Le caucase entre guerre et paix

Publié le 13 août 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Mercredi, 13 Août 2008 17:35

 (Mis à jour , mercredi 18h 39, 19h05,19h12, 19h27 et jeudi 00h13 et 02h16)

> L'UE demande un cessez-le-feu effectif et durable: on en est loin...

> L'Union européenne se dit prête à « s'engager sur le terrain » et Bernard Kouchner propose l'envoi de contrôleurs européens en Géorgie.

> Washington ne facilite pas la mission de conciliation européenne

> Dialogue direct Moscou-Tbilissi sur le plan Sarkozy

Le point de la situation, par Jacques DEHAIRE

Seul le président polonais marque son désaccord avec le plan en six points mis au point par la France et accepté par Moscou et Tbilissi. Il n'a pas vu que la souveraineté nationale et l'intégrité territoriale de la Géorgie était expressément prévue. Il n'est pas le seul d'ailleurs. Quelques journaux, y compris « Libération », ont fait montre de la même myopie il est des lectures très sélectives... Aveuglement des engagements partisans...Dans un communiqué,publié mercredi en soirée, Sarkozy s'est dit certain que Moscou respecterait les engagements pris.Il en a reçu une nouvelle assurance de la part du Kremlin par téléphone.

Pour le reste, les 27 ont applaudi aux efforts de la diplomatie française. Tout en exhortant les Russes à respecter le cessez-le-feu, ce qu'ils ne faisaient pas encore en fin d'après-midi, puisqu'ils étaient encore à Gori pour « évacuer un entrepôt militaire géorgien, non pour continuer sur Tbilissi, comme s'empresse de l'affirmer le président géorgien ».Les Russes sont également accusés d'exactions et de pillages. De leur coté, l'armée géorgienne ne reste pas inactive.Deux de ses drones ont été abattus par les Russes au-dessus de l'Ossétie.

L'UE sur le terrain ?

Les Européens confirment également qu'ils sont prêts à « s'engager, y compris sur le terrain », pour soutenir les efforts de paix en Géorgie., dont ceux de l'ONU et de l'OSCE » Les ministres soulignent aussi « la volonté de l'Union d'apporter l'aide indispensable aux populations » ainsi que la nécessité « d'identifier dès à présent les besoins de reconstruction et de se préparer à y apporter au niveau de l'Union une contribution significative ».

Le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner, avait peu avant la réunion évoqué devant la presse la possibilité d'envoyer des "contrôleurs" européens sur place, Une force européenne sur place serait sur le principe « une bonne idée mais il faut quand même qu'on l'accepte », a-t-il déclaré. Le « On »  étant Moscou... « Vous appelez ça une force de paix, je ne l'appellerai pas comme ça, mais des contrôleurs (...), des facilitateurs européens, je pense que les Russes l'accepteront » il est clair que l'actuelle « force » russe mandatée pat la CEI et cautionné par l'ONu en  vertu d'accords (qui n'auraient jamais du être acceptés) dans les années 90 n'est pas crédible comme « médiatrice ». Sarkozy l'avait dit à Moscou. Carl Bildt le Suédois, président en exercice du comité des ministres du Conseil de l'Europe, l'a redit avec vigueur. Mais cela reste à faire admettre aux Russes.

Modifier la « force de paix »

« Je suis convaincu, je suis assez certain qu'au bout du compte nous trouverons un système international de maintien de la paix (en Géorgie) au sein duquel l'UE sera impliquée », a déclaré Alexander Stubb, le Finlandais, qui est aussi président en exercice de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).et qui a accompagné Kouchner dans toutes ses démarches.

Encore faut-il que les Etats-unis ne braquent pas trop Moscou. Ce qu'est entrain de faire Bush en appelle à l'OTAN et ne favorise guère la médiation  européenne...alors que l'on apprend, par le New-York Times ;  que la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice (qui s'arrêtera dans le Var, chez Sarkozy, sur le chemin de Tbilissi), avait recommandé en privé au président  Mikheïl Saakachvili d'éviter un conflit avec la Russie lorsqu'elle était venue en Géorgie en juillet...

Bush ou la croisière s'amuse...

Ce sage conseil n'a pas été suivi. Ni par le président géorgien, ni (si l'on ne croit les autorités russes) par tous les conseillers de Bush... Il est vrai que la maison blanche, en ce moment, c'est un peu « la croisière s'amuse » : les prestations télévisées de Bush depuis Pékin ont été affligeantes de légèreté. L'Homme de « l'axe du Bien » termine son mandat d'une bien vilaine manière. Déficit record à l'intérieur et nouvelle désillusion à l'extérieur à l'extérieur. La fermeté verbale qu'il affiche face au Kremlin ne fait oublier à personne que la défaite militaire (prévisible) des Géorgiens est aussi « sa » défaite. Et qu'il montre ses dents pour se mordre les doigts plus que pour défendre son protégé de Tbilissi. On préfèrerait que la Maison Blanche rame dans le même sens que l'Union européenne de façon à ce que l'accord du 12 août devienne rapidement  un « document contraignant ».C'est ce que fait le secrétaire général de l'ONU qui approuve le "plan Sarkozy" qui se dit en contact très étroit avec la diplomatie européenne.

