Selon l’organisation Mondiale de la Santé(Oms), il y a plus de 11 000 cas de décès liés au paludisme au Cameroun chaque année.
Et rien de sérieux n’endigue cette menace. Au contraire, la « privatisation déguisée » des hôpitaux publics l’accélère. Les patients qui devraient être bien traités grâce aux mécanismes de la couverture santé universelle (Csu) sont refoulés à cause des exigences financières astronomiques et informelles. Des carences que dénonce Jean Momo, promoteur de la Fondation Moje. Il exige le respect de l’article 16 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples.
Le 24 octobre 2022, 11 cas de paludisme ont été déclarés dans les huit centres de santé intégrée de la commune de Banka, près de Bafang. Des données statistiques qui traduisent la forte progression du paludisme, non seulement dans cette localité, mais dans l’ensemble des formations sanitaires du Cameroun. Selon le ministère de la Santé publique (Minsanté), il y a eu plus de 4000 décès de paludisme en 2020 au Cameroun. Cependant, tous les cas ne sont pas enregistrés et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime qu’environ 11 000 personnes meurent du paludisme dans le pays chaque année. Plus précisément, le continent africain, selon l’Oms, compte 10 des 11 pays du Monde qui ont enregistré le plus de cas. Leur nombre a augmenté de plus de 3,5 millions en 2017 par rapport aux années antérieures. Avec une estimation à 7, 3 millions de cas et à 11 566 décès survenue au cours de l’année 2017, souligne ce rapport, le Cameroun est parmi ces 10 pays africains qui subit le plus lourd fardeau du paludisme. Le choc est grave. Car les Camerounais n’ont aucune obligation de contracter une assurance maladie.
En fait, l’Etat camerounais ne prévoit aucune forme de cotisation commune qui garantisse des soins aux plus démunis, du moins pas sous la forme directe d’une assurance maladie.
Pourtant, il s’agit d’un idéal auquel beaucoup de Camerounais aspirent. Et des plaintes fusent ça et là. Dans la mesure où, selon des chiffres divulgués par la haute hiérarchie de l’hôpital régional environ 4000 nouveaux patients y sont accueillis chaque mois. Pourtant, Julianna N(Nom d’emprunt), venue pour une consultation pour un cas de paludisme, affirme qu’après un versement de 3500 Fcfa, elle n’a reçu en tout et pour tout, qu’un reçu portant le montant de seulement 1500 Fcfa, représentant les frais de consultation.
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Contre cette défaillance, le gouvernement a fait de la lutte contre le paludisme une priorité nationale soulignée dans les documents de planification stratégique du pays, notamment, la Stratégie Sectorielle de Santé (SSS) 2016-2027. Seulement, sur le terrain, la réalité dans les hôpitaux publics se présente comme une pilule amère. Les malades de Vih-Sida et d’autres maladies comme le paludisme ou la tuberculose broient du noir. Même les personnes admises aux urgences ont moins de chance de survivre quand leurs proches ne sont pas garnis d’argent.
Exemple frappant de ce comportement: le 26 octobre dernier, le directeur de l’hôpital régional de Bafoussam a édicté une note de service pour exiger de tout patient le dépôt d’une caution de 50.000 Fcfa avant le démarrage de tout soin. Sans cette caution, il ne sera pas admis. Et dans ce document, le Pr George Enow précise que tout employé de l’hôpital de Bafoussam qui admettra un patient sans la caution portera la responsabilité de ses factures. Une nouvelle dont la diffusion via les nouveaux médias a été assez massive, au point qu’avant la fin de la journée, le ministre de la Santé publique(Minsanté), le Dr Manaouda Malachie, a « remonté les bretelles » de son collaborateur. Faisant suite à cette correspondance du ministre de la Santé, le Directeur de l’hôpital régional de Bafoussam a décidé de reporter la mesure qu’il venait de prendre. Une option que certains leaders d’opinion trouvent « maladroite». Selon ces derniers, il ne faut pas tomber dans le piège du ministre de la Santé, Dr Manaouda Malchie, qui donne l’impression que c’est le directeur de cet hôpital qui a tort. Pourtant, souligne-t-on, « il semblerait qu’il voulait simplement mettre l’accent sur une pratique qui court là-bas et ailleurs. Il ne voulait pas avoir à procéder à la confiscation d’un malade. »
Lire aussiDétention arbitraire : Le Redhac exige la libération de Sébastien EbalaTraitant de la question de non paiement des soins et des droits d’hospitalisation le site internet de l’hôpital central de Yaoundé (https://hopitalcentral.cm) souligne : «Les malades qui ne paient pas sont obligés de prolonger leur séjour à l’hôpital. » Cette phrase n’est pas à prendre à la légère. On a enregistré ces derniers temps de nombreux cas de patients séquestrés pendant plusieurs jours ou mois après leur rétablissement dans cette formation sanitaire parce qu’ils ne pouvaient pas régler leurs factures de soins.
