Charlotte, un joli biopic animé pour découvrir le destin tragique de l'artiste Charlotte Salomon

Par Bottines

Ce dessin-animé réalisé par Eric Warin et Tahir Rana raconte le destin de Charlotte Salomon, peintre juive allemande ayant vécu une vie tragique. Il est à découvrir à partir du 9 novembre 2022 en salles. Et c'est un petit bijou.

Avant même d'aller voir ce film, j'ai été séduite par le concept du biopic dramatique version dessin-animé. J'étais curieuse de savoir si le rendu serait suffisamment "réaliste" et poignant pour que l'on intègre que le récit était tiré d'une histoire vraie. Et à cette question, je répondrais oui. Car sans conteste, l'émotion est au rendez-vous, malgré un graphisme assez simpliste. Ici, les réalisateurs ont fait le choix du 2D, un peu à l'ancienne. Un parti pris tout à fait réfléchi comme l'explique le co-réalisateur Tahir Rana. "L'œuvre de Charlotte était graphique dans le sens où elle n'essayait pas de reproduire une ombre, une profondeur et une forme en trois dimensions. La 2D semblait donc convenir parfaitement".

Malgré les limites de la 2D, les relations entretenues par Charlotte avec ses amoureux, son art, ou encore son grand-père acariâtre, sont dépeintes avec beaucoup de sensibilité. "On voit toutes tes émotions sur ton visage", lui dit dans le film, son premier compagnon Alfred Wolfsohn. Et il est vrai que malgré l'absence de traits détaillés qui a pu parfois me gêner, les dessinateurs ont étonnamment réussi à faire "parler" les expressions de l'héroïne.

Le choix de l'esthétique du dessin-animé, grâce à l'apport des couleurs, permet aussi d'atténuer l'aspect tragique du destin de "Lotte" Salomon. Face à la montée du nazisme dans les années 30, cette jeune juive allemande est contrainte de quitter son pays. Elle se réfugie alors à Villefranche-sur-mer, chez la bienfaitrice américaine Ottilie Moore, chez qui ses grands-parents se sont aussi repliés. Là-bas, un bouleversant secret de famille remonte à la surface. Face au tourbillon de sa vie, Charlotte sait que seul un acte extraordinaire pourra la sauver. Elle entame alors l'oeuvre de sa vie "Est-ce la vie ou du théâtre ?", une série de 769 peintures sur l'histoire singulière de sa famille, créées entre 1941 et 1943.

J'ai été très touché de découvrir certaines de ses oeuvres-témoignages, reproduites fidèlement dans le dessin-animé. Des peintures mêlant gouaches, textes et annotations musicales, pour lesquelles elle n'a utilisé que les trois couleurs primaires. En contraste, le dessin-animé d'Eric Warin et Tahir Rana utilise toute une palette de coloris, allant de teintes assez sombres et grises pour la partie relative à l'Allemagne, à des couleurs très bleutées et saturées pour les (très beaux) décors de Côte d'Azur. En hommage au travail de Charlotte qui n'en utilisait jamais, le noir est complètement absent du film. Une façon peut être de rendre l'horreur plus supportable. Malgré tout, parce qu'il aborde des thématiques assez lourdes, le dessin-animé n'est pas à proposer aux jeunes enfants.

Comme moi peut-être, vous sortirez de la séance avec l'envie d'en apprendre plus sur cette artiste, dont les épreuves de vie gagneraient à être plus approfondies. Mais aussi avec la joie de voir que son oeuvre commence, 70 ans après, à obtenir la reconnaissance qu'elle mérite. Je n'ai pour ma part plus qu'à me rendre au Musée d'histoire juive d'Amsterdam, où "Est-ce la vie ou du théâtre ?" est exposée en intégralité.