Dialogue Moscou-Tbilissi

La situation mobilise aussi les euro-parlementaires qui sont déterminés à stimuler des actions efficaces et pacifiques de l'Union européenne, dont la responsabilité est engagée encore davantage après la mission de Sarkozy « L'Union européenne (UE) a négocié la paix entre la Géorgie et la Russie et est maintenant responsable pour le suivi et le bon fonctionnement du processus' a déclaré Marie Anne Isler Béguin (Verts/ALE) à Tiblissi.

Mme Isler Béguin, présidente de la délégation pour le Sud Caucase, a été envoyée en Géorgie par le président Pöttering et a participé aux négociations de paix conduite par l'UE. Pour elle, « l'Union européenne est un partenaire majeur du processus de paix qui doit internationaliser ce processus à l'ONU. Seul le dialogue pourra nourrir une solution politique »a-t-elle précisé en se félicitant que le plan de paix insiste sur le respect de  la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Géorgie. Les commissions parlementaires se réuniront le 20 août pour faire le point. De son coté, le Conseil de l'europe qui dispose de bureaux à Tbilissi et à Moscou est très actif, comme depuis le début des hostilités. Le secrétaire général est toujours en Géorgie. le Président du Comité des ministres fait naurellement l lien avec l'UE. le Président de l'Assemblée (voir ci-dessous) annonce enquête, débats et rencontres en série. Droits de l'Homme et réglment durable sont ses deux priorités.Logiques.

Un point très positif alors que tant d'incertitudes règnent encore sur le terrain : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s'est  entretenu au téléphone cet après-midi avec son homologue géorgien, Mme Eka Tkechelachvili, de « l'application pratique » du plan de paix négocié par le président français Nicolas Sarkozy. Le dialogue est renoué.

C'est plus important que l'annonce des annulations de manœuvres communes entre anglo-russe et américano-russe. Londres et Washington pensent-ils ainsi « pénaliser » Moscou ? C'est regrettable de voir une fois de plus Londres se montrer plus  américaine qu'européenne. Brown oublie-t-il déjà ses accolades avec Sarkozy ? Il est  vrai que le PM de sa Gracieuse Majesté a d'autres problèmes politiques à régler...

Jacques DEHAIRE

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Vers une résolution française à l'ONU

La France va bientôt proposer un nouveau projet de résolution au Conseil de sécurité de l'ONU sur le conflit dans le Caucase, incluant le plan de paix accepté sous conditions par la Russie et la Géorgie, a indiqué mercredi l'ambassadeur de Belgique à l'ONU, Jan Grauls, qui préside le Conseil ce mois-ci, "Il s'agit d'une évolution très positive, car cela indique que la logique militaire qui prévalait jusqu'au week-end dernier a désormais laissé la place à une logique politique, une logique diplomatique", a-t-il commenté. M. Grauls s'est aussi félicité du "bon et ferme" communiqué du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, plus tôt dans la journée. Ce dernier a réaffirmé son "soutien pour une solution fondée sur un plein respect de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de la Géorgie" et a salué le plan de paix proposé par le président français.

Menaces américaines...

L'intégration de la Russie à des institutions internationales risque d'être mise en cause par l'intervention militaire de Moscou en Géorgie, a déclaré  la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice. "Les Russes ont dit qu'ils voulaient faire partie de cette communauté internationale prospère et tournée vers l'avenir et pour être honnête, ils portent gravement atteinte à leur aptitude à y parvenir", a déclaré Rice dans une interview sur ABC. "Il existe un certain nombre d'opportunités pour la Russie de faire marche arrière et de démontrer qu'elle essaie de se comporter conformément aux principes du XXIe siècle", a-t-elle expliqué. "Mais, je peux vous garantir que la réputation internationale de la Russie et le rôle que la Russie peut jouer au sein de la communauté internationale sont dans une large mesure en jeu dans cette affaire", a-t-elle ajouté.

Un haut responsable américain s'exprimant sous le sceau de l'anonymat avait auparavant déclaré que la Russie "avait beaucoup à perdre" si elle ignorait les appels de la communauté internationale à un cessez-le-feu et à un retrait des troupes. "La Russie va devoir consolider son intégration au sein de l'OMC, de l'OCDE et du G8 et d'institutions similaires", a confié ce responsable à des journalistes en évoquant le projet russe d'adhérer aux grands clubs de la planète. "Franchement, c'est tout le programme du président Dmitri Medvedev qui est en jeu ici", a-t-il dit sous le sceau de l'anonymat. Il a ajouté que les Etats-Unis souhaitaient que le projet de Medvedev réussisse mais "voilà ce qui est en jeu lorsque les Russes se comportent de cette manière archaïque".(source AFP)

Accord USA-Pologne sur le bouclier antimissile? 

