème particulièrement compliqué et humain (le besoin de fuir son pays au point de mettre en danger sa propre vie).
Évidemment, le groupe FI était particulièrement satisfait d'avoir piégé ainsi un député RN, et cela juste deux jours avant le congrès de Rassemblement national qui aurait dû donner un nouvel élan, plus moderne et moins extrémiste. C'est donc peine perdue, la nature, comme je l'ai écrit, revient au galop. Il faut rappeler, insister, qu'exprimer du racisme n'est pas une opinion mais un délit. Le bureau de l'Assemblée Nationale va statuer pour savoir si l'interpellation du député était raciste ou pas et si des sanctions disciplinaires, voire avec des suites judiciaires, devront être prises.
Marine Le Pen n'est bien sûr pas sur cette longueur d'onde et jamais elle n'a émis ne serait-ce une parole ambiguë qui pourrait l'associer à du racisme. Ce n'est pas dans sa nature et son ambition est justement de se montrer au-delà de ces stupidités. Mais dans cet incident, elle a pris la défense de Grégoire de Fournas tandis que de nombreux députés lui demandent au contraire de l'exclure du groupe RN ou alors, cela signifierait que le groupe RN validerait les déclarations intempestives (imprudentes et inutilement haineuses) de Grégoire de Fournas.
Carlos Martens Bilongo, député FI, victime d'une interpellation raciste
Le Ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin a tweeté dans la soirée : " Racisme d'un député à l'Assemblée Nationale : du FN au RN, le nom change mais les références hideuses et les habitudes ignobles restent. Quelle honte. ". Le Président de la République Emmanuel Macron a également été choqué par cet incident parlementaire. L'un de ses proches, le député européen Stéphane Séjourné a tweeté : " Ce qui s'est passé cet après-midi est d'une gravité exceptionnelle : cela implique des sanctions exceptionnelles. Nul ne peut ceindre l'écharpe tricolore après avoir tenu de tels propos : Marine Le Pen doit exiger sa démission sans délai. Indéfectible soutien à Carlos Martens Bilongo. ".
Pour le gouvernement aussi, et même surtout, c'est une opportunité de revenir aux fondamentaux : le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a ainsi réagi vers 22 heures sur LCI pour demander solennellement à Marine Le Pen de se désolidariser de ce député : " Madame Le Pen, si vous ne voulez pas que vos 89 députés soient associés à 89 nuances de haine, demandez sa démission ! ". Mais les propos d'Olivier Véran sont aussi politiques que moraux, lorsqu'il s'est adressé aux groupes de la Nupes pour leur dire de ne pas voter la même motion de censure que le groupe RN, comme cela a été déjà le cas les 24 et 31 octobre 2022, et probablement ce vendredi 4 novembre 2022, parce que le RN n'a pas du tout les mêmes valeurs républicaines que cette ultragauche d'opposition systématique.
Pour le coup, on voit que le mot d'ordre de respectabilité, du port de la cravate, de sérieux dans le travail parlementaire imposé par Marine Le Pen connaît ses limites. Et au plus mauvais moment. Finalement, elle n'a plus besoin de son père Jean-Marie Le Pen pour avoir des petites phrases assassines, ses troupes lui suffisent amplement...
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (03 novembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Carlos Martens Bilongo.
Le congrès du RN.
Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...
Carlos Martens Bilongo, député FI, victime d'une interpellation raciste
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221103-carlos-martens-bilongo.html
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/11/04/39696483.html


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