Spectre similaire au niveau de l’Hôpital Laquintinie de Douala. Il y existe des hausses qui n’épargnent aucun service, même pas ceux annoncés gratuits à l’instar du traitement Vih/Sida. Aussi bien au niveau du dépistage que de la prise en charge. Au pavillon du jour qui en a la charge, on apprend que toutes les prestations qui coûtaient 1000 Fcfa telles que la consultation, le renouvellement des médicaments, pour ne citer que celles-là, ont été réévaluées à 1500 Fcfa. Les frais de laboratoire pour l’examen Hiv1 et Hiv 2 et le rétro fixés à 8.050 Fcfa reviennent actuellement de 12.250 Fcfa. Et les chefs des formations semblent briller dans une logique de camouflage. Le Minsanté rappelle que, depuis plusieurs années certains services et soins sont offerts gratuitement aux populations. Parmi ceux-ci, il cite la prise en charge du paludisme pour les enfants de moins de 5 ans.
« Le droit… de jouir du meilleur état de santé physique et mentale »
Le Financement basé sur les Résultats constitue une option suivant laquelle chaque personnel de santé doit recevoir une rémunération supplémentaire calculée sur un quota de recettes additionnelles produites par la formation sanitaire dans laquelle il est employé. Cette approche, loin d’être vectrice de la couverture santé universelle(Csu), comme espérée par ses initiateurs du Minsanté, aurait contribué à pousser les responsables des hôpitaux à surfacturer les soins ou à prescrire des ordonnances visant à pousser les malades ou leurs proches à dépenser plus pour gonfler lesdites recettes ou privatiser les soins de santé en détournant les malades des hôpitaux publics vers leurs domiciles ou des cliniques privées. Les organisations de la société civile ont été aussi mises à contribution pour dénoncer la corruption dans les hôpitaux publics.
Lire aussiCameroun : Mettre fin aux menaces visant des militants ayant dénoncé violations et abus dans les régions anglophonesApproché par Journalistes es en Afrique pour le développement (Jade), Jean Momo, promoteur de la Fondation Moje à Bafoussam et vice-président de la plateforme nationale des organisations de la société civile pour la couverture santé universelle au Cameroun, estime que les Camerounais financent à 70% leurs dépenses de santé . Il se veut ainsi le défenseur de l’appel d’Abuja acté en 2006 sous l’égide de l’Union Africaine qui préconise que chaque Etat, dont le Cameroun, devrait consacrer au moins 15% de son budget d’investissement public pour la santé des populations. Or, au Cameroun seulement environ 5% du Bip est réservé au ministère de la Santé. Jean Momo convoque l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui énonce le droit à la santé pour tous. Les articles 12 du Pacte international relatifs aux droits sociaux, économiques et culturels et 16 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples sont plus contraignants et peuvent être évoqués par un usager qui pourrait traîner l’Etat du Cameroun devant les juridictions nationales ou internationales pour des manquements au droit à la santé pour tous. Car, l’alinéa 1 du texte Onusien prescrit : « Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre… »