Les responsables polonais affichent une solidarité débordante d'affection chaleureuse envers les Géorgiens « victimes des desseins impérialistes russes dignes des pires heures de l'URSS », mais ils ne cachent pas leur volonté de tirer un parti optimal de la tragédie caucasienne sur un terrain qui leur tient particulièrement à cœur : conclure vite un accord avec les USA sur le « bouclier antimissile ». Dès aujourd'hui, espèrent-ils publiquement...
« Nous allons peut-être récolter les fruits de nos efforts », a déclaré hier à Bruxelles le ministre des affaires étrangères polonais Radoslaw Sikorskii qui prend personnellement les négociations en mains après avoir « viré » le négociateur en titre. « Nous avons aujourd'hui une situation internationale nouvelle. La situation ne change pas nos arguments, mais selon moi elle renforce nos arguments. L'augmentation de la tension internationale qui nous surprend maintenant fait des garanties de sécurité une question encore plus importante que jusqu'à présent »
Mardi, le Premier ministre Donald Tusk s'était déjà dit « optimiste » sur la fin des négociations. « Les événements dans le Caucase montrent bien que des garanties de sécurité de ce type sont indispensables »
 

La réaction du Conseil de l'Europe

Le Président de l'APCE salue l'accord de paix, mais déclare que les violations des droits de l'homme ne peuvent pas rester impunies

Strasbourg- Le Président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), Lluís Maria de Puig, a salué avec espoir le fait que la Géorgie et la Russie, tous les deux Etats membres de l'Organisation et parties à la Convention européenne des droits de l'homme, aient accepté le cessez-le-feu exigé par la communauté internationale. Il a signalé que l'APCE attend la fin définitive de l'état de guerre et le retrait total des troupes, tel qu'annoncé par les deux gouvernements, ainsi que le libre accès de l'aide humanitaire.

" L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a la volonté d'établir, le moment venu, les graves responsabilités de chacune des parties impliquées dans le conflit. Pour ce faire, j'ai demandé aux gouvernements russe et géorgien, ainsi qu'aux délégations parlementaires des deux pays, des informations détaillées sur ce qui s'est vraiment passé.

Nous verrons dans les prochaines semaines quelle sera l'attitude à adopter envers deux Etats membres qui se sont lancés dans un conflit meurtrier, mais en tenant compte aussi de la volonté politique dont ils feront preuve pour régler le conflit par la voie pacifique. En tout cas, les exactions et violations des droits de l'homme ne peuvent pas rester impunies ", a déclaré le Président de Puig.

" Je me réjouis que les parties, en acceptant en principe le plan-cadre de paix, reconnaissent que la seule issue possible du conflit passe par la voie du dialogue et non pas par les armes. A cet égard, l'APCE est prête et ouverte à apporter son expertise et son soutien à la Géorgie et à la Russie afin de parvenir à un règlement pacifique sur l'avenir de l'Ossétie du sud et de l'Abkhazie, et de promouvoir une stabilité durable dans cette région du Caucase ", a assuré le Président de l'APCE

Ce qu'en pense Lech WALESA

le conflit en Géorgie montre l'impréparation de l'Occident
L'ancien président polonais Lech Walesa a estimé aujourd'hui que le conflit en Géorgie était la preuve d'un retour de la Russie à ses méthodes soviétiques et de l'impréparation de l'Occident face à une telle crise."Pour l'heure, nous avons tous perdu", a commenté le lauréat du prix Nobel de la paix en 1983 dans un entretien téléphonique avec l'Associated Press.

"La Russie a perdu parce qu'elle avait exaspéré le monde entier et il semble qu'elle revienne à ses vieilles méthodes", a-t-il souligné. "L'Europe (...) a agi fiévreusement et fait preuve de son incapacité à être organisée, et les Etats-Unis se sont révélés impuissants et inefficaces."

Le conflit entre Moscou et Tbilissi sur l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie a fait apparaître une fracture au sein des Vingt-Sept de l'Union européenne. D'anciens satellites de Moscou comme la Pologne et la Lettonie ont préconisé une ligne dure à l'égard de la Russie, tandis que des membres historiques comme l'Allemagne et l'Italie se sont montrés plus conciliants.

Les Etats-Unis, qui soutiennent le gouvernement géorgien dans cette crise, ont pour l'heure laissé à l'UE le soin d'assurer une médiation entre les belligérants.

"Nous avons tous reçu une leçon" avec cette guerre dans le Caucase, a encore commenté Lech Walesa. Selon lui, la communauté internationale doit s'entendre sur un ensemble de valeurs civiques et de libertés, et réagir quand elles sont violées. "Autrement, nous continuerons à vivre dans le chaos", a-t-il conclu, se disant prêt à jouer le rôle de médiateur "n'importe quand et n'importe où".

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